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Critiques de Fanny Taillandier (51)
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Farouches

Rentrée littéraire 2021 # 35



Baya et Jean. La presque quarantaine, sans enfant. Elle, conseillère juridique spécialisée dans les litiges immobiliers. Lui, dirige une entreprise de climatisation. Belle villa, belle piscine avec vue sur la Méditerranée, sur une colline pavillonnaire. C'est la surface lisse de cet univers feutré, formaté par l'argent, le confort et le progrès, que Fanny Taillandier décide d'agiter. Elle possède un vrai talent pour décrire ses vies banales tout en instillant un doute, un décalage, une mot qui détonne.



J'ai eu parfois l'impression de m'ennuyer, me disant qu'il ne se passait pas grand chose. Et pourtant, j'ai été harponnée, presque sans m'en rendre compte, par cette atmosphère très étrange qui se diffuse avec l'arrivée des perturbateurs. Une mystérieuse voisine aux yeux phosphorescents. Des sangliers qui dévastent les extérieurs. De jeunes voyous de cités qui règlent leurs comptes dans un centre commercial sur fond de trafic d'armes. Ces menaces prennent de plus en plus de place dans le couple, jusqu'à l'obsession, chacun la sienne, comme si chacune remettait en cause la vie de Baya ou de Jean.



Fanny Taillandier dresse ainsi une cartographie métaphorique qui questionne profondément notre société contemporaine, chacune des menaces étant un franchissement de frontières qui reposent sur de multiples dualités : masculin / féminin, humanité / animalité, nature / anthropisation ... avec un ancrage géographique très pertinemment installé autour du contemporain et notamment l'espace urbain et périurbain. C'est plutôt rare en littérature de trouver ce questionnement très sensible sur la notion de frontière et sur comment la nature peut faire obstacle aux projets humains, comment peuvent resurgir à tout moment le goût du sang et la sauvagerie chez un couple petit-bourgeois rangé.



On sent que l'auteure a énormément travaillé son texte et ses bizarres rouages afin de créer une tension insidieuse mais persistante. Je referme ce singulier roman sans vraiment savoir si je l'ai aimé. Pas sûr. Il m'a manqué de la chair, du vibrato, j'en ai besoin dans mes lectures, plus qu'une validation cérébrale. Mais j'ai apprécié son humour, assez houellebecquien ( c'est un compliment ), qui installe une distanciation quasi satirique. Fanny Taillandier sait s'amuser. Dès les premières pages de son roman, pastiche espiègle d'une notice Wikipedia situant le récit en Ligurie, dans un futur proche légèrement dystopique où les Etats-nations ont disparu au profit d'une Union des régions transnationales «  dans le cadre d'un Plan quinquennal de lutte contre les invasions barbares. »

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Par les écrans du monde

Autour des attentats du 11 septembre, Fanny Taillandier a construit un roman à la limite de l'essai tant le témoignage de la réalité et des bouleversements du monde tient une place essentiel dans ce livre assez court, trop court sans doute, mais il me semble que Fanny Taillandier a fait le choix de ne pas développer certains thèmes, peut-être pour laisser le lecteur réfléchir, méditer et développer à guise les parts de fiction qui peuvent le laisser sur sa faim.



Elle a articulé autour de trois personnages, dont deux fictifs, un frère et une soeur, William et Lucy, et Mohammed Atta qui précipita le premier avion sur la tour nord.



William est vétéran de l'US Air Force, en charge de la sécurité à l'aéroport de Boston, Lucy est mathématicienne et travaille dans une compagnie d'assurances vers le 102ème étage de la tour sud.



Et Fanny Taillandier déroule donc des tranches de leurs vies, celles d'avant et jusqu'au présent jusqu'à l'effondrement des tours. Elle imagine aussi bien bien l'esprit perturbé de William qui a participé à l'opération Restore Hope et les visions d'horreur qu'il en a rapporté, que le vécu de la battante Lucy, satisfaite de sa carrière professionnelle, comme de son orgasme de la nuit précédente et, bien sûr, elle relate tout ce qui a pu être reconstitué du parcours de Mohammed Atta.



Elle va ainsi de l'un à l'autre des protagonistes dans des espaces géographiques et temporels distincts ce qui renforce l'intérêt de son ouvrage. Son écriture passe très vite de l'un à l'autre, ajoutant cette notion de temporalité et d'inexorable aboutissement que l'on connaît.



Dommage sans doute qu'elle passe un peu vite sur l'état des américains avant et après, qu'elle évoque finalement assez peu le colosse au pied d'argile. Elle glisse quelques extraits du discours de Bush, loin d'égaler celui de Roosevelt, juste soixante ans plus tôt.



Ce livre est donc un bon document où la fiction rejoint intelligemment l'histoire.
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Farouches

Le dernier roman de Fanny Taillandier commence par une imitation parodique de Wikipédia qui dessine en quelques pages la cartographie de l'univers légèrement dystopique du récit : il s'agit de la Ligurie, une ancienne province romaine formant un arc qui rejoint Marseille et Gênes.



On devine dans ce court préambule que, dans un futur proche, l'Europe, nommée « l'Union », est désormais composée de Régions qui ont supplanté les États Nations. L'instauration d'un « Plan quinquennal de lutte contre les invasions barbares » indique la présence d'une menace extérieure diffuse. On apprend enfin que cohabitent en Ligurie une bourgeoisie aisée, venue profiter du cadre enchanteur de la région et une population urbaine précaire dont les revenus sont assurés par la pègre locale.



