Un enfant
Il regarde par la fenêtre la neige qui tombe
ses yeux disent qu’elle est merveilleuse
il bat des mains
les feuilles de l’arbrisseau bougent au vent
il sait tous les mystères
il sait pourquoi la neige tombe
pourquoi le monde fait un bruit assourdi
il sait – l’enfant est un être parfait
(Sin Kyongnim)
Nuit de Séoul
Combien de montagnes faut-il traverser
pour arriver jusqu’à toi?
pétale après pétale
une fourmi rouge monte
dans la rose en plastique
combien de marches d’escalier
me faudra-t-il gravir
pour t’atteindre et te réveiller?
je prends l’ascenseur, seule chose bien éclairée
dans la nuit silencieuse
je monte dans ton corps endormi
le cœur battant
comment noire le lampadaire?
un papillon nocturne
la langue en aiguille
s’y précipite
Kim Hye-Soon
La maison vide
J’ai perdu l’amour et j’écris
adieu nuits trop courtes
brouillards d.hiver déferlant aux fenêtres
bougies très ignorantes, adieu
papiers blancs envahis par la peur
larmes après l’hésitation
adieu enthousiasmes qui jamais plus ne seront miens
tâtonnant dans l’obscurité je sors je referme la porte
mon pauvre amour reste dans une maison vide
(Ki Hyung-Do)
Crépuscule
Quelqu’un joue du violon
longuement, comme dans un rêve
quelqu’un joue du violon
défilent des jours lointains
que j’avais oubliés
quelqu’un joue du violon
dans la rue sombre
passe une femme, la trentaine
les jours lointains que j’avais oubliés
elle les traverse en pleurant
quelqu’un joue du violon
le son se perd au loin
longuement quelqu’un joue du violon
(Kim Chun-Soo)
Dans une pomme
Dans une pomme
vont les nuages
dans une pomme
respire la terre
dans une pomme
coule la rivière
dans une pomme
cuit le soleil
dans une pomme
chuchotent étoile et lune
dans une pomme
vivent éternellement
nos sueurs nos amours
(Ku Sang)
Le livre. L’objet fétiche, « monstre » dirait Barthes, qui parle quelque part de la tyrannie du livre. Le livre comme totalité qui écrase de son poids les autres formes. Le fragment, notamment. Mais, quoi qu’on en ait, le livre est une tyrannie que l’institution s’est elle-même donnée, et qui s’est imposée pour des raisons qui tiennent autant aux exigences de diffusion de l’écrit qu’à la nature de l’objet textuel. Composer un livre, c’est faire oeuvre littéraire. Composer un texte court, c’est faire une partie de livre qui ne recevra son plein épanouissement que dans le giron d’une couverture accueillante. L’essai court, qui a besoin de la présence d’autres essais pour remplir ce mandat, est handicapé au départ. Il n’existe qu’avec les autres.
Promesse
Que fais-je là, immobile
sur cette route triste
que ne borde aucun arbre?
je la connais bien
cette route de terre
c’est une route sans fin
au crépuscule ce soir
au crépuscule demain
j’attends patiemment quelque chose
(Chun Sang Byung)