Lorsqu’elle sort de l’immeuble, la pluie aboie sa soif de la rajeunir de quelques milliers d’années. Ses crépitements tigrent la danse de ses hanches, et l’odeur du ciel fanfaronne comme un essaim d’abeilles.
Comment vais-je me réconcilier ? demande Abeille. Je suis devenue une femme cabossée. Je m’en veux de ne pas avoir crié, de ne pas avoir été au bureau de police.
Souillure.
Viol.
Cheyenne prend Abeille dans ses bras.
- Je m’en veux de me sentir sale. Je me sens coupable de ne plus m’aimer
Où sont les mots ? Où restent les mots ? Où sont les mots ?
Non pas de cris, tu ne cries pas tu ne cries pas.
Que reste-t-il de la nuit ? Quelques heures.
Des mots non dits. Son histoire cachée.
Elle rentre telle une péniche qui atterrit dans l’univers de l’ombre.
La douleur ne veut pas de l’amitié de la nuit.
Qui se soucie de ceux qui y souffrent.
Cheyenne est habillée de blanc. Ses sous-vêtements aussi son blanc s. Elle aime ce blanc plein de promesse, le vide qui accueille le plein.
Sa nuit recèle un secret.
Laisser le temps effacer de son disque dur la férocité. Laisser le temps effacer le souffle laid qui courts dans ses os. Ce morceau d’histoire bien réel qui ne s’évapore pas. Qui résiste à ses nouvelles mémoires.
Avec le temps, pense-telle, les choses devraient se tapir, peut-être s’oublier. C’est ce qu’elle espère, mettre le chagrin au fond d’une poche, en coudre les bords et enfermer le vêtement dans un placard aux lourdes portes.