Par Cleo T.
Accompagnée de Donia Berriri (aka Achille), Robi, Émilie Dautricourt & Maud Lübeck
« La vie est dans l'amour. » Marceline Desbordes-Valmore
Second volet de ce parcours autour des poétesses et de la musicalité poétique, les femmes nous parleront cette fois de la beauté, du vivant, des tilleuls et des lunes qui parlent. Nous traverserons sans cadre ni chronologie les pays qui n'existent pas d'Edith Södergran, les lumières du sud d'Etel Adnan et les cantiques sumériens d'Enheduanna, princesse et première poétesse dont le monde ait conservé le nom.
Un voyage sonore porté par un dialogue à deux pianos, le mien et celui de Donia Berriri (aka Achille) ainsi que par le choeur de mes lectrices invitées.
Cleo T.
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Souhait
De tout ce monde ensoleillé
je ne désire qu'une chose : un banc dans le jardin -
un chat s'y prélasserait…
Là-bas je m'assiérai
avec une lettre,
une seule, une toute petite -
tel est mon rêve…
En önskan
Av hela vår soliga värld
önskar jag blott en trädgardssoffa
där en katt solar sig…
Där skulle jag sitta
med ett brev i barmen,
ett enda litet brev.
Sä ser min dröm ut …
Edith Södergran, traduction Elena Balzamo
Ne t'approche pas trop de tes rêves
Ils sont un mensonge, et doivent partir
Ils sont une folie, et veulent rester.
Sister
I once had a sister, a golden child.
In the city she vanished from me in the crowd.
When amidst black spruce trees I see
young birch trees shake their golden locks,
I remember my sister.
Is she standing wide-eyed amidst the trees
with beating heart,
is she stretching out her hands towards me?
Sister, my sister, where did they take you?
What dreams of pleasure can you dream
on beds of tiredness?
Child of heroes, child of luck!
We shall wait together
for the day of fairy-tales.
The Moon's Secret
The moon knows... that blood will be shed here tonight.
On tracks of copper over the lake a certainty goes forth:
corpses shall lie amidst the alders on a wonderfully beautiful shore.
The moon shall cast its most beautiful light on the strange shore.
The wind shall pass like a wakening bugle call between the pines:
How beautiful is the earth in this lonely hour.
Les étoiles
Quand vient la nuit
Je reste sur le perron et j'écoute
Les étoiles fourmillant dans le jardin,
Et moi je reste dans l'obscurité.
Ecoute ! Une étoile est tombée dans un tintement !
Ne sors pas, pieds nus, dans l'herbe;
Mon jardin est plein d'éclats d'étoiles.
( " La différence")
UN DÉSIR
De tout notre monde ensoleillé
Je ne désire qu'un banc de jardin
Où un chat se chauffe au soleil…
C'est là que je m'assoirais,
Une lettre dans mon corsage,
Une seule petite lettre.
Tel est mon rêve…
p.16
Quand vient la nuit
Je reste sur le perron et j’écoute
Les étoiles fourmillant dans le jardin,
Et moi, je reste dans l’obscurité.
Ecoute ! Une étoile est tombée dans un tintement !
Ne sors pas, pieds nus, dans l’herbe,
Mon jardin est plein d’éclats d’étoiles.
Rien
Te t’inquiète pas, mon enfant, il n’y a rien,
tout est comme tu vois : la forêt, la fumée, la fuite des rails.
Quelque part, là-bas, dans un pays lointain,
il y a un ciel plus bleu et un mur couronné de roses
ou un palmier et un vent plus doux –
et c’est tout.
Il n’y a rien que la neige sur la branche du sapin,
il n’y a rien à baiser de ses lèvres chaudes,
toutes les lèvres deviennent froides, avec le temps.
Mais tu dis, mon enfant, que ton cœur est fort
et que vivre pour rien, c’est pire que mourir.
Que lui voulais-tu à la mort ?
Ne sens-tu pas le dégoût que dégagent ses frusques ?
Rien n’est plus écœurant que de mourir de sa propre main.
Comme ces courts instants où fleurit le désert,
nous devons aimer les longues heures de maladie de la vie
et les années contraintes où se concentre le désir.
Les arbres de mon enfance
Les arbres de mon enfance se dressent haut dans l’herbe,
Ils hochent la tête qu’es-tu devenue ?
Leurs colonnades se dressent comme des reproches
tu n’es pas digne de passer à nos pieds
Tu es une enfant, tu dois tout pouvoir,
pourquoi laisses-tu la maladie t’enchaîner ?
Tu es devenue femme, haïssable étrangère.
Enfant, tu tenais avec nous de longues conversations,
ton regard était sage.
Nous voudrions maintenant te dire le secret de ta vie
la clef de tous les secrets se trouve
dans l’herbe de la butte sous les framboisiers.
Endormie, nous voudrions te cogner au front,
morte, nous voudrions te réveiller de ton sommeil.
(Traduction Carl Gustav Bjurström et Lucie Albertini, éditions Orphée La différence)
Automne
Les arbres nus autour de ta maison
laissent librement entrer le ciel et l'air sans fin.
Les arbres nus descendent jusqu'au rivage
pour se mirer dans l'eau.
Dehors joue un enfant, et la fumée est grise,
une petite fille porte un bouquet de fleurs,
et tout au loin, au bout du firmament,
un groupe d'oiseaux, couleur d'argent, prend son envol.
Edith Södergran, traduit par Elena Balzamo