Lorsque je me penchai pour prendre la carte, je me rappelai les paroles de Rachel et inspirai profondément. Aucun doute, il sentait le musc, la cannelle et le café – une odeur si séduisante. Comme j’étais une grande accro au café, j’arrivais presque à sentir le goût de ce divin mélange sur ma langue. Je combattis l’envie irrépressible de fermer les yeux et d’inspirer encore et encore. Je remarquai qu’il m’observait étrangement. Il fallait que je renonce à mon orgasme olfactif et que je laisse cet homme retourner à son travail.
-Oui, Monsieur. Officier.
Je le saluai rapidement.
-Inspecteur, me corrigea-t-il très vite.
Je le savais. Mais il me rendait nerveuse.
-Oh, pardon. Inspecteur.
Sa carte toujours dans ma main, je me rassis à mon bureau, un peu sous le choc d’avoir trouvé un cadavre, de mettre fait interroger par un inspecteur de police, puis de l’avoir reniflé sans vergogne.
« — L’inspecteur Bush va vous demander un compte-rendu de ce qui s’est passé avant et après que vous avez découvert la bombe.
— Quoi ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas simplement vous parler à vous ?
— Nous avons besoin de quelqu’un qui peut être objectif.
Il m’apprécie. Le rouge me monta aux joues.
— Vous ne pouvez pas l’être ?
Je me demandais quel était le délai convenable pour proposer un rencard à quelqu’un après avoir failli être réduit en morceaux à cause d’une bombe ? Argh. Je n’avais pas le droit de penser à ma vie amoureuse sans intérêt et au fait que Muldoon pouvait rattraper beaucoup de retard dans ce domaine.
— Non. (Il frotta son bandage.) Pas quand j’ai fait partie du sauvetage.
Et, avec ces mots, il venait de me claquer la porte au nez. »
« — Que je comprenne quoi ?
Muldoon tendit le bras pour caresser ma joue.
— Que je suis tout aussi perdu que toi. Ma mâchoire dut se décrocher en entendant ces mots. Mais je n’en fus pas certaine, parce que mon cerveau fonctionnait au ralenti à cet instant précis.
— Mon instinct me dit que tu étais juste au mauvais endroit au mauvais moment, mais les preuves t’impliquent jusqu’au cou. (Il haussa un sourcil.) Ce qui signifie que je n’ai pas d’autre choix que de rester en retrait tant que cette affaire ne sera pas résolue. Et je dois réfréner l’envie de t’embrasser chaque fois que tu es à portée de main, mais Seigneur, j’en crève tellement d’envie.
J’eus de la peine à déglutir. Je ne savais pas du tout quoi dire – ce qui ne m’arrivait presque jamais. »
« — Je ne m’attendais pas à ce que vous l’ameniez ici. Mais je suis curieuse de savoir où se trouve ma fille.
Colin déglutit avec peine.
— Chez ma mère.
J’aurais dû m’en douter. Il n’y avait pas tant d’Eagan que ça qui sauteraient sur l’occasion de garder Paige pendant un après-midi. Colin, bien sûr, l’avait emmenée chez la seule Eagan qui ne pouvait pas me supporter – cette bonne femme avait organisé une fête le jour où notre divorce avait été prononcé. J’avais reçu un faire-part du genre « tu n’es pas invitée, mais… ». Quelle femme charmante. »
« — Ça te dit de te joindre à nous ? demanda-t-il avec un clin d’œil.
Je plaquai mes mains sur mes hanches de taille 44.
— Et perdre tout ça ? Je passe mon tour.
J’aurais aimé affirmer qu’il s’agissait des vestiges de mes kilos de grossesse, mais vu que Paige avait dépassé les deux chiffres près d’un an plus tôt, les glaces Ben & Jerry’s étaient les seules coupables. Elles, et un – ou deux – délice divin extra-large, bien gras, sans soja, au moka et au chocolat, tous les matins. »
Par le passé, j’avais, à de nombreuses reprises, essayé de lancer à Muldoon mon plus beau regard intimidant. Ne vous méprenez pas, les acteurs récalcitrants qui essayaient de se la jouer diva me trouvaient effrayante ! Toutefois,face à un homme habitué à gérer les criminels les plus endurcis, ça tomberait de nouveau à plat, je le craignais. Pourtant, je fis de mon mieux.
J’étais partagée entre la colère et la peur. Parce qu’il avait raison. Mais ce n’était pas comme si je les cherchais non plus. Je ne pouvais pas mettre un terme à quelque chose sur lequel je n’avais aucune prise. Je n’avais rien à voir avec ce crime, je n’étais venue que pour soutenir mon ami.
Le fait que je m’évanouisse à la vue du sang n’était pas drôle, même si, en fait, je ne savais pas du tout à quoi je ressemblais quand je m’effondrais. Peut-être que c’était hilarant. Heureusement, personne ne m’avait jamais filmée en train de le faire.
On m’avait toujours dit que ma curiosité me mènerait à ma perte. Tout ce que j’avais récolté, c’étaient des yeux irrités et un torticolis pour le troisième matin de suite.
Nous avions à peine assez de temps à nous pour le passer ensemble. Je ne savais pas comment faisaient les adultes aux vies bien remplies pour avoir des rencards.