Jean et Baya sont l'incarnation archétypale de cette classe supérieure qui vit dans de munificentes villas, avec piscine et vue sur la Méditerranée étale qui scintille à l'horizon. Leur univers où règnent luxe, calme et volupté semble pourtant sur le point de vaciller. Tandis que Baya, issue de la haute, s'inquiète des dégâts provoqués par le passage de sangliers, Jean est tourmenté par la multiplication de règlements de comptes entre bandes rivales qui lui rappellent un passé trouble. L'arrivée d'une inconnue au sourire canin dans une demeure abandonnée pourrait, elle aussi, troubler la sérénité du couple.



L'auteure instaure une atmosphère tout à la fois familière, étrange et menaçante avec une maestria étonnante. Le caractère diffus des menaces qui semblent planer sur Jean et Baya ne les rend que plus inquiétantes. Le roman ne le formule jamais explicitement mais le lecteur pressent confusément que le futur proche dans lequel évoluent les protagonistes n'est pas exactement le meilleur des mondes.



Dans un style très fluide et un peu froid, Fanny Taillandier s'amuse à mêler des registres lexicaux en passant d'une langue délicate employant des mots peu usités (« vernaculaire »), à un langage plus familier (« à l'insu de son plein gré »). En utilisant à dessein l'expression « le couple humain » pour désigner Jean et Baya, l'auteure procure un court frisson dystopique au lecteur déjà déstabilisé par les changements de registres évoqués.



Frôlant les rivages de la dystopie et du fantastique, « Farouches » multiplie les grilles de lectures possibles. Son titre renvoie-t-il à Jean et Baya qui chacun à sa manière, est bien décidé à ne pas se laisser impressionner par les menaces qui planent ? Evoque-t-il les hardes de sangliers qui traversent la nuit ? S'agit-il des bandes rivales qui s'entretuent ?



Le parti pris d'une forme d'incertitude confère au roman toute son originalité et permet de maintenir une tension narrative teintée d'inquiétude tout au long du récit. Il constitue sans doute également aussi sa limite, tant il semble difficile de s'attacher à des protagonistes qui peinent à s'incarner.



L'univers décalé et « dystopique » du roman est évidemment tout à la fois une métaphore et un questionnement de l'époque. Tandis que la prolifération incontrôlée de sangliers évoque les dangers d'une nature déréglée, « Farouches » interroge, avec une pointe d'ironie, la disparition de la classe moyenne conduisant à une confrontation inévitable entre une bourgeoisie nantie et les « jeunes » des cités toutes proches. La possibilité, évoquée en filigrane, de l'émergence d'une Entité bureaucratique aux accents totalitaires, supervisant des Régions tout droit exhumées de l'antiquité, apparaît in fine comme la piste la plus intéressante d'un récit aussi inclassable que déroutant.

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Farouches

C'est un roman d'atmosphère et de non dits, ceux d'un couple qui semble s'aimer mais qui finalement s'avèrent aux antipodes l'un de l'autre. Ils sont riches, vivent en bord de Méditerranée, en Ligurie, mais lui paraît vouloir récuser leur fortune et leur train de vie aisé.



Des perturbations interviennent dans leur quotidien avec l'arrivée de sangliers qui dégradent les propriétés installées sur ce qui était autrefois la nature sauvage. La femme vit très mal ces nuisances, le mari s'en désintéresse. Ils sont également préoccupés par l'arrivée d'une femme, voisine dans une maison proche qui, par sa seule présence, dérange leur quotidien. On ajoute des règlements de comptes en des bandes rivales des cités de la ville proche et on dispose d'un cocktail sociologique qui vire quelque peu au fantastique sans compréhension aisée pour le lecteur, particulièrement sur la fin du roman.



Le couple n'est guère attachant, leur vie reste très fade, travail, sorties, un peu de drogue et de sexe pour entretenir une flamme qui me paraît éteinte même s'ils éprouvent le besoin de se déclarer régulièrement leur amour. Ils font finalement partie de ces riches qu'ils rejettent, surtout le mari, dont la femme ignore le passé de voyou.



C'est finalement la nature, avec les sangliers, les cigales, le soleil et la mer qui tire le mieux son épingle de ce roman aux courts chapitres qui aurait pu être plus prenant si l'auteur avait complété son propos.
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Envoyez la Brav-M sur ces imbéciles !

Recueil de textes et de dessins à propos des derniers mois éprouvants du monde tel qu’il est. Des cortèges contre la réforme des retraites ou contre les mégabassines, des émeutes de colère après l’exécution d’un adolescent, la répression s’abat sans pitié contre ceux qui contestent la recherche de plus en plus décomplexée du profit.

(...)

Pour en rire, plutôt que d’en pleurer. Car l’humour et l’autodérision permettent souvent de faire entendre des propos qui, trop sentencieux resteraient inaudibles. À glisser au pied des sapins.



Article complet sur le blog :
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Farouches

Un couple, Baya et Jean, qui habite une riche villa de Ligurie où une étrange voisine s'invite à prendre l'apéritif. Elle ne parle presque pas.

