Pourquoi gaspiller sa vie à autre chose qu'à la vivre ?
Le truc, c'est qu'on prévoit un avenir qui n'arrivera jamais. Ou s'il arrive, on est trop vieux pour en profiter.
Quand il avait rencontré Nora - il y avait plus de trente ans, même si cela était difficile à croire - il avait vingt-cinq ans et faisait les quatre cents coups, plus curieux de trouver l'endroit où il dégoterait sa prochaine dose de Jack Daniel's que de savoir s'il serait toujours en vie le lendemain pour réaliser qu'il avait la gueule de bois. Et le sexe à l'époque était comme l'alcool : une expérience forte mais singulière, un voyage nocturne qui le désorientait et dont il sortait lessivé et souillé, si bien que la seule personne qu'il haïssait alors plus que lui-même était la fille qui s'était donnée à lui avec autant de facilité et de légèreté.
(p. 23)
" - On était au collège ensemble.
- Oui, elle me l'a dit.
- J'imagine qu'elle t'a raconté que j'avais été dégueulasse avec elle.
- Elle m'a dit que tu lui avais tiré les cheveux à plusieurs reprises."
(...)
" - Je m'en veux, a poursuivi Tina, mais April fait partie de ces gens qui encaissent tout. Tu vois ce que je veux dire ? Je savais que je pouvais la faire souffrir et m'en sortir à bon compte, donc j'ai continué. "
Elle avait raison, bien sûr. Le monde n'était pas simplement divisé entre des hommes mauvais et des femmes bien, mais entre des faibles et des forts.
(p. 184-185)
J'ai passé les cinq années qui se sont écoulées depuis la mort de Felicia [à 19 ans] à essayer de concilier la fille que je connaissais, l'enfant que j'avais consacré ma vie à aimer, avec les secrets qui ont éclaté au grand jour à sa mort. Soit vous faites la part des choses, soit vous perdez la personne une seconde fois, c'est comme ça.
(p. 79)
J'étais contente que [la nouvelle femme de mon ex-mari] ne pose pas ses mains de chaque côté de son ventre en arborant un sourire serein, comme le font toujours les femmes à la télé - comme je l'avais fait à plusieurs reprises pendant ma grossesse, donnant l'impression de transporter les secrets de l'univers ; moi, la déesse Mère, la première femme à avoir jamais créé la vie.
(p. 107)
"Etes-vous optimiste?
- Je ne sais pas, dit Tony. Je pense que je dois le rester jusqu'à ce que je ne puisse plus l'être."
" C'est sensé m'encourager ? demanda Susanna. "Reste avec ton mari "? "ça pourrait être pire"? "
Sa mère haussa les épaules . " Puisque tu es une femme vraiment moderne et puisque tu connais le monde mieux que moi , je vais le dire autrement : si tu comptes abandonner ce que tu as , tâche de savoir ce que tu auras."
Il s'est reculé et a repris mes bagages. Galant jusqu'au bout, mais j'aurais dû remarquer que mon départ se passait très facilement - trop facilement. On ne met pas comme ça un terme à vingt-deux ans de mariage, me suis-je dit tandis qu'il chargeait la voiture et m'embrassait, tandis que je faisais tourner le moteur et quittais notre allée. Un mariage ne peut pas expirer comme ça. Pas s'il était au vivant au départ.
Quelqu'un siffla et Gloria ne fit pas attention, se contentant d'avoir un petit sourire en coin et de hâter le pas. "Foutus péquenauds" lâcha t-elle.