Le contexte familial, on en passe tous par là, les proches, les frères et sœurs, les parents surtout, toujours soupçonnés des pires choses, c’est normal, c’est les bases, le b.a.-ba. On remonte comme ça cinquante ans en arrière, une génération.
Blancard ne sera jamais propriétaire, non, mais cela ne l’empêche pas d’en rêver, de se promettre qu’un jour ce nom ignoble et insignifiant, ce nom d’esclave qui est le sien, apparaîtra à côté d’un petit rectangle noir sur la carte d’état-major du canton, le petit rectangle de la « Maison Blancard », qui servira de repère, comme tant d’autres, pour s’orienter dans la campagne. On dira : « Tu vois chez Blancard ? Eh bien, quand tu es chez Blancard, tu continues tout droit et puis, tu prends le premier chemin qui monte sur la droite. »
On prend l'air objectif. On met les lunettes rondes, les binocles inévitables du savant. On enfile la bouse blanche. Avec, forcément, une petite fantaisie typique, une charmante excentricité de grand rêveur, le détail pittoresque qui tue, l'impayable jabot du mathématicien de génie, cheveux longs pseudo-romantiques à la Evariste Galois, pétard étudié à la Einstein, grimaces, tirage de langue, boucles, tatouages, pitreries.
Et puis, on prend le ton grand seigneur, un peu sec, militaire, impersonnel du spécialiste, de l'expert.
« Hypothèse 1 : l’assassin. (…)
Ici, nous parcourons la branche la plus sinistre. Celle où, pour le malheur de Stéphanie Lacroix, Charles Blancard fait, chaque fois, en conscience, délibérément, tous les choix les pires, les plus cruels, les plus inhumains. (…)
Ici, cette branche se divise une première fois.
1.1. Morte sur le coup, la proie inanimée gît sur le bitume. (…)
1.2. Quad Blancard sort de son véhicule, sa proie, couche sur le bitume, est vivante. (…)
1.2.1. Au fond du coffre, Stphanie Lacroix ne respire plus. (…)
1.2.2. La victime a survécu au transort. (…)
1.2.2.1. Déjà Blancard est sur elle. (…)
On prend l’air objectif. On met les lunettes rondes, les binocles inévitables du savant. ON enfile la blouse blanche. Avec, forcément, une petite fantaisie typique, une charmante excentricité de grand rêveur, le détail pittoresque qui tue, l’impayable jabot du mathématicien de génie, cheveux longs pseudo-romantiques à la Évariste Galois, pétard étudié à la Einstein, grimaces, tirage de langue, boucles, tatouages, pitreries.
Hypothèse 6 : sous le choc, la raison cède. (…)
L’accident vient d’avoir lieu. Blancard sort de sa voiture, s’avance, sous le choc, dans le silence de la forêt. (…) » (…)
« Voilà, j’ai fait le tour. Les possibles sont à présent devant moi, cartes sur table. Histoires possibles, Blancard possibles. Où est la vérité dans tout ça ?
– Pourquoi avez-vous découpé les deux oreilles ? (…)
– Je sais pas pourquoi je l’ai fait, c’était machinal, il y en aurait eu trois, j’aurais découpé les trois.
Par quelle dégénérescence aberrante du désir amoureux peut-on prendre plaisir à faire souffrir ainsi jusqu'à la mort l'être désiré ?
Les monstres doivent bien venir de quelque part, et pourquoi pas de nous-mêmes ?
D’un seul coup, c’est à moi.