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Citations de François Richard (48)


La violence peut aussi bien contribuer à l’autonomie du moi que le replonger dans un vécu d’indifférenciation.

Dans Psychologie des masses et Analyse du moi, Freud parle de l’abandon sans retenue à l’influence de la foule lancée dans des actes violents comme d’une véritable jouissance à fusionner avec l’imaginaire d’une « puissance illimitée » dans la soumission hypnotique à une figure inconsciente de maître despotique, brutal et terrifiant. Or il nous dit que c’est précisément au décours de cette perte d’identité et de cette régression que le sujet pourra peut-être accéder à la dimension de la différence et de l’altérité d’autrui, en transformant l’état hypnotique induit par la foule en identification primaire.

Cette conception d’un devenir qui hésite entre indifférenciation et processus de subjectivation, en un moment paradoxal réunissant une aliénation originaire et son dépassement dans un vécu de crise violente, s’applique tout à fait à l’adolescence (Freud évoque à ce sujet le mythe du héros adolescent qui se détache de la foule pour affronter le père).

La violence serait celle de la foule fusionnelle mais aussi celle de son éclatement qui a lieu lorsque le meneur disparaît ou n'est plus reconnu, c’est-à-dire lorsque s’effondre l’autorité paternelle.
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La pulsion de mort n’est pas toujours contenue par le désir et par le sens. Les adolescents, qui prennet des risques de mort dans les conduites à risques, les pathologies de l’agir, les addictions, l’anorexie et la tentative de suicide, espèrent peut-être enfin trouver une limite à leur angoisse, mais cherchent tout autant à fusionner avec l’originaire dans une ivresse létale.

La destruction du narcissisme prend alors la forme d’une centration narcissique exacerbée, comme si la pulsion de mort pouvait être narcissique, ce que le style d’une « esthétique du sublime », mélange de beauté et de laideur, cherchera à rendre.
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Freud, après avoir pensé le masochisme comme un renversement névrotique du sadisme, a conçu la notion de « masochisme originaire » comme le mélange, dans la douleur, de l’intensité sensorielle et de l’excitation sexuelle, qu’il rapprocha de son hypothèse d’une pulsion de mort silencieuse agissant contre les forces de l’amour et de la civilisation.

Dans la douleur, le masochisme correspond à une capacité d’endurance sans effondrement, ce qui comporte une dimension de triomphe sur le danger dépressif. On peut comprendre certaines conduites autodestructrices comme des tentatives d’acquérir une capacité d’endurance.

Dans certains cas même, les conduites apparemment autodestructrices relèvent d’une dialectique entre un sacrifice et un gain espéré, selon une logique du don auquel succéderait un contre-don (décrite à propos de certains rituels par l’anthropologie sociale, cf. M. Mauss par exemple).

Avec certains sujets, on a l’impression par exemple d’assister à une offrande sacrificielle visant à réparer un parent narcissiquement abîmé, dans l’espérance qu’à la désorganisation succédera une réorganisation. De ce point de vue, une certaine violence psychique peut concourir à un progrès.
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Le processus schizophrénique est une attaque contre les mécanismes de pensée mais aussi contre le lien à autrui, contre le concept même de l’autre comme sujet distinct et réel, ce que l’on peut interprétrer soit comme le résultant d’une forclusion de la fonction paternelle (J. Lacan), soit comme un mouvement de désobjectalisation qui détruit la pensée mais aussi l’affect (A. Green), soit comme une défense comparable à l’autisme infantile. Mais la puberté est en tant que telle (même si elle est aussi désorganisatrice et perturbante) une réanimation psychique « thérapeutique » : elle suscite des émois forts liés au corps et de vifs affects susceptibles de favoriser l’émergence de processus primaires et une individuation narcissique.

La réanimation d’un adolescent engagé dans un devenir psychotique reste cependant lente et les équipes psychiatriques risquent de se décourager tandis que l’adolescent est tenté par le court-circuit de l’hallucination et/ou par l’intensité paradoxale de la désertification et d’un vécu de vide. Cet adolescent semble nous interroger violemment : « Et si la satisfaction hallucinatoire était supérieure à la satisfaction réelle ? Et si le vide protégeait l’objet idéal ? »
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On parle plus souvent de devenir psychotique, de fonctionnement psychotique, de noyau psychotique que de psychose à propos des adolescents.