Puis le lendemain, des traces de pas laissées sur le dallage de leur piscine, ainsi que de la terre retournée autour de celle-ci, ce qui crée un effet d’étrangeté. Les unes et les autres tendent à se confondre.

Les bruits sont ceux des sangliers la nuit qui obnubilent Baya, mais aussi ceux des humains, de leurs éclats de voix et de leurs coups de feux échangés dans la banlieue de la ville de Liguria, qui inquiètent Jean.

L'auteur nous offre un roman d'atmosphère où les bois côtoient la ville et le centre commercial. Sud-soleil, le centre commercial aux allures d'aéroport et de village provençal construit en plein soleil sur une zone marécageuse où le responsable cherche à tout prix à installer une climatisation provoque des scènes cocasses.

Farouches laisse entendre une critique acerbe d'une société qui n'hésite pas à bétonner les sols et à climatiser des verrières sans se soucier du paysage. Tout le récit semble construit autour d'un système d’oppositions dévoilées au fil du livre. Une belle écriture rythmée par de courts chapitres.

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Par les écrans du monde

On a tous connu cette sensation: Celle de sortir d’une lecture sans savoir vraiment la juger mais en sachant qu'il s'est passé quelque chose.

C'est le cas pour moi avec ce Par les écrans du monde qui m'est tombé dans les mains aussi fortuitement qu'un P.V. sur un pare brise.

On est autour du 11 Septembre à travers trois personnages : Lucy et William , frère et sœur. Elle est dans les décombres du WTC , il est responsable sécurité à l’aéroport de Boston. Le troisième , c'est Atta , le pilote d'un avion crashé.

L'auteur va alterner les points de vue avec l'ambition de montrer le poids de la communication et notamment celles des images . On n'est pas du tout ici dans un récit chronologique des évènements du 11/09, on est dans l'interprétation , dans l'utilisation que les médias vont en faire , dans les arcanes du pouvoir de la sacro-sainte communication.

Mais pas que. Parce qu'il est dense ce livre , il foisonne de sujets. On y côtoie une vision du développement de l'islamisme autour de Ben Laden, le désastre du restore Hope en Somalie, les nouveaux credos des assureurs, le rêve américain, la plongée d'un architecte dans l'islamisme, la vision du monde par les talibans.

Tout ça en 247 pages. J'ai besoin de m'en remettre, de laisser mijoter tout cela pour savoir si ce livre "va rester" en moi. Montesquieu disait, "Pour bien écrire, il faut sauter les idées intermédiaires". Peut être que Fanny Taillandier y est arrivée.

En tous les cas, elle signe un roman bouleversant.





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Farouches

Je n’avais pas remarqué ce roman dans les très nombreuses parutions de la rentrée littéraire 2021 et je ne connaissais pas du tout cette auteure. Je ne l’aurais probablement jamais lu s’il ne m’avait pas été adressé dans le cadre du « Coup de cœur des lectrices » de décembre du magazine Version Femina. C’est donc avec curiosité, l’esprit ouvert que j’ai abordé sa lecture.

Ce roman est le 2ème tome du cycle « Empires » dont le 1er s’intitulait « Par les écrans du monde », paru en 2018. Il semblerait que les deux livres puissent se lire indépendamment l’un de l’autre.

L’action se déroule dans un futur proche, en Ligurie, l’arc méditerranéen qui s’étend de Marseille à Gênes, une des composantes de l’Union des Régions. Jean, 40 ans, dirige une entreprise de climatisation ; il est marié à Baya, 36 ans, juriste dans le domaine immobilier ; ils n’ont pas d’enfants et vivent dans une somptueuse villa, avec piscine, jardinier, entreprise de surveillance, qui surplombe la Méditerranée. Ils ne côtoient que des gens de leur monde, assez superficiels, aux vies se résumant à quel vin on va boire, quand va-t-on se baigner dans sa piscine, où va-t-on partir en vacances. Mais leur vie, en apparence idyllique, vacille avec l’apparition de menaces plus ou moins diffuses : des sangliers détruisent les espaces verts de leur propriété, des bandes rivales s’affrontent quelques kilomètres plus loin en zone périurbaine, une voisine bizarre s’installe près de chez eux dans une maison abandonnée. Cette tension sournoise qui s’installe autour d’eux mais aussi dans le couple ne peut que conduire à un climax violent.

Ce roman est un mélange de plusieurs genres imbriqués les uns dans les autres :

*une touche de dystopie avec la Ligurie, dont l’auteure fait une région franco-italienne puisqu’elle la fait aller de Marseille à Gênes alors que c’est une région italienne qui s’étend de San Remo à La Spezia et qui est membre de l’Union des Régions qui aura supplanté l’actuelle Union Européenne

* une touche de politique car l’auteure donne corps à l’idée de l’Europe des Régions, un courant politique bien réel, qui prône une fédération de régions qui remplacerait l’actuelle Union Européenne, union d’États-nations.

* une touche de roman social en nous donnant à voir deux classes sociales qui ne se rencontrent pas, chacune vivant dans son propre monde avec ses propres règles.

