À l'occasion de la 45ème édition du festival "Le livre sur la place" à Nancy, Laurent Petitmangin vous présente son ouvrage "Les terres animales" aux éditions la Manufacture de livres. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2886497/laurent-petitmangin-les-terres-animales
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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Août, c’est le meilleur mois de notre coin. La saison des mirabelles. La lumière vers les cinq heures de l’après-midi est la plus belle qu’on peut voir de toute l’année. Dorée, puissante, sucrée et pourtant pleine de fraîcheur. Déjà pénétrée de l’automne, traversée de zestes de vert et de bleu. Cette lumière, c’est nous. Elle est belle, mais elle ne s’attarde pas, elle annonce déjà la suite. Elle contient en elle le moins bien, les jours qui vont rapidement se refroidir. Il y rarement des étés indiens en Lorraine.
(page 81)
Il se démenait l’avocat. Moi aussi, désormais. J’avais finalement compris que la vie de Fus avait basculé sur un rien. Que toutes nos vies, malgré leur incroyable linéarité de façade, n’étaient qu’accidents, hasards, croisements et rendez-vous manqués.
J’avais ressenti le besoin de retourner à la section comme d’autres celui de retrouver l’église. Même s’il ne s’y passait plus grand-chose, je me disais que je ferais partie des derniers. Ce qui me désolait, c’est que nous nous isolions de plus en plus. Elle était loin l’union de la gauche. Parfois j’avais l’impression que certains d’entre nous se dépensaient plus à casser les cocos qu’à taper sur les nantis. Où étaient nos combats ?
(page 41)
Je ne m’énerve jamais, je ne gueule jamais comme les autres, j’attends juste que le match se termine.
(page 10)
Elle était issue d’une famille de polaques qui s’était installée en Moselle entre les deux guerres. Elle militait au FN depuis ses quatorze ans, « comme papa ». C’était toujours fascinant de voir comment des gens pouvaient se sentir aussi vite partie prenante d’une histoire, plus français que les Français, encore gorgés de bondieuseries et de traditions de leur coin d’origine, et, avec la même ardeur et la même obstination, comment ils refusaient un pareil droit à tous ceux qui arrivaient après eux.
(pages 143-144)
On sait ce qu’on vaut et on sait s’en contenter.
Ils étaient beaux mes deux fils, assis à cette table de camping, Fus déjà grand et sec, Gillou encore rond, une bonne bouille qui prenait son temps pour grandir. Ils étaient assis dos à la Moselle, et j’avais sous mes yeux la plus belle vue du monde.
(page 30)
C’était même rassurant de savoir qu’il existait un territoire qui avait sa propre logique, un petit royaume libéré des saloperies de la vie.
Voilà comment on justifiait en moins de dix minutes de traîner avec l’extrême-droite. Comment on se résignait à ce que son fils soit de l’autre côté. Pas chez Macron, mais chez les pires salauds. Les potes des négationnistes, des ordures. Fus était calme, presque content que cette explication arrive. Il assumait. Un vrai témoin de Jéhovah, perfusé de conneries, avec de nouvelles certitudes, qui restait aimable. J’avais honte.
(pages 61-62)
J’avais finalement compris que la vie de Fus avait basculé sur un rien. Que toutes nos vies, malgré leur incroyable linéarité de façade, n’étaient qu’accidents, hasards, croisements et rendez-vous manqués. Nos vies étaient remplies de cette foultitude de rien, qui selon leur agencement nous feraient rois du monde ou taulards.
(page 171)