Fanta Drame vous présente son ouvrage "
Ajar-Paris". Parution le 25 août 2022 aux éditions Plon. Rentrée littéraire automne 2022.
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ajar-paris
Note de musique : © mollat
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Est-ce qu'on était mauritanien, sénégalais, français par notre lieu de naissance, par notre citoyenneté, par des voyages sporadiques que l'on faisait dans tel ou tel pays, par la langue qu'on parlait, parce qu'on mangeait, par la manière dont on s’habillait, parce que nos parents nous transmettaient ?
Non, il ne rejoignait pas une terre promise. Il se rendait seul dans un pays qu' il ne connaissait pas, à la culture aussi différente de la sienne que le noir l'était du blanc, que l'Occident l'était de l'Orient, que la passion l'était de la raison. Il ne savait ni lire, ni écrire, ni même parler le français, et on avait beau lui faire miroiter un futur idyllique, à ce moment précis, il n'avait strictement aucune idée concrète de ses perspectives d'avenir.
(...)
Ce n'est pas seulement un roman mais un voyage qu'elle nous livre ici. Et je reconnais ce sentiment d'urgence qui me touche, celui de collecter et d'inscrire nos histoires, les trajectoires d'exils de nos parents dans le récit national pour nous sentir pleinement appartenir à la société dans laquelle nous vivons. Valorisons les parcours de nos parents, c' est une manière de prendre notre place.
(...)
Faiza Guène
Ajar. J'entendais ce nom depuis toujours. Située dans le désert mauritanien, on en parlait comme d'une contrée lointaine, si lointaine qu'on avait l'impression qu'elle n'existait pas, qu'elle sortait tout droit de l'imagination de mes parents.
Attendre fait partie intégrante de la vie des migrants: ils attendent le bon moment pour quitter leur pays, attendent qu'une situation se débloque pour trouver un travail, attendeny d'avoir des papiers provisoires avant d'en avoir des pérennes, attendent d'avoir assez réussi pour pouvoir enfin rentrer chez eux. En fait, ils passent leur temps à attendre.
On a souvent tendance à décrire les gens qui partent par le résultat de leur exil, plutôt que par le point de départ, des immigrés plutôt que des émigrants, avec tout ce que le premier terme véhicule de péjoratif – ils quittent leur pays pour venir voler le travail des Français et profiter des aides sociales, On les qualifie en fonction de ce qu'ils sont en arrivant, et non pas de ce qu'ils étaient en partant. Cela permet sûrement de leur rappeler qu'ils ne sont pas d'ici, qu'ils ne le seront probablement jamais. En se gardant bien d'utiliser la même terminologie pour un Français quittant son pays pour une autre patrie.
"L'épisode de Noël, comme tous ceux qui mettaient mon père dans une situation où il avait le sentiment de renier une part de lui-même, le poussa à se poser la question de la transmission. Ce qu'il était, lui, il le savait déjà. Mais qu'étaient ses enfants, qui étaient nés et avaient grandi en France ? Est-ce qu'on était mauritanien, sénégalais, français, par notre lien de naissance, par notre citoyenneté, par des voyages sporadiques que l'on faisait dans tel ou tel pays, par la langue qu'on parlait, par ce qu'on mangeait, par la manière dont on s'habillait, par ce que nos parents nous transmettaient ? "
A y regarder de plus près, les habitants y vivaient bien, loin des stéréotypes de misère dépeints dans les journaux télévisés. C'était sûrement en les voyant que des personnes émerveillées par cette vie austere se disaient, sur un ton paternaliste, qu'on ne connaissait pas la valeur des choses en Europe, que finalement il en fallait peu pour être heureux, ou encore que ces gens donnaient tout sans avoir rien, des gens qui étaient ravis de retrouver leur confort habituel quelques jours plus tard, et dont il me fallut reconnaître que je faisais partie.
On avait tous une date de naissance, cela faisait partie de notre identité. Dans les societés occidentales, il était fréquent d'être questionné dessus, au détour d'une conversation : « Tu es de quel signe astrologique, toi ? Ah oui, tu es né quel jour ? » Elle pouvait servir de numéros à jouer au Loto pour les superstitieux, mais aussi de codes et autres mots de passe, parce que c'était la date dont on se souvenait le mieux, la première de celles qui ponctuent notre vie.
Non, il ne rejoignait pas une terre promise. Ilbse rendait seul dans un pays qu' il ne connaissait pas, à la culture aussi différente de la sienne que le noir l'était du blanc, que l'Occident l'était de l'Orient, que la passion l'était de la raison. Il ne savait ni lire, ni écrire, ni même parler le français, et on avait beau lui faire miroiter un futur idyllique, à ce moment précis, il n'avait strictement aucune idée concrète de ses perspectives d'avenir.