Eric Quesnel

J’espère qu’ils vont mourir…

La maison aux déclins de bois, semblait prendre du terrain d’année en année, comme si les arbres resserraient leur étreinte sur l’habitat. Une balançoire, aux chaînes rouillées et grinçantes quand le vent y soufflait, n’avait assurément pas joué son rôle depuis de nombreuses années. La clôture faite de planches ou, du moins ce qu’il en restait, n’avait plus que quelques traces d’une peinture blanche, désormais écaillée. Le bâtiment avait connu de meilleurs soins et on pouvait deviner qu’il fut jadis d’un bleu pastel, mais à présent fort défraîchi. L’herbe haute régnait sur cette parcelle de terre. Pourtant, malgré toute apparence elle n’était pas abandonnée, bien que les planches de bois à la fenestration en donnassent la forte impression. Le soir se pointait marqué d’une fine pluie. À l’intérieur, une lumière située à droite du balcon arrière, confirmait une présence humaine.

Extrait que j'ai choisi exprès tant la ressemblance avec BFMTV est saisissante :
- Bonne fin d'avant-midi mesdames et messieurs, ici Mélanie Vanier pour un bulletin de nouvelles spécial, concernant la résidence de l'un de nos collègues, Henry Dumont. Allons rejoindre Laura Barns en direct tout près de la résidence de Monsieur Dumont. Laura, vous nous entendez ?
- Oui, je vous reçois bien.
- Bon. Alors, racontez-nous ce que l'on sait jusqu'à maintenant de cette mystérieuse affaire qui nous inquiète en ce moment, bien que l'on ait peu de détails pour le moment.
- Oui et bien, comme vous le mentionnez, nous avons peu de détails, mais par contre vous faites bien de mentionner que ça n'en demeure pas moins inquiétant pour autant.

Les cauchemars se produisent d’abord la nuit. Pour ceux que je fais éveillé, je crois bien qu’ils ont commencé peu de temps après que l’on ait mis fin à l’enquête sur le maître des énigmes. Ça s’est passé durant l’enquête : le boucher d’Hochelaga. Un pêcheur nous a avisés que son chien avait déterré un sac-poubelle contenant des restes humains. Cela a eu lieu dans la petite municipalité de Sainte-Julienne. Sous un pont, en fait. Nous sommes allés voir. En tout, on a retrouvé sept sacs poubelles enterrés. À l’intérieur, il y avait des ossements humains avec des bouts de chair et du cartilage. Nous avons vite établi, avec l’ADN, qu’il s’agissait des sept personnes portées disparues dans le quartier Hochelaga. Une huitième personne, Pierre Dumont, a été portée disparue à son tour le lendemain de cette macabre découverte.

Jay Harrington était assis dans son camion depuis une heure trente déjà, mais il ne le conduisait pas. Florian se tenait derrière le volant, tandis que Louis avait pris place sur la banquette arrière. Les deux acolytes de Jay se racontaient leurs dernières histoires de pêche. Ils roulaient en direction de Baie-Saint-Paul pour effectuer une opération d’envergure avec l’escouade tactique, en lien avec un spectaculaire vol de plusieurs centaines de milliers de dollars à la Banque centrale de Montréal. Jay Harrington n’avait aucune histoire de pêche à raconter, si ce n’étaient de vieilles anecdotes que ses collègues connaissaient déjà. Adossé, sa tête reposant sur l’appui-tête du siège passager, il songeait à Laura. Il se remémorait ce face-à-face, cinq mois auparavant, durant lequel la libération de celle qu’il aimait lui avait été proposée par le tueur. Il avait reçu un appel en matinée, reconnu cette voix et cette façon d’entreprendre la conversation.

- Bonjour, Jay.
Jay Harrington se redressa dans son lit et regarda son réveil-matin qui indiquait quatre heures vingt-sept.
- Laura !
Il avait spontanément prononcé le nom de sa bien-aimée qui était l’otage de son interlocuteur, le maître des énigmes.
- Je t’appelle justement à cet effet, mon ami.
- Libère-la, je t’en supplie.
- Minute Jay ! Une petite minute. D’abord, on va discuter un peu et après, peut-être que l’on pourra s’entendre sur la possibilité de libérer ta douce et charmante journaliste.
- Je t’écoute.
- Voilà ! Elle perd du poids, Jay. Beaucoup de poids. Ça m’inquiète et je ne suis pas médecin. Tu comprendras que pour moi, il est hors de question de l’amener à l’hôpital. Alors voici ce que je te propose. Ce sera elle… contre toi.
- J’accepte.

