Entretien avec Fiona Mozley à l'occasion de la parution de Elmet chez Joëlle Losfeld. Découvrez les 5 mots choisis par l'autrice pour évoquer ce livre.
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Autrefois, ce quartier était situé en banlieue. Londres était encerclée par un mur, et au-delà c’était la lande : cerfs, sangliers et lièvres au nord-ouest de Londres et au nord-est de Westminster. Des hommes et des femmes surgissaient au galop pour les chasser, si bien que leurs cris ont donné son nom à cet endroit : So ! Ho ! So ! Ho !
(page 12)
On raconte qu’il (Soho) est né dans une cabane au milieu des bois, bien avant qu’on coupe les arbres pour laisser place aux pâturages, bien avant que les pâturages ne laissent place à des maisons, bien avant que les maisons ne laissent place à des immeubles.
(291)
Incapable de suivre le match, il éteint la télé. L'appartement devient silencieux, ce qui est inhabituel. Il n'entend plus le brouhaha permanent du quartier, ce qu'il trouve étrange. Robert a peur du silence comme d'autres ont peur du noir. Il a passé sa vie à l'éviter en se mêlant à la foule, en habitant dans les coins les plus animés de villes pourtant déjà animées. Lorsque le silence tombe, il cherche le vacarme - le tintement des verres ou le bourdonnement de la circulation. Quand le monde est calme, il est seul dans sa tête, or c'est un endroit plus sombre que la nuit.
Il lui faut du bruit.
En général, Agatha préfère rester dans la voiture pendant ces arrêts afin de ne pas être confrontée aux gens bedonnants, voire obèses, qui se dandinent entre le parking et les fast-foods. Ils renversent leur café et leurs boissons sucrées par terre ou sur les tables, et leurs enfants hurlent. Ils sont incapables d’aller aux toilettes sans mettre du papier partout ou pisser sur la lunette. L’idée des toilettes publiques la rend malade. Toutes ces créatures laides et stupides qui pissent, chient et saignent dans les cabines voisines de la sienne.
(pages 243-244)
Quand il la regarde, Robert voit sur elle la marque des saisons. Il voit la pluie et le vent. Il voit les mois de maladie rampante. Il voit des éclairs de santé resplendissante. Il voit la pauvreté et la chance. Il voit la terreur et la faim, la douleur et l’espoir. Il voit le temps immobile.
(page 25)
Soho est sale, pollué, et il s’y passe plein de trucs pas beaux à voir. Des gens y vendraient leur mère ou vous dévoreraient tout cru.
(page 187)
Il se demande pourquoi je suis ami avec ce type ? Moi, un pédé catho et sri-lankais, pourquoi je bois une bière avec une brute ? Qu’est-ce que je sais de lui, en fait ? Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ? Qu’est-ce qu’il a fait ?
(page 160)
Rebecca était résolument apolitique, ce qui signifie qu’elle aimait les choses telles qu’elles étaient. Elle votait, comme tout citoyen qui se respecte, mais elle ne croyait pas aux campagnes pour les bonnes causes et elle trouvait profondément irritants ceux qui s’en occupaient.
(page 88)
C’est étonnant que Precious soit à ce point attachée à cet endroit. Soho est sale, pollué, et il s’y passe plein de trucs pas beaux à voir...
Mais elle y voit aussi une certaine tolérance, des gens différents qui se mélangent...
Elle ne sait pas vraiment ce qu’est un foyer, mais elle suppose que ça a quelque chose à voir avec des amis, de la famille, et le fait de vivre dans un endroit qui vous marque pour le meilleur ou pour le pire, un endroit où vous imprimez votre marque pour le meilleur ou pour le pire. Un endroit qui conserve votre empreinte comme une chaise moelleuse dans laquelle vous vous êtes si souvent assis.
Les quartiers un peu éloignés du centre de Londres sont vastes, lumineux et difficiles à prendre de force. Mais, à Soho, les rues sont étroites, et les ruelles qui les relient sombres. Depuis toujours, c’est un lieu de sédition.
(page 179)