À rebours du déplacement de l’investissement libidinal vers des objets autres que parentaux, dans le devenir psychotique, la libido, soustraite aux objets, ne fait pourtant pas retour comme invetissement sur soi, ce qui entraîne un appauvrissement à la fois des relations et de la vie intérieure. Double paradoxe : « Repli sur soi et désinvestissement du monde interne d’une part, accrochage aux objets et désinvestissements du monde d’autre part » (C. Chabert et N. Guedeney).

L’entrée dans la psychose résulte ici d’un arrêt du développement qui détruit le narcissisme du moi, parce que le Je, ne pouvant plus poursuivre son projet identificatoire et la conquête de son champ des possibles (prisonnier qu’il est des interdictions de changer édictées par l’inconscient maternel), s’effondre face à une image de lui-même mutilée et décevante avant de basculer dans la psychose.

À l’inverse, une amélioration de l’image de soi peut relancer le processus de séparation- individuation.

Le sujet reste un sujet même si le processus schizophrénique attaque les mécanismes de la pensée, et il dispose pour se reconstruire de sa forte capacité (pubertaire) d’investir et de s’agripper à sa perception du monde extérieur même s’il est en proie à un défaut de repères internes. Le sujet pourra progresser à condition que l’objet externe, son interlocuteur, l’autre auquel il s’adresse, soit présent en permanence (ou le plus possible) pour garantir la consistance symbolique de la réalité (la psychothérapie en face à face et un style d’échange vivant dans le dialogue sera préférable au dispositif psychanalytique classique avec position allongée sur le divan et interprétations brèves et condensées).
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On considère d’habitude qu’un comportement dominé par les processus primaires (liberté et associativité des mouvements pulsionnels « spontanés ») est de mauvais augure du point de vue psychopathologique, mais chez des adolescents en cours de devenir psychotique, l’émergence de processus primaires est au contraire le signe d’une revitalisation faisant obstacle à l’assèchement de la vie fantasmatique liée à la désintégration de la représentation de soi.
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À l’adolescence, les atteintes psychotiques de la pensée et des capacités de symbolisation ne sont pas toujours irréversible, l’incapacité à penser survient dans un contexte relationnel et pulsionnel, par exemple lorque le sujet est seul, ou bien lorsqu’il prend trop de plaisir à apprendre et à comprendre, ou encore lorsque l’éventualité du succès dans les études entraîne une fuite en avant exaltée et maniaque, se retournant en autodestruction.
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La crise adolescente, cet arrêt soudain du passage à l’âge adulte, définit souvent aujourd’hui non seulement une rupture ou une cassure du développement mais aussi un moment liminaire qui tend à s’éterniser en marginalité destructurée parce que le nécessaire abandon de l’identité infantile ne débouche pas sur une restructuration adulte : ce type d’arrêt semble alors répéter un rituel d’initiation empêché et dégradé en repli sur un fonctionnement narcissique de plus en plus délibidinalisé et mécanique.
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Réfléchissons à l’étonnante expression utilisée par les adolescents révoltés des banlieues : « avoir la haine ». Cette haine semble sans objet précis ou bien tellement prégnante qu’elle peut concerner, dans sa rage, tous les objets possibles et peut-être par excellence le sujet, haineux de lui-même.

On peut légitimement penser qu’en fait la haine s’adresse à des objets fondamentaux ; il n’en reste pas moins que la formulation indique : c’est la haine qui est devenue l’objet, et que le sujet, possédé par cette haine, ne détient plus aucun autre objet qu’elle. Il s’en nourrit, en fait sa consistance, son emblème, sa raison d’être – au moins, « il a raison », croit-il.

« J’ai la haine » se conjugue à la première personne, un point c’est tout, l’objet semble avoir disparu. Mais ce type de passion narcissique négocie avec ce qu’elle rejette. La haine ayant besoin d’un objet relativement stable et défini, elle le créera. Les conduites adolescentes violentes retrouvent ainsi paradoxalement l’objet d’une relation possible, leur refus de la réconciliation intersubjective invente l’interlocuteur dans la négativité.
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Le processus d’adolescence correspond à une internalisation du réseau des Autres autant qu’à une émancipation.

