Robespierre, dans sa complexité d'homme - par Hervé Leuwers
Maximilien de Robespierre naît à Arras, le 6 mais 1758. Petit-fils et fils d’avocat du côté de son père, il se destine au droit, mais c’est dans la Révolution française qu’il se fait un nom. Il meurt sur l’échafaud, le 28 juillet 1794 (10 thermidor an II).
Que de débats autour de ce personnage, alors qu’aucun autre acteur des années 1790 n’atteint sa célébrité ! Est-ce un homme froid, insensible, un pourvoyeur de guillotine, un « dictateur », seul responsable du moment le plus tragique de la Révolution ? Ou au contraire, un martyr de la liberté, un saint laïc, un ami calomnié du « peuple » ?
Il ne faut attendre ni la mort du conventionnel, ni même le gouvernement révolutionnaire (1793), pour voir s’affronter deux images de Robespierre. Dès 1790, l’homme est adulé par les uns, honni par d’autres. Afin de détacher Robespierre de la gangue d’un a priori qui l’entoure, il est nécessaire de l’approcher dans sa complexité d’homme, à chaque étape de sa vie.
"l'opinion publique" est désormais un jugement collectif, savant et écrit, reconnu par l'expression nouvelle de "tribunal de l'opinion". A la faveur des Lumières, les hommes de lettres et les juristes se permettent de débattre de tout, de juger, de proposer ; les concours organisés par les académies de province, les procès célèbres ou ordinaires, la vie littéraire, la politique des ministres sont alors autant d'occasions d'écrire et d'échanger devant un public socialement toujours plus large. En recherchant le soutien de l'opinion publique, des ministres comme Turgot ou Necker affermissent d'ailleurs la légitimité de celle-ci et, de fait, opposent son autorité à celle du monarque (K. Baker).
La presse reconstitue l'agora ou le forum des républiques antiques ; elle rapproche les citoyens les uns des autres, leur permet de s'informer, mais aussi de partager et d'échanger. Son importance est d'autant plus grande, que les pratiques de lecture publique en autorisent la découverte collective, dans la rue, au café ou dans les clubs.
A la veille de la Révolution, la procédure criminelle, de type inquisitoire, reposait sur une instruction écrite et secrète menée par un seul magistrat, dont les résultats étaient présentés à la Cour par l'intermédiaire d'un rapporteur.
Le XIXe siècle s'est déroulé à l'ombre de la Révolution et de l'Empire.
"Les gouvernements de nos jours et de l'avenir qui n'ont ou n'auront pas pour objet le bonheur national, mais celui d'un prince, mais celui de quelques hommes, mais celui d'une caste privilégiée, voudront anéantir cet ouvrage ; leurs efforts seront superflus."
Marcellin Matton-Gaillard, La République, ou le plus parfait des gouvernements, 1848.
Le Directoire, par son refus simultané des royalistes et des démocrates, son pragmatisme politique, sa fermeté, son confiance dans l'exécutif, aussi, apparaît comme le laboratoire d'une "république du centre", ou comme de "l'extrême centre" - pour reprendre les expressions de l'historien Pierre Serna.
En résumé, n 'ayant aucune valeur fondatrice du point de vue de l'histoire républicaine, le Directoire se voit réduit à un temps de médiocres quasi-anonymes, pris entre les deux destins révolutionnaires de l'Incorruptible et du jeune général.
Ö ma chère Lucile, j'étais né pour faire des vers, pour défendre les malheureux, pour te rendre heureuse, pour nous composer, avec ta mère et mon père, et quelques personnes selon notre cœur, un Otaïti. J'avais rêvé une république que tout le monde eût adorée. Je n'ai pu croire que les hommes fussent si féroces et si injustes. Comment penser que quelques plaisanteries dans mes écrits, contre des collègues qui m'avaient provoqué, effaceraient le souvenir de mes services. Je ne me dissimule point que je meurs victime de ces plaisanteries et de mon amitié pour Danton.
« Remettons entre les mains des peuples leurs propres destinées. Proclamons chez eux la Déclaration des droits, et la souveraineté des nations ; qu’ils s’assemblent sous ces auspices ; mais qu’ils règlent ensuite la forme de leur gouvernement. S’ils veulent se réunir à la France, la Convention délibérera sur cet objet ; s’ils veulent former une république séparée et indépendante, nous contracterons une alliance avec eux, contre les despotes et contre les aristocrates qui déclarent la guerre à la liberté des peuples. »