* une touche de fantastique avec la voisine bizarre, aux yeux phosphorescents, qui s’est installée dans une maison abandonnée près de chez Baya et Jean



L’auteure installe une atmosphère étrange, inquiétante avec l’irruption de la violence animale des sangliers qui détruisent tout sur leur passage mais aussi de la violence humaine avec l’affrontement entre bandes rivales de jeunes. Le couple Baya-Jean, un moment déstabilisé, vacillant, se ressoude en répondant à la menace par la violence.

Ce roman est une critique, entre autres, de l’artificialisation de la nature qui ne laisse d’autres choix aux animaux que de pénétrer sur le territoire que les hommes considèrent comme le leur, de l’incommunicabilité entre des classes sociales étrangères l’une à l’autre.



Malgré l’originalité de ce roman, le talent de l’auteure pour créer une insidieuse tension et la qualité de l’écriture, je n’ai pas du tout été accrochée par ce roman ; je me suis ennuyée face à la description de la vie mondaine du couple Baya-Jean, à leurs préoccupations vides de sens ; je n’ai ressenti aucune émotion pour le couple que j’ai observé froidement se débattre face à leurs peurs, j’ai été déstabilisée par le mélange de trop nombreux genres, je n’ai compris ni le rôle de la voisine, ni celui du jardinier anglais distingué lorsqu’il ne jardine pas, ni la fin du roman.

Bref, un rendez-vous manqué.

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Par les écrans du monde

Ce livre très bien écrit m'a laissé une impression un peu confuse. Difficile de dire si j'ai aimé ou pas. L'histoire se déroule en grande partie le 11 septembre 2001. Lucy et William reçoivent un coup de téléphone de leur père qui leur annonce sa mort prochaine.



Lucy est une jeune mathématicienne brillante qui travaille dans une compagnie d'assurances dans le World Trade Center à New-York. William, son frère est un vétéran de l'US Air Force, directeur de la sécurité à l'aéroport de Boston.



Un jeune architecte égyptien, Mohammed Atta prend les commandes d'un Boeing 767 et fonce sur le WTC.



Nous suivons ces trois personnages clés : le terroriste, l'observateur-enquêteur et une blessée.



Le roman foisonne de sujets : le poids des images, le développement de l'islamisme autour de Ben Laden, le Restore Hope en Somalie, les messages que les gouvernements font passer, le vacillement du monde.



Plus rien ne sera pareil après ce 11 septembre 2001.



Il n'y a plus rien de sûr ou de solide pour empêcher le fanatisme.



Ce livre se situe entre roman et documentaire.





Je me souviens très bien de ce mardi. Ma mère m'avait appelée au bureau pour me signaler l'attentat, effondrée. Elle écoutait la radio en vaquant à ses occupations.



A cette époque-là nous n'avions pas accès aussi facilement à internet et à l'actualité en direct.
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Par les écrans du monde

J’avais sept ans le jour où deux avions de ligne se sont encastrés dans les tours du World Trade Center. Il y a quelques mois seulement, à vingt-quatre ans, je suis allée à Ground Zero, au mémorial de 9/11 avec un new-yorkais, qui m’a donné tous les détails du lieu. Pour rentrer, j’ai pris l’avion au Boston Logan International Airport, j’ai couru sous les voûtes dessinées par Minoru Yamasaki, architecte du World Trade Center, sans savoir que les deux avions détournés avaient décollé de cet aéroport. Le 11 septembre est un évènement qui n’avait jamais eu de sens dans mon esprit, jusqu’à aujourd’hui, la dernière page du livre de Fanny Taillandier refermée.



Il y a des livres qu’on lit pour se distraire, d’autres pour s’évader, d’autres pour s’émouvoir. Celui-ci n’a fait partie d’aucune de ces catégories pour moi. J’ai lu ce livre pour comprendre, pour me remémorer, pour éclaircir cet épisode terrible dont je n’avais jamais rien compris. Je connais les images, elles m’ont hantées longtemps, dans mes cauchemars, à force d’entendre parler les adultes de cette catastrophe, des connaissances qui y ont laissé la vie, et des amis heureusement rescapés, pourtant au pied des tours ce jour-là. Cette lecture a été difficile, extrêmement éprouvante, terriblement violente. Entrelacés, le passé et le présent de Lucy, William et Mohammed Atta, coordinateur de l’attaque, touchent au coeur, éclairent l’évènement et redistribuent les cartes. Vacuité du monde moderne, sens aveugle du devoir, nombrilisme de la culture occidentale, tout se mêle et s’emmêle, 9/11 est une fin en soi, et le début d’autre chose, bien différent.



En filigrane, l’auteur traite d’un sujet plus vaste, particulièrement représenté dans cet épisode : l’invention du monde et l’instrumentalisation des images par les forces dominantes. Elle examine les représentations de nos démocraties modernes : le pouvoir destructeurs des cartes, bouts de papier fixant les limites de nos territoires et servant à légitimer des tueries, les éléments de langage utilisés par Georges W. Bush, repris de la Bible, le discours réducteur des extrémistes d’Al-Qaida, détournant les mots du Coran pour leur donner un autre sens. Du 11 Septembre 2001, plus encore que l’évènement lui-même, ce sont les images qui restent, scandées par des milliers de télévisions au même moment, dans le monde entier, en direct, dans l’incompréhension la plus totale. Le discours narratif est venu après, mais que doit-on véritablement en penser? Ici, la théorie du complot n’a pas sa place, ce sont les faits qui sont décrits, seulement accompagnés de remarques sur l’attentisme de l’administration américaine, la relative exhaustivité de l’enquête sur Mohammed Atta, le danger des récits dans leur compréhension littérale et leur instrumentalisation.Fanny Taillandier veut faire réfléchir, et elle ne prend pas de pincettes pour nous envoyer à la face les faits bruts. J’en suis ressortie bouleversée, chamboulée, éclairée certes mais remplie de doutes et d’incertitudes. Un grand choc.
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Les confessions du monstre

Quel ennuie, mais alors quel ennuie avec ce roman... j'ai l'impression d'enchaîner les déceptions en ce moment, il faut vite que je remédie à ça !



