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Critiques de Hugo Bettauer (15)
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La ville sans Juifs

Voici un livre étonnant dont je n'avais jamais entendu parler , découvert à la médiatèque , écrit en ........1922 par Hugo-Bettauer, écrivain sans tabous , fantasque, romancier et journaliste, grand provocateur, qui s'attirait les foudres de la presse bien - pensante ........une curiosité!

Dans cette satire il dénonce avec force et ironie la lâcheté des politiques et la versatilité des masses, " un roman d'après demain " , ainsi qualifié par lui , un récit de politique fiction étonnamment prémonitoire, : solution au marasme autrichien , faire partir tous les habitants juifs.

En réalité , l'idée principale de l'auteur est de dénoncer l'antisémitisme montant et de démontrer jusqu'à l'absurde que les autrichiens "juifs d'origine, "ne sont en rien responsables des problèmes multiples auxquels l'Autriche est confrontée et que leur départ ne ferait qu'aggraver la crise grave que traverse le pays ........

L'auteur met Vienne , sa ville , en scène avec force détails et quelques personnages conventionnels , l'émotion ne transparaît pas .......l'écriture est froide.

Au début c'est la liesse populaire , les Viennois sont euphoriques , ils font la fête , ils vont récupérer les logements libérés par les juifs expulsés :quarante mille libérés d'un coup .......il faut montrer au monde entier que l'Autriche peut vivre sans les juifs !

La populace observe quotidiennement le départ des trains d'évacuation et insulte copieusement les malheureux juifs expulsés après cette loi, ces chiens galeux !



Mais petit à petit l'enthousiasme fond comme neige au soleil, l'absence des juifs se fait sentir , l'économie périclite, le chômage est massif, les commerçants ne gagnent plus leur vie , ils ne sont pas à la hauteur , le tourisme périclite ........

Le fin de cette satire est optimiste toutefois.Mais trois ans plus tard, les antisémites se vengeront et ne pardonneront jamais à Hugo-Bettauer son pamphlet grinçant et absurde , il meurt assassiné par un militant nazi .

Son premier fils sera exterminé à Auschwitz et moins de cinq mille sept cents juifs vivent encore à Vienne à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.



L'auteur est visionnaire : ce pamphlet dérangeant , surprenant , apparaît , quatre- vingt- seize ans plus tard , malheureusement , toujours d'actualité!
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Le tueur de femmes

LE TUEUR DE FEMMES

====================



Un polar écrit en 1922 et situé dans le Berlin des "Roaring Twenties" (les années vrombissantes ou rugissantes) par l'écrivain autrichien, Hugo Bettauer, né à Baden près de Vienne, en 1872, et tué par les nazis, comme "poète rouge" et "corrupteur de la jeunesse", en mars 1925.



Le livre n'est malheureusement toujours pas traduit en français, mais comme ses ouvrages "La rue sans joie" et "La ville sans Juifs" ont été traduits en français, il n'y a vraiment pas de raison pour un des nombreux éditeurs en France de ne pas procéder à la traduction d'un excellent roman policier, doublé d'une superbe évocation de l'atmosphère tout à fait particulière de cette capitale de l'Allemagne dans ces années fort mouvementées, au moment de l'inflation galopante et avant l'arrivée du sieur Adolf Hitler. En fait, cet opus fait penser à "Berlin Alexanderplatz" d'Alfred Döblin, ainsi qu'à "Seul dans Berlin" et surtout "Quoi de neuf, petit homme" de Hans Fallada.



En l'espace de 6 semaines, 4 jeunes filles, entre 22 et 25 ans, disparaissent mystérieusement à Berlin. Même le docteur Clusius, chef de la police criminelle, trouve cela un peu trop étrange et charge son inspecteur préféré Krause de mener une petite enquête.

Il se trouve que les 4 beautés, Trude Müller, Grete Möller, Annemie Jensen et Käthe Pfeiffer ont toutes eu un fiancé blond d'une trentaine d'années, distinguée de sa personne et porteur de lorgnette, qui les avaient toutes invitées lors d'un week-end, pour aller visiter une maison qu'il voulait s'acheter, le long de la rivière Havel, à Kerzin, dans le Brandebourg près de Potsdam.

