Que l'archéologie se trouve soudain sou les feux de la rampe, c'était une expérience nouvelle et assez égarante pour la plupart d'entre nous. Nous avions toujours été profondément requis par notre travail, mais sans jamais espérer provoquer plus que quelques questions polies de la part des non-spécialistes. Et voilà que, tout à coup, le monde entier s'intéressait à nous. On envoyait les plus grands correspondants pour nous interviewer, enregistrer nos moindres mouvements et tenter de percer nos prétendus secrets. C'était un peu stupéfiant, assez gênant, et nous nous demandions parfois comment et pourquoi tout cela a commencé.
Ouvertement ou en secret, tout le monde est sensible au romanesque.
C'est sans doute pour cette raison que la découverte de la tombe de Toutankhamon a soulevé un intérêt aussi vaste et aussi passionné.
En débarrassant l'antichambre, nous avions l'impression de jouer à un gigantesque jeu de jonchets. Les objets étaient si nombreux qu'il était extrêmement difficile d'en déplacer un sans courir le risque d'endommager les autres.
C'était une expérience qu'aucun de nous ne pourrait jamais oublier. Nous venions, en un sens, d'assister à la cérémonie funéraire d'un pharaon mort depuis longtemps et presque oublié. Lorsque trois heures plus tard, nous sortîmes à la lueur du jour, transpirant, poussiéreux, échevelés, la Vallée n'était plus la même ; elle venait de nous faire vivre un rêve.
Une chose est certaine : entre le moment où l’on a rebouché ces portes et celui de notre découverte, aucune main n’a plus brisé les sceaux de la sépulture.
Indubitablement, nous nous trouvions là à l’entrée d’une tombe. Pourtant, nous continuions à douter. il se pouvait que la tombe ne fût qu’une ébauche, jamais terminée, jamais utilisée. Et même si elle était achevée, elle avait pu être pillée et vidée depuis longtemps.
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Quand notre lumière frappa la noble sculpture de quartzite, elle révéla au travers de détails répétés à l'infini l’ultime appel solennel aux dieux et aux hommes, nous donnant l'impression que, dans le cas du jeune roi, même la mort s'avérait empreinte de dignité
Dans le silence absolu de la chambre, l'émotion s'intensifia, passé et présent semblant se rencontrer : le temps comme en suspens, chacun se demanda si le souverain n'avait pas été déposé dans son cercueil la veille.