Dès le début de son roman, Fanny Taillandier nous plonge directement dans l'esprit du monstre, en décidant d'écrire tout son roman à la première personne du singulier. De cette façon, un lien intime nous relie au narrateur, on a l'impression qu'il nous parle directement, qu'il s'adresse à nous.

Les premières pages sont pleines d'actions et de rebondissements, on est tout de suite emporté dans l'histoire et désireux d'en apprendre davantage.



Malheureusement, plus ma lecture avançait, plus je m'ennuyais... L'auteure se perd dans des descriptions et des détails interminables, des passage superflus et totalement inutiles. Ça en devient lourd et lassant. Fanny Taillandier a une jolie plume, mais souvent brouillon.



De plus, le personnage du monstre m'a semblait très antipathique, je l'ai détesté à un très haut point. Il m'énervait, et m'ennuyait à la fois. Si j'ai essayé dans la première partie de chercher à cerner son caractère, j'ai très vite abandonné, en déduisant qu'il était tout simplement fou.



L'intrigue du début, qui semblait être des meurtres sanglants provoqués par le monstre lui-même, n'ont pas vraiment trouvé réponses à mes yeux. Même si le narrateur nous explique vers la fin le déroulement de ces nombreux meurtres, il ne dit pas la raison qui l'a poussé à les faire. J'en déduis donc que c'est par pur plaisir, ce qui est étrange... d'autant que la violence avec laquelle il les a fait est plutôt choquante.



Si l'idée d'écrire à la première personne est bonne, et nous permet de se mettre à la place du monstre, l'histoire est lourde et sans grande utilité. Les confessions du monstre étant le premier roman de Fanny Taillandier, j'espère que les suivants (si suivant il y a) seront moins ennuyants et plus surprenants !
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Farouches

D’une fascinante luminosité, un très grand roman pour saisir en entomologiste éclairé le vacillement qui sépare peut-être de justesse les civilisations confortables et les âges farouches



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/25/note-de-lecture-farouches-fanny-taillandier/



Tout commence ici très simplement en apparence : Baya et Jean, couple de cadres supérieurs indépendants, sont confortablement installés dans une villa oscillant entre le très coquet et le doucement luxueux, sur les hauts côtiers à proximité de Liguria, capitale portuaire de cette belle région du même nom, s’étendant de Marseille à Gênes, à l’heure où l’Europe des États-Nations que nous connaissons encore a cédé la place à une fédération de grandes régions, redessinées le cas échéant en fonction de la géographie a priori indiscutable et de l’histoire la plus consensuelle possible. Une nouvelle voisine, un rien étrange, s’est invitée spontanément dans leur piscine et sur leur terrasse, la politesse normale et le sens des relations humaines de proximité les conduisent tout naturellement à l’inviter à prendre l’apéritif.



Mais, alors que tout ne demanderait sans doute qu’à cheminer dans cette atmosphère de luxe, de calme et de volupté bien méritée par les héros ordinaires de la société post-industrielle de consommation, peut-être qu’en réalité les choses ne sont pas si simples, et que quelque chose, sourdement, résiste, s’infiltre et mine, pour qui ouvre encore un peu les yeux (et les oreilles). Alors que Jean, habile entrepreneur de climatisation, voit ses affaires prospérer et son savoir-faire demandé en urgence par le principal centre commercial de Liguria dont la grande verrière se transforme toujours davantage en plaque de four, des règlements de compte par balles impliquant le milieu international et certaines bandes des cités avoisinantes viennent lui rappeler, obsessionnellement, un passé peut-être pas si lointain. Lorsque Baya, juriste spécialisée dans les litiges immobiliers, est confrontée aux baguenaudages destructeurs d’une curieuse harde de sangliers de moins en moins timides, les édiles locaux la renvoient à leur absence de pouvoir et au caractère après tout assez usuel de ces dites nuisances, tandis que les voisines et voisins, solidaires en apparence, ne semblent guère pressés de soutenir son action. Quels sont ces bizarres rouages qui semblent vouloir se gripper au petit paradis des nantis liguriens ?