Seulement, aucune n'est revenue de cette petite expédition, à la surprise d'abord et l'inquiétude ensuite de leurs 4 concierges !



L'inspecteur Krause est un cas, même dans le Berlin des 1920, où les excentriques ne manquent pas. Il dispose d'une mémoire fabuleuse et a comme habitude de ne jamais rien noter, tout en enregistrant les moindres détails parfaitement dans cette prodigieuse mémoire. Résultat d'un passage de 3 ans en tôle, accusé à tort du vol d'une belle somme rondelette. À partir de sa cellule, sans papier, il a trouvé le véritable voleur. Cet acte de prouesse insolite a décidé le dr. Clusius à vite le recruter, dès sa sortie de prison.



Pendant qu'une colossale chasse à l'homme s'organise à travers toute l'Allemagne, excédée par une presse déchaînée, une 5ème jeune fille de 24 ans disparaît, Selma Cohen. Dans l'intervalle, Krause, qui a appris l'art de la patience au trou, mène paisiblement sa quête de ce nouveau

barbe-bleue. En dire davantage sur le déroulement et les résultats de cette enquête est évidemment tabou. Mais je peux assurer le lecteur que de grandes surprises l'attendent.



Outre un reflet de son époque, cet ouvrage est captivant comme thriller. Spécialiste des romans-feuilletons dans les journaux, Hugo Bettauer, savait comment tenir son public en haleine. Un regard ironique sur le monde qui l'entournait tant à Vienne et Munich qu'à Berlin, offre un atout supplémentaire à son oeuvre.



J'ai, franchement, trouvé ce petit livre nettement mieux que beaucoup de bouquins en provenance des professionnels ou industriels de polars, surtout d'outre-Atlantique, aidés dans leurs ventes grâce à de très amples campagnes médiatiques sur tous les fronts et qui prennent parfois l'allure de lavages de cerveaux.

En plus, chers éditeurs, en version originale, le bouquin ne compte que 103 pages. Donc !
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Hemmungslos

SANS FREINS *



Avec son roman, l'auteur viennois marche dans les pas de Dostoïevski, ou plutôt de son oeuvre inoubliable "Crime et châtiment", un demi-siècle après, en 1920. de Hugo Bettauer (1872-1925), auteur du célèbre opus "La ville sans Juifs", j'ai, en septembre dernier, chroniqué son "Le tueur de femmes" (Der Frauenmörder), cette fois-ci il s'agit d'un polar historique. Mais ça n'aurait pas été l'oeuvre de cet enfant terrible de la littérature autrichienne, s'il s'était contenté d'un simple policier. Il ne pouvait prévoir, bien sûr, sa propre mort atroce, 5 ans plus tard : tué de 6 balles de revolver, à l'âge de 52 ans, par le technicien dentaire Otto Rothstock, jeune nazi à qui "La ville sans Juifs" n'avait pas plu ! Après même pas un an et demi de cachot, ce triste sire fut libéré de prison !



Quelqu'un d'intelligent a qualifié ce roman par l'élégante phrase : "Requiem pour une société perdue", faisant référence à la disparition de l'Empire austro-hongrois après la première tuerie mondiale.



Koloman Freiherr (baron) von Isbaregg, qui se fait appeler depuis la "réorganisation" du monde simplement Kolo Isbaregg, passe son 2ème jour sans manger. Il a faim évidemment, mais cette faim solitaire n'est rien comparée à celle collective des troupes au front pendant la guerre. Il est le dernier d'une longue lignée de nobles, mêlés à du sang bohémien, hongrois, polonais et même turc, qui se termine donc à lui, le baron sans le sou, vivant d'une maigre pitance de l'armée. Après ses études à une haute école technique, un stage dans une usine écossaise, son entraînement comme footballeur et boxeur, Kolo a découvert, qu'outre le pouvoir, la richesse et la liberté, il y a une 4ème chose importante dans la vie : La Femme !

