Privé d'un avant nourrissant et d'un après prometteur,d'un dehors rassurant et d'un dedans qui soit fort, chacun de nous à des degrés divers, éprouve la difficulté de vivre son présent et d'occuper son espace.
Le développement personnel consiste sans doute à faire l'apprentissage de l'abandon et à se disposer à la joie. Cela n'est pas donné d'emblée. Il faut y croire d'abord et pour cela percevoir le caractère mythique de la privation, le caractère absurde de l'effort. Et puis il y a le risque d'essayer d'être son propre père et sa propre mère, le risque de s'étonner de soi et d'éprouver autrement la réalité. Il y a au centre de chacun une présence qui demande à être au monde. Elle n'arrive pas toujours à faire surface mais elle est. En plein milieu de l'angoisse, dans le profond d'un découragement, dans le lointain de la folie, elle est et demeure, intacte, prête à se manifester quand sera possible l'expérience d'une certaine ouverture. La vie nous demande au fond de ne pas résister à ce que nous sommes, car ce que nous sommes est plus grand que nous le pensons. Nous n'en finissons pas de grandir. Ce que nous sommes est sans doute immense. Il nous manque seulement la perspective. L'arc-en-soi est à prendre au sérieux.
Que reste-t-il du passage des chrétiens de gauche ? Moins des discours et des théories que ce qu'ils ont construit dès la Résistance et dans les décennies qui ont suivi : leur contribution à la solidarité et à la justice sociale, au "Bien commun" (comme dit l'Eglise catholique pour désigner l'"intérêt général"), en vertu de convictions fortes sur la valeur de l'engagement dans la Cité politique.