Citations de Edouard Zarifian (165)
Où puisons-nous de quoi surmonter ces pertes, ces souffrances, ces traumatismes ? Il faut revenir à ce que nous sommes, dans tous les aspects et la plénitude de notre être. Pas d’explications miracles. Un corps et un cerveau, certes, mais aussi un être de relation et de parole. Rien que cela, mais tout cela.
A chaque rencontre, une nouvelle histoire s'écrit. C'est là que réside le plus étonnant mystère de l'aventure humaine.
Ecoute-moi, toi mon semblable, mon frère. Ta différence peut aussi être ta force. Tu souffres de ta représentation du monde. Tu as peur, parce que tu te crois faible, parce que tu penses que l'avenir est sans issue et la vie sans espoir. Tu t'es réfugié dans ton monde intérieur où tu n'es que solitude. Pourtant, tu as d'authentiques paradis dans la tête. Ce ne sont pas des paradis chimiques, c'est toi, toi tout entier dans ta singularité d'homme avec les forces qui t'habitent et que tu as oubliées peut-être. Car c'est l'homme qu'il faut retrouver dans l'individu pour rendre l'existence viable.
Seul l'homme peut sauver la société en commençant par se sauver lui-même. Encore faut-il peut-être lui dire que c'est possible et lui montrer comment faire. Ces valeurs éternelles, qu'il porte en lui, ont permis à travers tous les chaos l'essor des civilisations. Elles ne peuvent disparaître sauf à ruiner les civilisations elles-mêmes. Elles ont noms la solitude, l'entraide, le courage, la tolérance. Elles s'appellent générosité, fraternité et chaleur humaine. Elles existent toujours, ces valeurs, mais il faut le faire savoir, les valoriser et faire en sorte qu'elles puissent servir d'alternatives aux valeurs uniquement matérielles qui nous sont imposées.
Que la science ait médicalisé la psychiatrie, on peut en comprendre le cheminement. Mais que l'on ait médicalisé l'existentiel, jamais les psychiatres n'auraient dû l'accepter.
La décadence d'une société c'est la mollesse, la recherche de la facilité, le besoin systématique d'assistance et de dépendance. Demander des psychotropes pour maquiller l'existentiel, c'est passer à côté de la vie, négliger ses propres ressources et se condamner à terme à perdre toute liberté.
Je doute que des antidépresseurs, aussi puissants soient-ils, soient capables à eux seuls de faire oublier les guerres, sauf s'ils modifiaient les cerveaux, ce que je refuse d'imaginer. En revanche, je crois que des hommes meilleurs pourraient faire cesser les guerres.
Quand il ne s’agit pas d’une pathologie avérée mais d’une souffrance existentielle « légitime » consécutive aux aléas de la vie, il faut faire sienne l’opinion de Musset : « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert. » On ne doit pas gommer systématiquement et pharmacologiquement les expériences maturantes de la vie. Que ferions-nous des drames existentiels de chaque patient - de chaque être humain - si l'on y répondait exclusivement par un médicament ?
Il faut découvrir la fonction de la folie dans la société. P. Valéry disait : « Le réel ne peut s’exprimer que par l’absurde » (Tel Quel). Ne négligeons pas le langage de l’absurde lorsqu’il permet de découvrir le sens caché des choses. Et, pour paraphraser B. Jolivet : « Le singulier de l’individu concerne parfois le pluriel de la masse. » (Conférence de Paris, UNESCO, 1993.)
… le fossé entre l’individu et la Société est devenu un abîme. La Société étouffe l’existence de l’individu, annihile son espace de liberté personnelle, et le contraint à se couler dans le moule d’une norme qui ne respecte pas ses valeurs spécifiques proprement humaines.
La Société occidentale finissante est prisonnière du système qui la régit et pour lequel compte exclusivement le profit. La seule valeur reconnue est la valeur marchande : rien n’est gratuit, rien n’est donné, nulle générosité. Seul l’individu en est capable, parfois jusqu’au sacrifice. L’héroïsme est toujours un acte de solitude.
Certains de ces produits sont susceptibles d’engendrer des dépendances. Lorsque celles-ci sont fréquentes et marquées, on décide un changement de genre : le médicament devient une drogue. Ce fut le cas pour l’amphétamine. Le plus souvent le changement de genre est décidé par les toxicomanes qui sont devenus dépendants d’un médicament et qui le vendent pour leur compte dans la rue (street drugs). Seuls les médecins ont le droit de prescrire ! Ce qui définit souvent un objet ce ne sont pas ses caractéristiques intrinsèques mais la finalité d’utilisation. Par définition une arme est meurtrière lorsqu’elle tue, pas lorsqu’elle permet de gagner une épreuve de tir aux Jeux Olympiques. Si je soigne l’insuffisance cardiaque de ma grand-mère avec de la digitaline, ce produit est un médicament. Si je l’empoisonne avec de la digitaline, elle devient l’arme du crime.
Penser que le médicament n’est que le support d’un processus plus complexe que la seule action pharmacologique incluant l’effet placebo, la relation, le travail psychique, la modification d’un contexte est déjà un progrès. Savoir aussi que n’importe quoi peut « guérir » la plupart des « dépressions » est aussi un acquis important : la privation de sommeil, la stimulation verbale et relationnelle continue, l’exposition à la lumière, les thérapies comportementales, et… l’électrochoc.
On ne traite pas un conflit relationnel ou le poids de contraintes sociales par un comprimé. Simplement, c’est plus facile de faire « comme si » il s’agissait d’une maladie.
Le médecin est le plus souvent incapable de considérer le médicament comme un objet technique indépendant de lui. Puisqu’il a choisi un médicament sur la base de son savoir, c’est un peu de lui-même et de son narcissisme qu’il prescrit. Le malade ne s’y trompe pas lorsqu’il lui dit : « Votre traitement ne m’a rien fait » ou « Avec votre traitement j’ai eu des nausées et des troubles digestifs… »
La Société est devenue folle, mais il ne faut pas le dire.
L’angoisse existentielle est faite d’une perte des repères, des valeurs, d’une solitude et d’une peur de l’avenir dans un monde d’égoïsme. Que l’expression de cette angoisse soit les malaises existentiels ou carrément la « folie » sous la forme d’un délire, c’est toujours une contestation. C’est un langage de l’individu à la société.
L’angoisse existentielle est faite d’une perte des repères, des valeurs, d’une solitude et d’une peur de l’avenir dans un monde d’égoïsme. Que l’expression de cette angoisse soit les malaises existentiels ou carrément la « folie » sous la forme d’un délire, c’est toujours une contestation. C’est un langage de l’individu à la société.
Il existe une formidable souffrance dans notre société et elle s’exprime de manière diversifiée.
Dans ce monde la liberté individuelle doit être éliminée car elle est menace pour la société.