Et ce beau garçon exotique aux yeux et cheveux foncés et aux longs cils plaît à la gent féminine : tant les jeunes Irlandaises, que les femmes mûres d'Édimbourg et de Londres (admirez chères lectrices le portait de ce séduisant dandy sur la couverture **). Il a eu de nombreuses 'amies' outre-Manche, à Paris (où il est resté 2 ans) et Toronto, où la guerre l'a rattrapé.



Un jour, affamé, il vole sur le tramway encombré le portefeuille d'une petite dame rondelette juive, Selma Rosenzweig, ce qui lui permet une nouvelle garde-robe, un passage chez le coiffeur et un séjour à la pension exclusive Metropolis. Ce vol marque un tournant dans sa vie. Il estime que la vieille morale judéo-chrétienne n'est, depuis l'hécatombe 1914-1918, plus de mise et ne voit pas de raison de vivre plus longtemps dans la crasse et la misère. Au bout de peu de temps, il se rend compte qu'il ne pourra pas survivre longtemps de l'argent dérobé et qu'il lui faudra une nouvelle "initiative". Et justement, à la Pension Metropolis séjourne le vieux banquier-spéculateur Herr Geiger, un personnage déplaisant mais riche.

Il se lie d'amitié avec lui et lui raconte que le gouvernement va taxer lourdement des capitaux improductifs placés sur des comptes bancaires. le temps que Geiger vide ses comptes, notre baron s'est acheté un déguisement (y compris un soulier orthopédique qui le fait boiter) et se fait passer pour un diplomate espagnol. C'est comme Diego Alvarez qu'il s'installe également au Metropolis...où la nuit, il étrangle Geiger et disparaît avec un million de couronnes autrichiennes. En somme, une variante viennoise du héros de Dostoïevski, Raskolnikov.



Cette somme fabuleuse permet à Kolo un peu de répit, mais pas trop, car son nouveau train de vie est super onéreux : restos gastronomiques, boîtes de nuit, jeux du hasard, la compagnie de demi-mondaines etc. Il se dit que seul un mariage avec une dame richissime et contrat de mariage judicieux peut lui sortir définitivement de l'impasse. Et notre beau baron trouve sa victime : Dagmar, veuve Tökely, d'origine danoise et une des femmes les plus fortunées de Vienne.



Comment il se débrouille pour conquérir le coeur de la pas trop belle Dagmar, tout en tombant amoureux de son amie Helga Esbersen, une ravissante écrivaine danoise, et si oui ou non il réussit à faire fructifier son contrat de mariage, je ne puis révéler évidemment. Ni d'ailleurs les efforts combinés du journaliste d'investigation, Jeremias Finkelstein, et Selma Rosenzweig pour démasquer notre baron plutôt particulier.



"Hemmungslos" est bel et bien ce qu'en Allemand on entend par le mot "Krimi", court pour "Kriminalroman" ou roman policier, avec ses crimes et son enquête, qui fait tourner les pages. Cependant, grâce à sa situation géo-historique, nettement davantage : un conte de moeurs envoûtant.

Dans ce conte, le lecteur trouvera beaucoup d'éléments biographiques de son auteur, Hugo Bettauer, qui n'était point un criminel, bien entendu, mais s'est trouvé comme notre baron paumé dans la capitale d'un Empire démembré et à la dérive !



Résumons-nous, selon Hugo Bettauer la vie vaut la peine d'être vécue pour 4 raisons : le pouvoir, la richesse, la liberté, plus La Femme ! Quel homme sensé ne serait pas d'accord avec lui, surtout sur ce dernier point ?



* La meilleure traduction (libre) que j'ai pu trouver.

** le portrait sur la couverture est du comte Robert de Montesquiou (1855-1921), poète et homme de lettres, tableau de Giovanni Boldini (1897), au Musée d'Orsay.

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La ville sans Juifs

Merci à Net Galley et aux éditions Belfond de m'avoir permis de lire ce roman.

En 1922, Hugo Bettauer écrit La ville sans juifs où il met en scène sa ville, Vienne. Dans celle-ci, on expulse... les juifs ! Au début tout va bien, on n'a pas besoin d'eux, mais très vite les choses se gâtent.

