Avec émotion, j'aperçois la tiède lumière de la bouquinerie où jadis, je venais buissonner des livres rares et ouir le brave Choisel aroutiné aux oeuvres de l'esprit....
... je pousse la porte. L'odeur silencieuse du parchemin effiloché et du cèdre vanillé au bois ciré me réconforte.
La petite fille que j'ai connue jadis est devenue une jeune femme fort séduisante.
" Elle a joliveté et coquet'rie comme un trognon d'choux! " me fait Pierrot tout esbaudi.
Je n'avais pas le choix, il détenait ma mère dans une prison d'Arras. Il la détient toujours... et a lancé un avis de recherche pour retrouver mon frère. Peux-tu me donner ici ses arguments ? l m'a fait accroire que tu avais rejoint Carnot pour voler ses plans d'offensive et les remettre à l'ennemi... Tu l'as cru? accepté ce forfait ? Non point ! Je te connais assez ! Mais il tient ma mère. Si j'avais ouï plus tôt la vérité, si j'avais su que C'était toi que Le Bon avait choisi, j'aurais pu tépargner. En effet, à cause du monstre que tu as payé pour m'éliminer, des hommes ont été assassinés, une pauvre femme a été égorgée, et, sans la surveillance des sbires de Le Bon et le soutien d'amis, il y a longtemps que j'aurais trépassé. Sache que j'y ai été contraint car quelqu' un de beaucoup plus haut placé que Le Bon cherche à m'éliminer. Qui ?
- Le croiras-tu ? Robespierre.
- Robespierre ?
- Ily a quatre ans, je vivais avec lui dans un appar- tement meublé de deux pièces que nous avions loué au troisième étage du 30, rue de Saintonge, à Paris.
Tu vois, Axel, la guerre n'extermine pas que les hommes. Elle abolit aussi le passé...
Ulcéré, j’ai envie de hurler ma haine contre cette foutue révolution qui se voulait fondatrice de la République « indivisible et démocratique » et a fini par inventer une machine à broyer son peuple.
Dans l’enchevêtrement des rues et de mes pensées, je me mets brusquement à honnir ceux, Robespierre en premier, qui, au nom de leur pouvoir et de leur loi, commettent crimes et forfaits, et ceux qui fêtent ici la Terreur sans comprendre combien l’horreur dont ils sont saisis sera bientôt le plus grand empêchement à leur liberté…