– Je crois qu’il y a un truc que tu n’as toujours pas saisi, Asia.
En quelques foulées, il s’est planté devant moi et a emprisonné mon menton dans sa grande main. Surprise de sa soudaine proximité et de l’effet du contact de ses doigts sur ma peau, je sombre dans un mutisme.
– Tu m’appartiens, dit-il en articulant chaque mot. Par conséquent, l’air que tu respires sera toujours le mien.
« Bon sang, ça crève les yeux qu’on a des choses à se dire mais elle, comme moi, est bien trop fière pour faire le premier pas »
Le jean est aussi moulant qu’un legging et le top souligne ma taille fine tout en mettant en valeur mon cou et la naissance de mes seins. J’abandonne les baskets à lacets près de la baignoire. Je sais exactement quelles pompes iraient avec ma nouvelle tenue : mes bottines Prada à plateformes et talons hauts.
On a presque déjà dépassé le long couloir pour gagner la sortie, mais le visage amoché de l’étudiant me hante encore. C’est certain, c’est Axel qui l’a rousté. Quand je tourne la tête pour regarder discrètement par-dessus mon épaule et que le type me dévisage, l’air mauvais, j’en suis même persuadée.
Dieu est toujours plus conciliant avec les pécheurs qui ont conscience de pécher.
Son corps quasiment nu près du mien me rend nerveuse. J’aimerais pouvoir dire que je ne suis pas le genre de fille à flancher devant des tablettes de chocolat, mais ce serait mentir. Il est très bien bâti et ça réveille plus que jamais ma curiosité mal placée. Nos épaules se frôlent lorsqu’il avance le bras pour éteindre la plaque de cuisson. Ma peau s’électrise soudainement. Merde, je dois être en manque ! Pourtant mon dernier rapport date d’il y a trois semaines à peine, je m’en souviens, c’était avec Ethan – le coloc d’une amie – enfin, si mes souvenirs sont bons.
C’est officiel, je hais ce mec. Ce salaud prend un plaisir malsain à me mettre mal à l’aise. Je suis rouge comme une tomate et pas seulement parce qu’il vient de mettre sous mon nez une photo à caractère carrément pornographique, juste avant de m’inviter à lui en envoyer à mon tour, mais aussi parce que son comportement de sale petit con commence vraiment à me rendre dingue. Il est… imprévisible, indocile, et ça me désarme totalement. Et puis cette manière très libérée qu’il a d’exhiber son harem m’exaspère.
Pourquoi s’est-elle pointée chez moi ? Quand je l’ai trouvée, penaude, sur le pas de ma porte à triturer les manches de son pull en regardant partout sauf dans ma direction, j’étais persuadé qu’elle était là pour reparler de notre baiser. Sinon, pourquoi était-elle si… à cran ? Mais ça n’est jamais arrivé, à aucun moment ce n’est venu sur le tapis. Alors j’ai pensé qu’elle avait décidé d’oublier… Putain, quand j’y repense, ce même soir, rien que sa présence m’avait empêché de trouver le sommeil.
Inutile de vous faire un dessin, vous l’aurez compris, Carter Herrera n’est pas moche du tout, c’est même tout l’inverse et c’est ce qui rend la chose encore plus irritante. Comment peut-on à ce point frôler la perfection ? C’est comme la paire de Christian Louboutin 120 mm que je viens de retirer à l’instant : elle est belle, gracieuse, sexy mais impossible à porter. Eh bien c’est plus ou moins pareil pour Carter : il est physiquement baisable mais mentalement assassinable.
Les années de lycée touchaient doucement à leur fin, et il n’arrêtait pas de répéter sans cesse que je deviendrais certainement aussi douée que lui dans un futur proche, « une très grande avocate » pour le citer. Plus il me le répétait, plus j’avais envie de tout plaquer pour m’en aller loin. Très loin d’ici. Mais la sage et raisonnable adolescente que j’étais préférait se voiler la face. Et se convaincre que certains rêves devaient rester des rêves.