Hélène Clerc-Murgier, à propos de son nouveau roman *
La Rue du bout du monde*, paru en juin chez
Jacqueline Chambon.
[Lire un extrait : http://www.actes-sud.fr/catalogue/romans-policiers/
la-rue-du-bout-du-monde]
C’est une possibilité que le hasard vous indique le bon chemin. Mais c’est une possibilité aussi qu’il vous indique le mauvais. On ne sait jamais si le hasard prend le masque de Dieu ou le masque du diable.
Cléomas était un bandit de la pire espèce, se plaisait-il à dire. Il n’était pourtant pas bien vieux. Même s’il ne connaissait pas son âge exact, il savait qu’il avait entre vingt-deux et vingt-quatre ans. (...)
Il ne connaissait pas non plus ses parents. Ou, pour être tout à fait honnête, il avait connu une femme qui lui avait tenu lieu de mère, sans qu’il n’ait jamais su si elle l’était véritablement ou pas. Il n’eut d’ailleurs jamais l’occasion ni même l’idée de lui poser la question. Cette femme était la méchanceté incarnée. Revêche, violente, dure comme la pierre et mauvaise comme une teigne, elle portait sur son visage les stigmates de son caractère : les yeux petits et enfoncés, se plissant en signe de défi face à son interlocuteur, un nez proéminent, trop large, trop long, une bouche fine comme une lame, et lorsqu’elle l’ouvrait (c’est-à-dire souvent) une voix aiguë qui vociférait plutôt qu’elle ne parlait. Quant à ses doigts, dix fils de fer rêches, froids, cassants. Jamais une caresse, une attitude tendre, mais en permanence des gestes brutaux, saccadés et une cruauté à nulle autre pareille.
Où l’on fait la connaissance de Cléomas
Elle avait noué ses cheveux, délicatement parfumés d'eau d'ange, avec des rubans de soie couleur rouge et safran, qui lui enserraient harmonieusement la tête. Sa robe de velours pourpre étaient enrichie de perles et rehaussée de manches bouffantes couleur or... Il lui prit les mains, les passa autour de son cou laiteux dont l'odeur de fleur, presque sucrée, toujours le remplissait d'ivresse.
Les gens éduqués sont tellement ennuyeux. Et justement c’est de votre courage dont j’ai besoin ; je vous trouve suffisamment téméraire pour me seconder. Quant à votre éducation, vous vous exprimez plutôt bien et ne dites pas trop de bêtises. Pour le reste, nous gommerons tout ce qui est incongru. Vous apprendrez d’ailleurs que se taire est un moyen salutaire de paraître cultivé.
Jacques Chevassut eut le sentiment qu'il touchait presque au but. Il sentit alors comme une exaltation intense l'envahir, lui procurer un frisson presque agréable. C'était le sentiment de la victoire imminente, à portée de main. Le voile qui se déchire et laisse deviner la vérité toute proche.
Où Jacques Chevassut avance dans son enquête et découvre que son ami a douté de lui
Il régnait un calme impressionnant dans le monastère, et d'autant plus remarquable qu'une intense activité s'y déroulait. Il abritait non seulement une quarantaine de bénédictines, mais également un pensionnat de jeunes filles et une communauté de prêtres.
Où Jacques Chevassut parle à la mère abbesse et se promène dans Montmartre, où on lui fait une drôle de proposition
L'homme était vêtue d'une longue toge grise aux reflets moirés qui sembla au lieutenant de riche étoffe tant elle scintillait à la faible lumière de la pièce ; sa barbe longue et blanche, qui prolongeait ses cheveux gris et soyeux, lui donnait l'air sage d'un anachorète. Mais son âge restait un mystère, car malgré les quelques rides qui sillonnaient harmonieusement son visage, son corps semblait celui d'un jeune homme et Chevassut aperçut à la lueur d'une lampe que ses mains étaient d'une blancheur et d'une douceur que plus d'une femme aurait pu lui envier.
Où Chevassut rend visite à l'alchimiste maître Gonin, et où celui-ci lui parle philosophie
Elle tenait dans sa main droite un éventail qu’elle ne lâchait jamais, même lorsque, l’hiver venu, les autres femmes le rangeaient au garde-meuble. Plus qu’un accessoire de beauté, c’était le délicat prolongement de sa main. Il soulignait tous ses gestes : parfois elle tapotait avec dans un geste d’impatience, ou le glissait dans sa main gauche, caressant sa joue pour minauder. Elle rythmait également ses paroles par un simple claquement des doigts qui ouvrait ou refermait l’éventail. Et lorsqu’elle en utilisait un en plume, c’était pour dissimuler les mots doux qu’elle faisait passer à ses complices ou à ses amants.
Où un complot s'ourdit
Son regard s'était perdu dans la contemplation de l'île de la Cité d'où émergeaient les massives tours de Notre -Dame. Là était le coeur de Paris, son âme immortelle, ses soupirs silencieux. De là tout avait commencé, et même si les maisons ne cessaient de franchir depuis des siècles les enceintes qui s'étaient succédé, toujours les regards convergeaient vers ce large sein à la respiration lente et régulière.
Chapitre 2.
Où Pierre Boivin, premier conseiller de Jacques Chevassut, s'intéresse aux propos du criminel
Quel était cet ennemi sans nom et sans visage qui chaque jour semblait se rapprocher un peu plus ? Qui était cet homme, ces hommes, de plus en plus mystérieux à force de toujours s'évanouir dès qu'on semblait s'en rapprocher, et par qui tout avait commencé ? Que voulaient-ils ? Que cherchaient-ils ? Et étaient-ils d'ailleurs toujours vivants eux-mêmes ? Autant de questions sans réponses, autant d'incertitudes, encore et toujours.
Où Jacques Chevassut se fait attaquer en pleine nuit et se défend avec ardeur