« Nous naissons au monde humain déjà membre d’un groupe lui-même emboîté et connecté à d’autres groupes, nous naissons au monde maillons, héritiers, serviteurs et bénéficiaires d’une chaîne de subjectivités qui nous précèdent et dont nous devenons les contemporains […]. Nous ne pouvons pas être à nous-mêmes notre propre fin, et advenir comme Je, sans cet inéluctable assujettissement à la chaîne de l’ensemble que le groupe primaire représente et qu’il médiatise, ni sans cet inévitable travail de dégagement et de recréation interne qui nous sépare de l’ensemble primaire ; le transit par d’autres groupes est nécessaire pour que soit inventée l’issue du complexe d’Œdipe » (R. Kaës).

C’est à la fois un rapport d’homologie et d’écart qui régit le passage du groupe primaire familial aux groupes secondaires (vie sociale et vie privée) du jeune adulte.

Ce passage est menacé par la tentation de régression vers un mode de vie collective caractérisé par la confusion et l’interprénétation entre les sujets et une division du psychisme entre tendances centrifuges.

Le moi est alors envahi par les mouvements psychiques des membres de sa famille, immobilisé dans une groupalité originaire traumatique, au bord de l’inceste au sens d’un mode de communication saturé d’emprise réciproque de tous sur tous (ce qui peut justifier une approche clinique par la thérapie familiale, parfois condition préalable d’un cheminement individuel).

La révolte contre l’assujettissement à la réalité groupale bute sur l’illusion d’une autonomie absolue, puis accède à la connaissance du parcours qui mène de la groupalité originaire traumatique au groupe familial primaire plus structuré, puis aux groupes secondaires dans lesquels le sujet s’assigne, à lui-même et aux autres, des lieux déterminés.
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Les vœux, typiquement adolescents, d’aconflictualité et de paix narcissiques sont [...] balayés par l’urgence de plonger dans des expériences permettant de tester la capacité anti-traumatiqueà supporter l’expression des pulsions.

Ces vœux ne sont du reste qu’une défense non seulement contre le conflit avec la génération précédente, mais aussi contre les conflits propres de celle-ci, qui envahissent le sujet adolescent (s’identifiant par exemple avec l’objet inconscient du désir maternel en une aliénation au fantasme de l’Autre).

Le complexe d’Œdipe des parents surdétermine celui de l’adolescent. D’objet qu’il était dans le désir inconscient de ses parents, il doit devenir sujet, et pour cela il doit pouvoit recourir efficacement à la fonction paternelle alors même que celle-ci est souvent disqualifiée, quoique non forclose : le « passage » adolescent se joue dans la quête de l’inscription première de la fonction paternelle sur fond d’ « une privation essentielle, manque réel d’un objet symbolique » (J.-J. Rassial).

Cette quête le mène au-delà de la référence paternelle vers le champ social et culturel. Il s’émancipe ainsi de ce qui, des générations précédentes, empiétait trop sur son espace psychique, même si tout sujet reste, comme le dit R. Kaës, « le maillon, le serviteur, le bénéficiaire et l’héritier de la chaîne intersubjective dont il procède ».
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A. Freud considère l’ascétisme, l’intransigeance (« uncompromissing ») et l’intellectualisation (non pas l’intérêt pour l’activité de pensée mais la défense par une pensée plaquée impersonnelle) comme autant de distorsions pouvant, par retournement dialectique, ramener souvent assez vite vers un équilibre à condition que l’adolescent ait le temps de traverser ces fluctuations. Mais les exigences sociales d’aujourd’hui laissent-elles ce temps à l’adolescent ? L’attente familiale et sociale d’un développement rapide de l’adolescent ne risque-t-elle pas de renforcer sa résistance au changement en contrecarrant son besoin d’attente et de fantasme ? Si le choix se situe entre tout, tout de suite maintenant, et rien, la dépression, l’apragmatisme et l’inhibition intellectuelle, c’est-à-dire la pathologie du retrait narcissique (P. Jeammet), viendront signifier par un refus massif que le sujet éprouve sa situation comme traumatique.
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Des troubles psychiques à l’adolescence sont toujours apparus comme normaux (ou, en tous cas, inévitables). Ainsi, Aichorn dans Jeunesse de l’abandon (1925) considérait que la délinquance et la criminalité juvéniles pouvaient résulter d’un manque d’amour provenant de l’environnement, d’une fragilité des repères surmoïques et d’un échec du moi à contenir la pression pulsionnelle. A. Freud mettait l’accent sur la lutte du moi contre la pression pulsionnelle, pris en tenaille entre le danger de chaos s’il échoue dans cette lutte, et le danger d’inhibition s’il y réussit trop bien.
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Confronté à l’inquiétude actuelle d’une anomalie et parfois au sentiment d’être « cassé », l’adolescent se représente un état futur idéal de lui-même. Le jugement du surmoi est ici féroce. Un processus d’adolescence normal intègre les désirs sexuels et les identifications œdipiennes dans une idendité sexuelle irréversible, dans un parcours fait d’essais mais aussi d’erreurs, et aboutissant à un compromis entre le désiré et le permis (alliance du moi et du surmoi).