C'est le corps parcouru de frisson d'excitation que je dépose ce troisième tome du maître des énigmes. Pour ce troisième volet, Éric Quesnel a su frapper fort. Alors que dites leur que je vais tuer, 2e tome de la série, m'avait laissé sur ma faim, voilà que ce 3e tome me régale. La particularité des livres d'Éric Quesnel, c'est qu'ils se suivent mais ne se ressemblent pas. Vivre pour tuer, bien qu'il soit une suite, nous emmène cette fois dans un univers un peu plus glauque. Bien campé de ses accolytes Florian et Louis, l'enquêteur Jay Harrington aura cette fois une raison supplémentaire de traquer le tueur en série. En effet, c'est un être cher qu'on lui aura arraché et qu'il tentera par n'importe quel moyen de retracer. Cette fois, ce sont d'anciens otages, capturés plus d'un an plus tôt, qui seront les cibles du tueur. Toujours des minuteries, toujours des énigmes, mais cette fois ci les mises en scènes sont quelque peu différente. En effet, on se serait cru à quelques moments au coeur d'un jeu à la Jigsaw, tueur notoir des films décadences ou "saw". Rien n'est laissé au hasard dans ce 3e opus de la série et plus on avance dans l'histoire, plus on veut en savoir. Les 100 dernières pages sont quasi impossibles à lâcher puisque le rythme s'accentue, les "punchs" se succèdent et les questionnements se multiplient. Possibles exécutions publics d'otages, passage de type escape game, confrontations, explosifs bref, il y a de tout dans ce roman. Et encore faut il que les éléments se recoupent bien pour en faire une bonne lecture. Et bien, de surprises en surprises et d'événements en événements, Quesnel ne nous laisse pas de repos. Un livre que vous ne voudrez pas lâcher... Et quel finale!!! Déjà hâte de me plonger dans quizz, le prochain tome de cette magnifique série. Éric Quesnel est définitivement passé maître, non pas des énigmes, mais dans la catégorie d'offrir un thriller policier haletant pratiquement à tout coup. Un autre bijou de l'auteur.

- Vous avez l’air d’un homme qui contemple les chaises de mon bureau, mais nous savons, vous et moi, que vous cherchez à vous distraire de la raison de votre présence ici. N’est-ce pas?
- Si seulement je le pouvais. Que ce soit ici ou ailleurs, je ne m’en sors pas. Il me suit partout.
- Le maître des énigmes, Jay?
- Cet enfoiré, c’est exact.
- Au fil des rencontres, je vous ai clairement adressé le fait que vous souffriez d’un choc post-traumatique. Maintenant, pour avancer dans la démarche, nous devons approfondir la question. Racontez-moi les premières fois où vous avez été victimes de ce que vous appelez des cauchemars éveillés, dans votre quotidien.
-Ils sont fréquents. Quand ça se produit, des images me viennent en tête, me déconcentrant totalement du moment présent. Comme si, instantanément, le présent disparaissait de ma vue pour faire place à de désagréables souvenirs. À la limite, les cauchemars durant le sommeil sont chose du quotidien pour moi et j’ai appris à vivre avec. J’en ai eu à la tonne, concernant d’autres affaires sur lesquelles j’ai enquêté, mais quand le cauchemar se pointe, même éveillé, c’est épeurant.

À la base, le maître des énigmes était un jeu d’enquêtes avec un réalisme saisissant. N’ayant pas développé ce jeu comme je l’aurai voulu, je trouvais dommage de laisser le personnage principal et l’histoire en dormance. Alors j’ai décidé de transformer le concept et d’en faire un roman.

-Pardonnez-moi!
-Oui
- j'ai un petit service à vous demander.
- Allez-y, je vous écoute.
- Ayez l'obligeance, je vous prie, de remettre cette note à un homme de loi. Dites-leur que je vais tuer..

Dommage qu’on ne puisse lire dans les pensées, ce serait plus simple.
 
C’est sur ces paroles de son partenaire que lui était venue cette idée, car la personne qui se trouvait devant elle à ce moment même, lui avait toujours laissé l’impression de pouvoir lire ses pensées, dès la première rencontre. Elle savait bien que ce n’était pas une lecture réelle de la pensée, mais plutôt une capacité hors normes et un sens aiguisé de la déduction, du non verbal et de l’observation. C’est à ses capacités hors normes que Catherine voulait faire appel, mais elle n’était plus certaine, en le voyant. Un long silence s’ensuivit. Elle, parce qu’en partie elle le craignait et se demandait continuellement s’il ne valait pas mieux partir maintenant et lui, parce que fidèle à son habitude étrange, il ne parlait jamais le premier.