Enfant dune timidité maladive, lart ma aidé à me réaliser. Dune nature combative, les obstacles mont permis de me surpasser et d'atteindre des objectifs inimaginables.
Né en 1952 à Chartres dun père normand et dune mère dorigine belge et allemande, il a exercé en tant que Psychologue clinicien en Normandie puis à La Réunion. Parallèlement chanteur, rocker puis comédien au théâtre universitaire, sa carrière artistique a finalement pris le dessus avec le développement du théâtre Vollard à La Réunion depuis 1979. Pour Vollard, il a écrit et mis en scène une vingtaine de pièces de théâtre, trois opéras et fondé deux des trois grandes scènes de Saint-Denis : le Grand Marché et la cité des Arts / Jeumon. Père d'une fille de 21 ans étudiante à Strasbourg, il se tourne aujourdhui vers le métier décrivain (nouvelles, romans) et la politique.
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La mère, Rita, sosie de Greta Garbo, se gavait de chips et de massepains, se saoulait de Marie Brizard et procrastinait dans son lit. Elle pleurnichait, ruminait sa mauvaise fortune et celle de son mari […].
Aboucar était gentil et n'en revenait pas d'avoir conquis Faïsa. Elle fit des efforts pour le satisfaire au lit. Ce n'était pas difficile car il ne connaissait rien à la chose. Elle pensa même l'avoir dépucelé et se débrouilla pour ne pas tomber enceinte.
Nul n’est plus sceptique envers son pays qu’un Malgache. En réfléchissant, ces Réunionnais n’étaient pas si méchants, ils travaillaient dur, leurs enfants parlaient la langue du pays. En dépit de leurs comportements racistes et de leur soumission aux métropolitains, les Réunionnais étaient leurs voisins, ils venaient de l’île d’en face et le sang de Madagascar coulait dans leurs veines.
Dans la communauté zoreille la rumeur courait que les beautés noires usaient de philtres et de sortilèges pour s'attacher leurs amants.
Au moment de quitter son île, le jeune Réunionnais s’interroge sur son identité. La propagande officielle s’obstine à nier la langue et la culture locales et ramène tout au modèle « français ». Alors le jeune migrant, démuni et déstabilisé, adopte le seul point de vue disponible : celui du touriste.
On n’oublie pas une enfance dans la brousse. Tant de souvenirs s’y rattachaient : la terre généreuse, la case spacieuse, le tracteur, l’élégance de sa mère, la tendresse de sa nourrice — que les créoles appelaient nénène —, les jeux avec ses sœurs, la splendeur des soleils couchants, le goût des carri3 du dimanche, l’exploration des alentours et son lien si particulier avec les animaux de la ferme. Il y avait, bien entendu, un revers à la médaille : l’isolement, les terribles orages d’octobre, la terreur des caïmans et des anophèles, les insultes et les coups de chabouk — la badine réunionnaise — paternels.
Bibi s'en voulut d'avoir trop parlé et se remémora les paroles de sa mère : " Dans la vie, il ne faut pas toujours dire la vérité."
En réfléchissant elle se dit qu' à la place de sa fille, elle aurait aimé savoir.
La Sabena s’invita alors aux soirées des Wazungu — les métros — de l’Éducation nationale, de ceux qui sont attirés par les femmes noires. Faïza enviait les riches résidents des Cents Villas, le quartier des expatriés. Elle faisait le compte de leurs salaires et de leurs privilèges et rêvait de devenir comme eux. Mais elle mettait mal à l’aise ses interlocuteurs, ne possédait pas de diplômes et tenait des propos décousus. Elle roulait trop les « r » et manquait de culture et de bonnes manières : son cercle d’amis se restreignit.
Il est possible qu’elle ait perdu la raison. — Non... enfin peut-être, vous savez il y a tellement de dévergondées et de folles dans la ville. Vous devriez vous renseigner à l’hôpital d’Androva, c’est là qu’on les amène quand elles ne savent plus où aller ou quand elles font leurs crises. » Léonel remercia chaleureusement la sœur. Celle-ci le retint par le poignet : « Vous ne couchez pas avec elle, j’espère, dit-elle en désignant Chati. Vous êtes trop vieux. Hein, n’en profitez pas ! — Non », répondit-il, passablement gêné.
Ses lettres, extravagantes et parfumées, étaient couvertes d’arabesques et de baisers. Son écriture arrondie, douce et sensuelle se muait en un gribouillis rageur quand elle narrait sa vie au lycée Jules-Ferry de Tananarive où ses parents l’avaient inscrite. À l’inverse de Jimi, son ton restait froid et exprimait rarement des sentiments. Elle parlait plutôt de colonialisme et d’impérialisme, de garçons intéressants qui faisaient de la politique, d’amis rencontrés en dehors du lycée.