Publié en août 2021 au Seuil, le quatrième roman de Fanny Taillandier, « Farouches », est d’une traîtrise absolument lumineuse et passionnante. Poursuivant discrètement le travail de géopolitique locale de l’habitat intime qui hantait « Les états et empires du lotissement Grand Siècle » (2016), dont la présence fantasmagorique, ici, des Ligures d’avant la conquête romaine, fournit comme un subtil contrepoint aux archéologues nomades du futur qui examinaient l’objet socio-politique du lotissement péri-urbain, et dont le questionnement, déjà, du fantasme autarcique irrigue le présent roman, c’est sans doute avant tout en construisant une résonance élaborée et ravageuse pour étudier de près le vacillement qui précède la chute des civilisations matérielles que « Farouches » peut en effet porter fièrement le sous-titre de « Empires, 2 » à la suite du « Empires, 1 » centré sur le 11 septembre 2001 que proposait « Par les écrans du monde » (2018). Sous les coups de boutoir de sangliers potentiellement mutants (ou fantastiques) qui incarnent bien davantage qu’eux-mêmes, à l’instar de ceux du « Guerre aux humains » (2004) de Wu Ming 2, les certitudes socio-politiques, esthétiques et économiques de l’entre-soi organisé de l’Occident contemporain, assis sur son individualisme forcené et sur sa superficialité confortable, révèlent volontiers toute leur fragilité, et se montrent ici telles qu’elles sont : beaucoup moins éloignées qu’on ne le croirait – et pouvant peut-être bien y retourner en quelques battements de chaleur – des « âges farouches » chers au fils de Crao. Et c’est par cette patiente construction métaphorique, baignée de lumière et de blancheur immaculée, de vins frais et de nappes assorties, avant le déluge, que Fanny Taillandier nous offre décidément un très grand roman.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Par les écrans du monde

"Nous sommes le 11 septembre 2001 et nous avons appris depuis longtemps à considérer les images comme les facettes d'un monde cohérent".



Ce 11 septembre 2001, désormais gravé dans toutes les mémoires de ceux qui étaient nés à l'époque est peut-être le premier événement vécu en temps réel à l'échelle de la planète, par le biais des écrans. C'est le point de départ du roman et du propos de Fanny Taillandier qui analyse au fil d'une intrigue captivante, la façon dont les images transforment le monde en un spectacle permanent. Et nous invite à réfléchir sur le poids de ces images, leur interprétation voire leur manipulation quand réalité et fiction se confondent sans aucun filtre à travers ces écrans devenus outils d'information autant que de divertissement.



Pour ce faire, elle met en scène trois personnages dont les destins vont converger en cette belle matinée du 11 septembre où aucun nuage ne vient troubler le bleu du ciel. Lucy et William sont frère et sœur et, ce matin-là, chacun a reçu un message de leur père qui leur annonce sa mort prochaine. Diagnostic formel. Mais la mort, ils vont y être confrontés de façon bien plus brutale. Lucy travaille dans la tour sud, elle est analyste pour une importante compagnie d'assurances, chargée de prévoir et de modéliser les risques. William est un vétéran de l'armée, désormais responsable de la sécurité de l'aéroport Logan de Boston. L'aéroport où le jeune Mohammed Atta, le troisième (funeste) personnage a pris les commandes du Boeing qui sera le premier lancé contre le World Trade Center...



"On nous raconte depuis cinquante ans une histoire où les gratte-ciel en acier et les avions au kérosène supportent ensemble notre poursuite du bonheur, dont ils sont à la fois l'outil et l'effet ; c'est grand, beau et prestigieux. Mais voilà que sur nos écrans habituellement dociles, les avions percutent tout à coup les gratte-ciel et les détruisent. Comme des cellules cancéreuses, les images recombinent le génome de notre monde en un signal toxique et le propagent à la vitesse de la lumière, nous laissant ébahis devant les téléviseurs".



Il y a donc Lucy, enfouie sous des tonnes de décombres, dans le noir, privée des images habituelles et donc de la moindre information. Il y a William, dont la mission dans l'Air force était justement d'analyser les images au service des actions des troupes armées et des drones ; William que trop d'images d'horreurs imprimées sur la rétine ont amené à démissionner et à trouver ce poste dans le civil. William, de nouveau confronté aux images : pour remonter la piste, trouver où le système a failli et tenter de comprendre comment on en est arrivé à ce spectacle offert à la terre entière. Et puis, il y a l'enquête, menée par le FBI, sur la piste des terroristes et de leur chef, Atta. Une piste remontée par les images là encore, des millions d'enregistrements qui n'ont peut-être pas été analysés comme il faut.



Par le prisme de cette enquête, Fanny Taillandier interroge la façon dont les images forgent les histoires, les mythes, les légendes ou sont utilisées à des fins d'endoctrinement et de propagande. Rappelant au passage qu'écrans et images ne sont que des outils, qui, comme tous les outils obéissent à ceux qui les manipulent.



Lecture passionnante, intelligente qui propose un décryptage tout à fait utile de la façon dont les images ont pris possession du monde. Ce roman m'a captivée.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Par les écrans du monde

L'histoire démarre le 11 septembre 2001, le moment où le monde entier regarde à travers la télévision un des événements les plus marquants de l'histoire du terrorisme.

On suit plusieurs personnages et j'avoue que parfois il n'était pas toujours facile de suivre les passages de l'un à l'autre.

Ce roman nous amène à des réflexions sur cet événement et le traitement par les médias de celui-ci.





