Diadie Dembele vous présente son ouvrage "
Deux grands hommes et demi" aux éditions Lattès. Rentrée littéraire janvier 2024.
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deux-grands-hommes-et-demi
Note de musique : © mollat
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Je trouve enfin quelqu’un qui met des mots sur des sentiments trop longtemps refoulés. J’apprends que l’homme se constitue par lui-même, égal aux autres, indépendamment de son lieu de naissance, de sa couleur de peau, de sa religion ou d’une quelconque conviction politique, qu’il doit continuellement se battre pour faire respecter ses droits, quel que soit l’adversaire en face.
Pourquoi t'ai-je mis au monde ? C'est cela que tu veux savoir ? Je vais te le dire ! Ouvre bien tes oreilles ! Je t'ai mis au monde pour élargir mon vagin, pour qu'une chose plus grande et plus belle sorte de lui. Je t'ai mis au monde pour que tu mordes mon sein, que tes dents fassent des traces sur mes tétons. Je t'ai mis au monde pour que mes vieux jours soient remplis de ta présence et de celle de ta descendance. Je t'ai mis au monde pour que la terre qui me mangera se réjouisse de sentir les pas de ma descendance sur elle. Je t'ai mis au monde pour que la chèvre ne ricane pas à minuit à mon sujet, moi qui ai le même âge que son arrière-arrière-arrière-grand-mère. Je t'ai mis au monde pour que tu sois la preuve de ma souffrance, de mon bref passage sur terre, parmi les hommes de peu de fortune. Je t'ai mis au monde pour que le soleil continue de briller sur mon monde. Je t'ai mis au monde pour que la lune continue d'habiter mon ciel. Je t'ai mis au monde pour que tu me continues, que tu sois l'extension de ma lumière, mon fils.
Mais la vie est une rivière pleine de surprises dans laquelle l'homme s'acharne à nager depuis la nuit des temps, s'amusant à y laisser femmes et enfants, comme s'il n'avait pas suffisamment appris de ses ascendants. L'homme trébuchant dans cette rivière, si un caïman ne lui attrape pas la jambe pendant la traversée, c'est un hippopotame qui le bouscule.
Tout le monde entend les sanglots. Une mère n'a pas le pouvoir d'un père mais elle a ses larmes. Une mère qui a mal pleure. Une mère qui a mal pour son fils pleure. Si elle ne pleure pas, elle pourrit de l'intérieur. Les larmes soulagent ce que les bras ne peuvent venger. Les larmes nettoient l'affront que l'eau ne peut enlever.
« Si l’on pouvait se balader avec sa maison sur la tête, nul ne serait étranger sur cette terre, sache-le. »
D’autres ont déjà franchi les frontières du Mali pour rejoindre les pays côtiers. En vérité, lorsque le ciel s’assombrit, que la terre se déchire et expulse les graines, que les arbres se meurent et donnent leur corps au feu purificateur des incendies, y a-t-il encore de l’espoir pour le paysan ? Lorsque les pâturages jaunissent, que les puits et les rivières s’assèchent, y a-t-il encore de l’espoir pour l’éleveur ? Lorsque le lit du fleuve devient une forêt, que les barques s’enfoncent dans le sable et que l’odeur des poissons morts envahit les berges, y a-t-il encore de l’espoir pour le pêcheur ? Ça fait longtemps que je cogite également sur le départ.
Le vieux forgeron dit que l'enfant sera un homme s'il apprend à souffrir dans le jeu et à s'amuser dans la douleur, sans pleurer dans la défaite.
Mais la vie est une rivière pleine se surprises dans laquelle l’homme s’acharne à nager depuis la nuit des temps, s’amusant à y laisser femmes et enfants, comme s’il n’avait pas suffisamment appris de ses ascendants. L’homme trébuchant dans cette rivière, si un caïman ne lui attrape pas la jambe pendant la traversée, c’est un hippopotame qui le bouscule.
Il voulait cheminer vers le lieu de sa gloire, fixé comme un défi à sa condition de fils de paysans, le voilà seul dans la jungle urbaine. L’eau n’a pas de goût. L’argent n’a pas d’odeur. La souffrance n’a pas de couleur. Mais l’aventure a le goût des insultes et du mépris, de la faim et des humiliations.
Il n’avait pas réfléchi à ce qui le dépassait, et le dépasse toujours dans cette même condition : le grand rouleau compresseur de la lutte des classes. On ne part pas du néant pour atteindre les cimes des grands baobabs si on n’a soi-même pas des bras assez longs pour le faire, ou des bras longs pour nous pousser.