Roger est paysan et pour améliorer ses récoltes, il va utiliser les produits Semanto (sic), un désherbant tellement puissant que sa terre deviendra fertile. Une mécanique américaine tellement bien huilée, comme exclusivité d’achat de leurs graines, que Roger va s’endetter. S’y ajoute une fièvre bovine qui lui enlève ses vaches qu’il enterre. La terre lui envahit le cerveau, le corps, la bouche, il devient terre. Ses tentatives diverses pour l’évacuer échouent.
Court roman percutant sur le n’importe quoi de l’exploitation de la terre par les politiques et financiers. Écologique, social, sanitaire. Sa solution pour guérir frappera fort.
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« Quand je pense à Jean-Charles , je pense à l'île comme le paradis. I mean, y avait les bois verts d'un bout à l'autre. Tu peux pas le voir comme il est là aujourd'hui parce qu'il est tout endommagé, il va presque se faire manger. Mais quand j'étais p'tit-bout, je nous vois pagayer tout au long. On partait le matin et on revenait pas avant le soir. On restait dans les bois à jouer, on se faisait des petites places dans les branches pour bouger en l'air et se cacher du monde. On construisait des cabanes comme de vrais Indiens, et on était heureux comme des macaques! C'est ça qui reste dans la tête. Quand le dernier chef m'a donné ça à moi, l'île elle commençait à crever. Et moi je deviens docteur et je peux rien sauver! »
L'île de Jean Charles est un minuscule lopin de terre au milieu du bayou louisianais, paroisse de Terrebonne, peuplée par les descendants des Chactas, des Chitimachas, des Biloxis, et des colons français. La toponymie, les patronymes, le français cadien mâtiné d'anglais des habitants disent la colonisation, le métissage, l'arrivée des anglophones -"Napoléon, c'est pas bon!- et la solidité des liens familiaux. Durant des siècles, l'île est parvenue à se préserver des tracas du monde extérieur, ou du moins à composer avec ses travers (la guerre du Vietnam, les emplois sur les plateformes pétrolières…), maintenant son mode de vie, résistant aux ouragans, émergeant de ses ruines. Mais aujourd'hui, la rupture avec ce monde ancien est consommée. La montée des eaux, l'érosion côtière qui grignote jour après jour la superficie de cette langue de terre de huit kilomètres et les tempêtes menacent d'engloutir les maisons et de faire vivre un second "grand dérangement » à tous ses habitants.
Franck Smith explore les changements que traverse l'île de Jean Charles à travers la vie des îliens qui font face à un avenir bien sombre, n'en déplaise aux ingénieurs qui promettent des digues et des infrastructures salutaires. Les flâneries de ce voyageur solitaire, la beauté puissante de son écriture anti-rationnelle -poésie documentaire, texte éclaté, collage verbal- font de Katrina Isle de Jean-Charles, Louisiane, une oeuvre à la beauté singulière et désespérée.
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dans le tissage qu'il fait et son choix dans les documents, variété des histoires évoquées, créance à leur donner ou non (mais absence visible de charges précises en dehors de dénonciation ou de livraison dans la plupart des cas) - différence des formes : dialogues, méthode, quelques quasi poèmes, discours structurés, naïveté plus ou moins réelles, ironie, trous ou erreurs des dossiers. Un travail de mise en forme, et l'impression que ce qui passe est authentique, dans sa terrifiante absurdité glacée, d'autant plus glacés que les mots s'échangent à travers les traductions.
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