C'est surprenant, quand on sait comment les juifs ont été exterminés quelques années plus tard !

L'auteur a du sentir le vent tourné pour les juifs, et son ouvrage est malheureusement prémonitoire.

C'est un roman qui m'a intéressé, le contenu est vraiment pas mal du tout.

Par contre, l'écriture est un peu plate par moment. Je trouve que ça manque un peu d'émotion, c'est dommage.

Un roman dérangeant, surprenant, et qui mérite quatre étoiles.

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La ville sans Juifs

La préface annonce la couleur : la qualité de ce roman tient plus à son contenu qu'à son style littéraire : l'écriture est plate et c'est une énumération de faits sans réelle émotion.

Par contre, le contenu est, je confirme, très dérangeant. L'auteur a écrit ce roman en 1922, et raconte une hypothétique histoire où sa ville, Vienne, expulse ses juifs ; d'abord enthousiaste, la population va très vite déchanter.

Cet écrit est fort perturbant quand on revient sur notre Histoire : le parti nazi n'est pas encore au pouvoir en Allemagne, il faut attendre la crise de 1929 pour que les choses s'accélèrent ; en 1922, c'est un jeune parti qui n'est pas pris au sérieux, et Mein Kampf ne sera écrit qu'en 1924. Mais Hugo BETTAUER a bien senti cet animosité envers les juifs ; après tout l'antisémitisme est répandu et pleinement accepté en Autriche. L'auteur a sans doute écrit ce roman pour réveiller les consciences, pour mettre en garde sur l'application de solution extrême envers la communauté juive. L'Histoire a montré qu'il n'a pas été entendu, et au-delà du pire des scénarios, Hugo BETTAUER n'a pu imaginer le sort final réservé aux juifs.

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La ville sans Juifs

Je remercie Cultura et le comité de lecture qui m’ont permis de découvrir ce roman. Alors il ne s’agit pas vraiment d’une nouveauté dans le sens où ce roman a été écris en … 1922 ! Cependant, il est très intéressant puisque l’auteur a été visionnaire d’un point de vue historique sur ce qui arriverait aux Juifs. J’ai vraiment aimé découvrir cette histoire fictive avec mon recul sur l’Histoire.



Si ce roman n’est pas exceptionnel en terme d’écriture (l’histoire est simple, les personnages pas spécialement attachants), il reste intriguant quand on connait la date à laquelle il a été écrit. Il est paru en 1922. A cette date, le parti nazi allemand n’est pas encore au pouvoir, Hitler n’a pas encore fait parler de lui et nous nous trouvons dans l’entre deux guerre. Pourtant, l’antisémitisme (même s’il n’est pas à son maximum) est bien présent. Les Juifs sont les souffres douleurs, on leur reproche beaucoup de choses, notamment de s’enrichir et d’être la cause des divers maux. L’auteur, vraiment lucide sur son époque, il a donc décidé d’écrire ce roman dans lequel il veut démontrer l’absurdité des thèses antisémites en imaginant l’expulsion des Juifs d’Autriche.



Dans ce roman, nous allons donc nous rendre compte de la façon dont son traité les Juifs. Décris comme « esprits mauvais, têtes de turcs, vampires et oppresseurs du peuple », on voit clairement qu’ils sont mal jugés, qu’on les accuse de tout et n’importe quoi. En ce sens, il va rapidement être décidé que le pays se porterait mieux sans eux et ils vont petit à petit être expulsé jusqu’à ce qu’il n’en reste plus aucun. Bien sûr, cette expatriation va rendre les autrichiens euphoriques. Enfin ils vont pouvoir récupérer les logements, l’argent, les commerces et divers emplois. Mais au fil du temps, ils vont se rendre compte que tout ne marche pas comme ils l’auraient voulu. L’économie ne cesse de chuter, le chômage augmente, les commerces font faillites et l’inflation s’installe. Mais cette fois, ils n’ont plus personne sur qui rejeter la faute. Et il va être bien difficile de s’en prendre à eux-mêmes alors que les Juifs ont toujours représenté la cible parfaite.



