Et les voilà, ensemble devant nous pour la première fois. Elles ne parlèrent pas. Elles n’en avaient pas besoin. Elles étaient tout ce que nous n’avions jamais réalisé. Toutes les cinq, belles et redoutables – pas du tout les filles que nous pensions connaître. Nous nous souvenions d’elles comme des adolescentes tranquilles, douces et familières.
Nous ne nous souvenions pas d’elles aussi puissantes.
Leur chair d’acier était un bouclier, leur corps déversant une eau grise qui aurait pu nous noyer en un battement de cœur. Ces yeux qui nous observaient et voyaient tout. Nous étions plus nombreux, c’était certain, mais face à elles, nous n’avions aucune chance.
Dans la pièce à vivre, des visiteurs du même âge que ma mère s’attroupent près de conjoints qui ne les reconnaissent plus. Parfois, on dirait que nous sommes tous destinés à passer notre vieillesse à dire au revoir.
Les Filles de Rouille ne devaient pas être acceptées car c’était la seule chose convenable à faire. Les Filles de Rouille devaient être acceptées parce qu’elles étaient profitable aux affaires.
Cleveland. Elle est telle que je l’ai connue : froide comme une promesse brisée, et tout aussi cruelle. C’est une ville qui se souvient de tout, même de ce qu’il vaut mieux oublier.
C’était un jour dont je n’avais pas envie de voir la fin, pas encore. C’était le dernier jour et aussi le premier, celui qui séparait nos vies en deux.
Nous étions censées les aimer, pas vendre des tickets pour le spectacle de leur destruction.