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Par les écrans du monde

1. J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce livre.

2. Pourquoi ?

. Parce que, entre autres, le chapitre « Epopées Rhizomes" est fondamental et central ; chapitre dans lequel elle dit intelligemment - c'est une de ses marques, l'intelligence – certains tenants de ces horribles aboutissants (le 11 septembre 2001, entre autres) dans lesquels nous n'avons cherché (Qui est ce "nous" naïf ?) qu'à voir bons et méchants. L'auteure ne disculpe personne, bien entendu... Elle s'attache très finement à livrer le récit de personnages contemporains les uns des autres parmi lesquels certains (Atta) causeront la mort d'autres. Tenter de se rapprocher d'un "pourquoi cela" est-il politiquement incorrect ? Certainement, lorsque la douleur des vivants est trop forte. Cela devient nécessaire, plus tard.

Fanny Taillandier effectue un travail remarquable à cet égard.

Certains termes sont d'une lucidité nécessaire : « L'épopée des obéissants » p 87. Je vous invite à vous plonger dans le livre afin d'en saisir toute la pertinence.

le passage p 95 : « le pouvoir n'avait d'autre objet que de travailler à sa propre scénarisation ; mieux son film était organisé, plus on pouvait être sûr qu'il défendait une puissance implacable. »

Puis « Lorsque le récit des puissants réduisent trop de vaincus au silence, les vaincus en écrivent d'autres, reprennent les terres par les mots à défaut de les reprendre par les armes […]. Seuls nos mots font exister le monde. »

P102 : « Plus que tout autre, le peuple des sans-terre a besoin de récits, car les récits sont rhizomes, c'est-à-dire racines. »

Pour aller vers ceci (qui ira vers cela : le crash du 11.09.2001) : « Atta n'avait pas encore, dans l'appartement confortable et malgré son dégout urbain, de raisons suffisantes d'adhérer à un récit nouveau. »

Puis aller p 104, donc lire le livre.

Je remercie l'autrice.
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Par les écrans du monde

" Trop de bugs pour un seul événement "



William et Lucy sont frère et sœur. Un matin ils reçoivent tous deux un message téléphonique de Détroit, il s'agit de leur père qui leur annonce qu'il va mourir. William, vétéran de l'US Air Force, est directeur de la sécurité à l'aéroport de Boston. Lucy, mathématicienne surdouée, est directrice du bureau du risque de la première compagnie mondiale d'assurance dont le siège est au World Trade Center à New-York. " Elle recevait le réel, le convertissait en chiffres, puis calculait l'avenir."

Nous sommes le matin du 11 septembre 2001 et Mohammed Atta, un jeune architecte égyptien, a pris les commandes d'un Boeing 747.



Lucy qui se rendait à une réunion du comité de direction où elle devait faire une présentation importante reprend connaissance dans un souterrain sous les tours, coincée dans l'obscurité, le corps brisé sous un banc en marbre. Elle n'a aucune idée de ce qui s'est passé. Pendant ce temps là à Boston, dans l'aéroport d'où sont partis les terroristes à bord des avions précipités sur les tours, William est sidéré que les procédures d'urgence n'aient pas fonctionné, hypnotisé, comme tout le monde, par les images qui tournent en boucle sur tous les écrans de télé.



Un Agent spécial est chargé de l'enquête sur Mohammed Atta, un des terroristes pilotes, kamikaze d'Al-Qaïda, il retrace peu à peu son parcours. Fanny Taillandier invente la vie du terroriste en se basant sur de multiples rapports le concernant qu'elle énumère dans son récit. Dans ce roman, elle met donc en scène un personnage réel, Mohammed Atta et trois personnages de fiction confrontés au chaos du 11/09/2001.



Au fil du récit on découvre le passé de chacun, notamment celui de William victime d'un syndrome de stress post-traumatique après avoir été interprétateur d'images enregistrées par des drones. Il a été traumatisé par les images qu'il a eu à analyser alors qu'il était basé à Las Vegas, sans jamais aller sur le terrain, sans jamais participer aux combats. Il va être confronté à des images aussi effroyables que celles des scènes de guerre qui l'ont fait basculer.



Dans ce texte Fanny Taillandier allie le romanesque et l'analyse en tentant de prendre du recul par rapport à ce tragique événement. Elle restitue très bien l'impression d'irréalité qui a saisi tout le monde ce jour là. C'est un roman très riche sur le pouvoir des images, sur leur interprétation, sur le mystère des kamikases prêts à mourir pour une cause. Fanny Taillandier tente de nous mettre dans la peau d'un kamikaze et s’interroge sur ce à quoi peut penser quelqu'un qui se sait condamné, question applicable aussi au père de Lucy et William, envahi par des métastases aussi redoutables que les ramifications d'Al-Qaïda.

Un roman autour du 11/09/2001 très intéressant et très documenté malgré quelques passages assez difficiles à suivre comme celui sur le théorie des mondes possibles. Un roman qui contient des passages glaçants sur les talibans et leur entreprise de purification divine avec des discours qui font froid dans le dos. Un roman qui souligne toutes les occasions manquées d'arrêter les terroristes, toutes les erreurs commises et la manipulation de l'information après le drame.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Par les écrans du monde

Il y a Lucy, une mathématicienne prise dans les décombres du World Trade Center, William, son frère, un vétéran de l’US Air force qui surveille le ciel ce jour-là et dans ce ciel Mohammed Atta aux commandes d’un des avions kamikazes. Nous sommes donc le 11 septembre.



