La mère, Rita, sosie de Greta Garbo, se gavait de chips et de massepains, se saoulait de Marie Brizard et procrastinait dans son lit. Elle pleurnichait, ruminait sa mauvaise fortune et celle de son mari […].
On n’oublie pas une enfance dans la brousse. Tant de souvenirs s’y rattachaient : la terre généreuse, la case spacieuse, le tracteur, l’élégance de sa mère, la tendresse de sa nourrice — que les créoles appelaient nénène —, les jeux avec ses sœurs, la splendeur des soleils couchants, le goût des carri3 du dimanche, l’exploration des alentours et son lien si particulier avec les animaux de la ferme. Il y avait, bien entendu, un revers à la médaille : l’isolement, les terribles orages d’octobre, la terreur des caïmans et des anophèles, les insultes et les coups de chabouk — la badine réunionnaise — paternels.
Nul n’est plus sceptique envers son pays qu’un Malgache. En réfléchissant, ces Réunionnais n’étaient pas si méchants, ils travaillaient dur, leurs enfants parlaient la langue du pays. En dépit de leurs comportements racistes et de leur soumission aux métropolitains, les Réunionnais étaient leurs voisins, ils venaient de l’île d’en face et le sang de Madagascar coulait dans leurs veines.
Au moment de quitter son île, le jeune Réunionnais s’interroge sur son identité. La propagande officielle s’obstine à nier la langue et la culture locales et ramène tout au modèle « français ». Alors le jeune migrant, démuni et déstabilisé, adopte le seul point de vue disponible : celui du touriste.
Ses lettres, extravagantes et parfumées, étaient couvertes d’arabesques et de baisers. Son écriture arrondie, douce et sensuelle se muait en un gribouillis rageur quand elle narrait sa vie au lycée Jules-Ferry de Tananarive où ses parents l’avaient inscrite. À l’inverse de Jimi, son ton restait froid et exprimait rarement des sentiments. Elle parlait plutôt de colonialisme et d’impérialisme, de garçons intéressants qui faisaient de la politique, d’amis rencontrés en dehors du lycée.
Enfant d’une timidité maladive, l’art m’a aidé à me réaliser. D’une nature combative, les obstacles m’ont permis de me surpasser et d'atteindre des objectifs inimaginables.
Né en 1952 à Chartres d’un père normand et d’une mère d’origine belge et allemande, il a exercé en tant que Psychologue clinicien en Normandie puis à La Réunion. Parallèlement chanteur, rocker puis comédien au théâtre universitaire, sa carrière artistique a finalement pris le dessus avec le développement du théâtre Vollard à La Réunion depuis 1979. Pour Vollard, il a écrit et mis en scène une vingtaine de pièces de théâtre, trois opéras et fondé deux des trois grandes scènes de Saint-Denis : le Grand Marché et la cité des Arts / Jeumon. Père d'une fille de 21 ans étudiante à Strasbourg, il se tourne aujourd’hui vers le métier d’écrivain (nouvelles, romans) et la politique.
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