A ce moment-là, un cortège silencieux apparut vers le croisement où nous avions laissé notre véhicule. Un corbillard tiré par deux chevaux bruns et entouré de voiles noirs se dirigeait vers l'entrée.
Je quittai le bureau sans un mot. Machinalement, je vidai l'armoire de mes quelques vêtements pour les entasser sans soin dans ma valise. J'avais les yeux embués d'un curieux mélange de peine, d'irritation, comme si l'on m'avait dépossédé d'un de mes membres en m'ôtant ma tâche. Bien sûr, il ne s'agissait que d'un enquête sans réelle importance pour mon pays. Bien sûr que j'avais rapidement compris que Müller m'avait confié cette affaire pour m'occuper et éviter ainsi que je traîne dans les pattes de son unité. Mais, merde ! J'avais rencontré les acteurs, les familles, les victimes. Et puis, j'avais promis à Edouard de rendre justice. Etrange sensation que d'imaginer que des Français comptait plus sur moi que mes propres compatriotes.
Je le remerciai mille fois avant d'aller dissimuler la plume et l'encrier dans une fente du mur du cellier, entre deux briques roses en mauvais état et recouvertes de toiles d'araignée.