Un texte assez ardu dans sa première partie où les faits sont analysés à travers les écrans (écran télé, écran de surveillance, écran radar). C’est froid, sans émotion. On se retrouve face à un récit quasi analytique de ses trois trajectoires au cœur des évènements. Pas de place pour le romanesque. J’ai bien failli me perdre.



Et puis à un moment, c’est la bascule. Fanny Taillandier plonge dans l’intime de ses personnages. On quitte le roman à concept pour entrer dans un roman qui tient en haleine.



Intelligent et brillamment construit, « Par les écrans du monde » est de ces livres qui n’enthousiasment pas immédiatement mais qui révèlent leur puissance petit à petit.
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Les confessions du monstre

Un monstre ni aussi impavide ni aussi unique qu’il le revendique, pour un inquiétant tour de force.



Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/04/28/note-de-lecture-les-confessions-du-monstre-fanny-taillandier/

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Les états et empires du lotissement grand siècle

J'ai commencé ce livre sur un malentendu, croyant naïvement qu'il s'agissait d'une réflexion sociologique sur la question des lotissements et les causes et conséquences de ce type d'urbanisation, sur quoi il y a beaucoup à dire.

Je me suis trompé. il s'agit d'un objet littéraire bizarre mêlant la fiction post -apocalyptique au pamphlet anticapitaliste post -soixante-huitard mâtiné de nihilisme.

Le lotissement haut de gamme en tant que métaphores de la société de consommation portait en germe sa propre destruction. Cela nous est démontré, au travers de paralogismes à prétention philosophique. Si j'ai bien compris, l'effondrement s'est produit à la suite d'une révolte (de qui, de quoi, comment ?) à laquelle l'autorité constituée n'a pu ou voulu s'opposer.

Ce qui en résulte est une horreur absolue à laquelle cependant l'auteur semble donner son approbation. Je la juge peut-être mal, mais j'y vois un nihilisme à la Netchaiev, une idéologie mortifère répugnante, et pour tout dire une ode à la mort.

Il s'agit là d'une démonstration par l'absurde de la justesse de la pensée de Hobbes que l'auteur moque pourtant.

Le tout il est vrai fort bien écrit, dans un style fluide et élégant, qui démontre que le talent littéraire n'influe pas sur la qualité de la pensée. C'est un peu ce que Voltaire voulait dire dans sa lettre à Rousseau "On n'a jamais mis tant de talent à vouloir nous rendre Bêtes"

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Delta

Une anthropologie historique brillante du triangle camarguais, façonné en emblème du permanent travail politique conduit entre le minéral, l’organique et l’imaginaire.





Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/23/note-de-lecture-delta-fanny-taillandier/



La Camargue comme un triangle physique et symbolique, marqué au sceau de cette lettre Δ devenue le nom générique d’une forme particulière d’embouchure fluviale. La Camargue comme lieu ancré dans une histoire polycellulaire, économique, politique, culturelle et in fine écologique. La Camargue comme incarnation inattendue de la notion évolutive et équivoque d’Empire, que traque Fanny Taillandier depuis plusieurs ouvrages à présent.



Après le signe annonciateur que constituait « Les états et empires du lotissement Grand Siècle » en 2016, ce sont les deux installations « Par les écrans du monde » en 2018 et « Farouches » en 2021 qui proposent cette enquête fondamentalement politique, mais méticuleusement polymorphe. « Delta », publié en avril 2022 dans la collection Symbiose des éditions du Pommier (et ainsi sous le signe de Michel Serres : « Le droit de symbiose se définit par la réciprocité : autant la nature donne à l’homme, autant celui-ci doit rendre à celle-là… ») choisit un angle résolument différent, ancré sur un terrain géographique beaucoup plus spécifique, que l’autrice sait ici rendre étonnamment emblématique.



Exceptionnel hommage à la nature sans aucune posture d’adoration (dans une tonalité, sur ce point, au fond pas si éloignée de celle des « Diplomates » de Baptiste Morizot), « Delta », dans la géométrie dessinée par les trois acteurs en présence (minéral, organique et imaginaire : « Les noms indistincts » de Jean-Claude Milner pourraient bien travailler aussi cette géographie-ci), entre Arles, le They de la Gracieuse (qui implique Port-Saint-Louis comme Salin-de-Giraud) et l’étang du Ponant (qui englobe métaphoriquement, de son côté, aussi bien La Grande-Motte que les Saintes-Maries-de-la-Mer ou Aigues-Mortes), respecte l’ingéniosité humaine (en soulignant toutefois ses innombrables inconséquences à moyen et long terme – on songera peut-être ici au travail rebelle de Jean-Baptiste Vidalou), note la prégnance toujours oubliée de la vie matérielle, rappelle la vanité des fantasmes des « maîtres et possesseurs », agence les références dans un entrechoc permanent qui crée du sens trop négligé de prime abord, et nous offre in fine un parcours puissant et singulier de réflexion politique (et presque philosophique) sur l’action humaine confrontée à la durée, sur l’hybris impériale (au sens propre comme au sens figuré) et sur un art d’accommoder ce qui subsiste que ne renierait peut-être pas, sur un terrain géographiquement voisin, le Frédéric Fiolof de « Finir les restes » (où Beauduc et Piémanson tiennent aussi leur juste place).


Lien : https://charybde2.wordpress...
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