J’ai vraiment aimé cet ouvrage écrit avec beaucoup de dérision et de cynisme. Tout ce qui se passe est assez gros bien sûr mais je pense que c’était voulu par l’auteur pour renforcer le côté absurde des thèses antisémites. Il a ainsi voulu montrer que non, les Juifs ne sont pas responsables de tous les maux du monde. Si l’histoire est écrite sur un ton léger, on sent que le sujet ne l’est pas et que l’auteur sentait que la situation des Juifs ne cessait de se détériorer. Malgré tout il a choisi de finir sur une note optimiste qui malheureusement ne sera pas le cas de la réalité …



C’est un ouvrage vraiment intéressant à lire avec notre recul. C’est fou de se dire que ce roman a été quasiment prémonitoire. Je pense que l’auteur a imaginé une théorie extrême : l’expulsion des Juifs, sans soupçonner que ça deviendrait réalité quelques années plus tard. Je pense qu’il ne pouvait même pas imaginer que le destin des Juifs serait bien plus noir et dramatique que son scénario. En tout cas il a été très lucide sur les évènements et a été courageux d’écrire un tel roman dans ce contexte.
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La ville sans Juifs

Et bien voilà, 1922 et Hugo Bettauer avait déjà tout prédit! Et avec une précision sur le discours qui fait froid dans le dos.... Il faut lire ce livre, il est bien écrit et il raconte une histoire incroyable de réalisme, malheureusement et surtout, il garde encore dans son récit l'espoir que l'être humain peut se rendre compte de sa bêtise et faire machine arrière...ce qui ne sera pas le cas en 39/45...

Un homme d’État décide que jeter tous les Juifs de son pays sous prétexte qu'ils empêchent les "autochtones" autrichiens de se développer et s'épanouir... Donc dehors les Juifs et il se trouve que, petit à petit, l'Autriche régresse, perd son dynamisme, est gagnée par la rusticité, et s'effondre économiquement. Les Autrichiens en viennent donc à trouver cette mesure absurde et surtout néfaste.... Ouf!

Franchement, un récit sidérant de réalisme lorsqu’on sait ce qui s'est déroulé ensuite dans notre Histoire!
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La ville sans Juifs

Ville sans Juifs est une curiosité dont je n'avais jamais entendu parler?un livre de politique-fiction, on dit maintenant dystopie,  genre très en vogue. Sauf que cette fiction parue en 1925, annonce précisément ce qui va se dérouler dans la décennie suivante. Du point de vue littéraire, Le roman de Bettauer ne se distingue ni par l'originalité de son style, ni par la psychologie des personnages, très conventionnels. Mais par la précision de l'anticipation il est stupéfiant.



Certes, l'antisémitisme, en Autriche ne date pas du nazisme. Bettauer a payé de sa vie le succès de La ville sans Juifs, en 1925 son assassin, en revanche , Rothstock, fut libéré d'asile psychiatrique dès 1933, comme homme libre.

Dans la préface, Olivier Guez écrit :



"il s'agit moins d'un livre prophétique toutefois que d'une fiction politique car Bettauer ne croit pas, ne peut pas croire aux "Heil" grotesques et aux brassards à croix gammée, à la haine absurde qui provoquerait la ruine d'une ville et de tout un pays...."



Et justement, c'est cela qui m'a frappée, la description précise de l'évolution politique :



"après la prétendue politique de redressement qui a duré deux ans, la situation financière de l'Autriche s'est à nouveau détériorée? Quand la valeur de la couronne autrichienne est tombée à deux-centièmes de centimes, les désordres ont commencé..[...] des incidents se produisaient tous les jours, des magasins étaient pillés, il y avait des pogroms , la colère et le désespoir de la population ne connurent plus de borne et finalement on dut prodéder à des élections...."



Le lois anti-juives furent votées et les Juifs expulsés.



"Après la grande expulsion, tout Vienne se transforma en un camp de porteurs de croix gammées. Hommes et femmes, adolescents et enfants, presque tout le monde exhibait l'emblème que l'on voyait sur toutes les affiches, sur les drapeaux et les insignes."