Laufer associe la non-intégration psychique du pubertaire à une distorsion d’un « fantasme masturbatoire central » incluant à des scénarios érotiques des positions identificatoires (problématiques dès lors qu’elles assignent le sujet – surtout masculin – à une position passive).

Le « fantasme masturbatoire central » met en scène des tentatives d’activité sexuelle menacées par la passivité et la castration. Il peut emprisonner dans une fascination pour l’imaginaire incestueux et archaïque, au prix d’une paralysie des réalisations effectives ; c’est alors l’impasse, l’inactivité spectaculaire, l’échec dans la vie amoureuse mais aussi dans les études et dans l’intégration sociale.

Il faut distinguer ce fantasme (pathologique) de passivité et d’intoxication imaginaire de la masturbation, utile en ce qu’elle représente une expérimentation des pensées, sentiments et désirs acceptables par le surmoi (dans l’exclusion de ceux qui ne devront pas participer de l’organisation sexuelle définitive).
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La folie du corps anorexique, ou alcoolique, ou toxicomane, cherche illusoirement une complémentarité sexuelle dans la régression au modèle bouche-sein.
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La « crise d’originalité juvénile », décrite par le pédagogue et psychologue M. Debesse, se caractérise par l’horreur de la banalité et la propension de faire de soi, dans l’exaltation et la révolte, quelqu’un d’exceptionnel et de totalement singulier.
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Dans la « folie pubertaire », l’entourage familial joue un rôle essentiel et précipite la pathologie. À l’inverse, l’adolescent met ses parents en crise. Il y a antinomie entre la sexualité des adolescents et celle des parents. Les parents doivent alors accepter d’être perçus par leurs enfants comme des être vieillissants qui ont renoncé à la sexualité, ce qui permettra à leur enfant de s’autonomiser.
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Les « scènes pubertaires » (P. Gutton) sont des fantasmes sexuels caractérisés par la prégnance des objets partiels et la fragilité de la référence à un tiers séparant de l’objet incestueux.

La « folie pubertaire » correspond à une complicité entre un(e) adolescent(e) et un parent autour d’un désir incestueux réciproque non accompli, saturant la relation d’ambiguïté, d’excitation et de déni.

« Scènes pubertaires » et « folie pubertaire » constituent une névrose hystérique spécifique de l’adolescence, marquée par son potentiel de régression et parfois de délire : l’adolescent bascule dans un état de « folie hystérique » momentanée ne débouchant pas sur une psychose, mais perd contact avec la réalité dans la construction délirante de persécteurs excitants et de doubles de lui-même.

Le cas « Dora » analysé par Freud comporte une dimension de ce type.
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Le processus d’adolescence vise à surmonter la résurgence du complexe d’Œdipe infantile. Il se caractérise par le détachement avec les parents et une lutte contre les représentations incestueuses. Il cherche à établir une digue contre ces représentations excitantes et psychiquement insupportables. Or c’est le moment où la sexualité ne peut plus être différée et où le sujet peut trouver un objet complémentaire. La masturbation à l’adolescence répond à cette contradiction puisqu’elle maintient une distance avec l’objet et reporte le rapport sexuel (si celui-ci est trop longtemps retardé, l’adolescent risque de manquer le temps de l’expérimentation et de se voir envahi par un sentiment de passivité et une angoisse de castration).
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Selon Aulagnier, à chaque seuil important de sa vie, un sujet élabore une nouvelle version de son histoire, en en refoulant certains aspects et en en transformant d’autres, en fonction de ses idéaux actuels mais toujours en accord avec le principe de plaisir qui a besoin des figurations sexuelles les plus archaïques ( qu’elles soient fantasmatiques, oniriques, ou hallucinatoires).
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