"nous n'avons plus aucune chance de nous rattacher (à l'Allemagne), ou bien croyez vous que les Allemands sont aussi crétins que nous et qu'ils vont flanquer leurs Juifs dehors"



Véritable prophétie, l'auteur montre tous les travers des Nazis. On se demande comment, sachant ce qu'il savait, on n'a pas pu éviter la catastrophe.



Le roman de Bettauer est d'un optimisme étonnant. Selon le roman, les Juifs, détenteurs des richesses et du commerce, ruinent l'économie en émigrant. L'Autriche est ruinée par leur départ. On réclame leur retour. Et ils rentrent en triomphateurs.



Ce que Bettauer n'avait pas prévu, c'est la Seconde Guerre mondiale!
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La ville sans Juifs

Ecrit en 1922, soit une dizaine d’années avant qu’Hitler ne s’empare du pouvoir en Allemagne, « La ville sans juifs » prouve que les théories nazies étaient déjà largement répandues dans la société autrichienne. C’est même très vraisemblablement pour cela que Hugo Bettauer a jugé nécessaire de les brocarder en proposant à ces concitoyens cet ouvrage qui a pris depuis une résonance toute particulière.

L’idée de son roman est fort simple. Il s’agit de démontrer par l’absurde que les autrichiens d’origine juive ne sont pas responsables des problèmes auquel le pays est confronté et que, loin d’améliorer la situation, leur départ ne ferait qu’aggraver les choses. Son récit commence donc par leur expulsion d’Autriche et notamment de Vienne où se déroule l’essentiel de l’histoire. Celle-ci se compose d’une succession de tableaux qui nous montrent les effets de cette décision sur la population et en particulier sur Léo Strakosch et Lotte Spineder, des Roméo et Juliette viennois dont les amours contrariées jouent un peu le rôle de fil conducteur.

L’atmosphère est d’abord à la joie et l’allégresse. Les viennois se félicitent de trouver des logements vacants et de récupérer les emplois des juifs. L’Etat confisque une partie des biens des expulsés et les spéculateurs se frottent les mains. Seuls quelques grincheux trouvent motif à se plaindre : un député qui a voté la loi se rend compte un peu tard que son gendre est un juif converti et que ses petits enfants vont le suivre en exil, un avocat antisémite se plaint d’avoir perdu ses bouc-émissaires favoris et des femmes de petite vertu regrettent une clientèle fidèle et généreuse. Et puis, petit à petit, les choses s’enveniment. L’inflation s’installe, l’économie est en berne et l’avenir s’annonce sombre. Les commerçants peinent à gagner leur vie, les entrepreneurs font faillite, les ouvriers pointent au chômage et tous regrettent bientôt l’atmosphère de gaieté et de prospérité qui avait cours du temps des juifs.

Le livre de Bettauer est une satire extrêmement corrosive. Le monsieur n’y va pas avec le dos de la cuillère pour critiquer l’état d’esprit de ces concitoyens. Le trait est forcé et parfois même outrancier. Il est en effet difficile d’admettre que la situation économique et culturelle de l’Autriche puisse sombrer en l’espace d’une seule année. Difficile aussi de croire que les autrichiens soient si peu doués qu’ils ne parviennent pas à commercer, à diriger une banque ou une grande société ni même à écrire une pièce de théâtre digne de ce nom. Mais en montrant ses compatriotes aussi démunis après le départ des juifs Hugo Bettauer ne fait que démontrer la stupidité du discours antisémite selon lequel ces derniers accaparent les richesses et tiennent les leviers économiques, politiques et culturels du pays. Prenant ce postulat au pied de la lettre, le retournant à son profit, il nous montre tout à fait logiquement des chrétiens incapables d’exercer des tâches et des métiers qui n’étaient pas les leurs.

Il se moque également de l’aspiration des autrichiens – qui sera aussi celles des nazis - à un retour aux traditions germaniques et campagnardes. On ne s’habille plus qu'en loden ou en flanelle, on ressort les costumes tyroliens et bientôt la capitale prend des allures de grand village, un peu comme si avec le départ les juifs, l’esprit viennois et le rayonnement international de la ville s’en étaient allés.

Mais satire et dérision ne veulent pas nécessairement dire légèreté. L’humour n’enlève rien à la gravité des faits dénoncés et derrière la farce transparaît toute l’ignominie de l’idéologie nazie. On retrouve dans la bouche des dirigeants et des gens du peuple sa rhétorique assassine (la juiverie internationale, le complot maçonnique, la définition de ce qu’est un aryen de souche…) et, même s'il n'est pas question de solution finale, il est tout de même prévu de supprimer les juifs qui ne quitteraient pas le pays ou tenteraient d'y revenir.

Le roman de Bettauer se termine néanmoins par une happy-end et une vision de l’avenir plutôt optimiste. L’histoire lui donnera malheureusement tort. Trois ans plus tard il tombera sous les balles d’un nazi et les décennies suivantes verront les juifs d’Europe subir le sort que l’on sait.


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La ville sans Juifs

Cet ouvrage tout à fait prémonitoire est paru en Autriche au milieu des années vingt. Il fut traduit en français en 1929. L'action se situe dans une ville Etat germanique, une Vienne imaginaire. Devant la montée de la crise économique, le maire décide de déporter tous les Juifs de la ville rendus responsables par le peuple de tous les malheurs de la Cité. Un roman étonnant, à lire absolument.
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La ville sans Juifs

Incroyable et tristement juste prémonition d'Hugo Bettauer datant des années 20 sur un mouvement populaire (et démocratique) qui chasse les juifs de Vienne, en train, en les accusant de tous les maux... ou bien simple répétition historique, en plus d'être une prémonition... Il semble en tout cas que le brillant esprit qu'était Bettauer avait compris d'avance ce qui se passerait... sans toutefois être capable d'imaginer le pire puisque son récit se termine - bien - par un retour des juifs portés en triomphe... Amère lecture d'un texte somme toute plutôt drôle et original, bien que n'ayant manifestement pas été beaucoup retravaillé par l'auteur... Une originalité à découvrir...
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La ville sans Juifs

ce pamphlet me fait penser à une autre de mes lectures "un juif pour l'exemple" en moins noir et tragique car l'auteur a choisi la satyre et que le texte prémonitoire s'il en faut est antérieur aux faits qui se sont déroulés quelques années après son écriture.
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La ville sans Juifs

Vienne, début des années 20.



L'Autriche connaît une crise économique sans précédent, sa monnaie est fortement dévaluée. Comme toujours face à une telle situation, la colère populaire se cristallise sur un bouc émissaire : les pogroms se multiplient, les magasins tenus par des juifs sont pillés.



Le Dr Schwertfeger, ayant mené campagne avec comme principal argument son projet d'expulsion des juifs, est massivement élu au poste de chancelier. Dès son arrivée au parlement, il s'empresse de remplir sa promesse, et de bouter hors d'Autriche les soi-disant responsables de tous les maux du pays, ces individus dont la supériorité, l'intelligence, leur ont permis d'avoir la mainmise sur l'économie et la culture. Il en va de la survie du peuple autrichien, trop simple, trop naïf pour s'imposer face à cette engeance ambitieuse et rusée... Le nouveau gouvernement autrichien peut par ailleurs compter, pour mener à bien cette épuration ethnique, sur le soutien financier de riches mécènes américains ou européens.



Las ! L'euphorie qui fait suite au départ des juifs, dont on occupe les logements devenus vacants, dont on reprend les commerces florissants, cède bientôt la place à la morosité suscitée par un brusque regain de la crise économique et une inflation galopante.

Les viennois réalisent peu à peu que les juifs leur manquent : sans leur sens des affaires, sans leur pouvoir d'achat, le commerce périclite. Les ploucs autrichiens fiers d'arborer quotidiennement le costume traditionnel, radins, frustes, ont remplacé dans les parcs et les magasins ces juifs distingués et prospères qui faisaient de Vienne la capitale de l'élégance et un centre actif de la vie artistique et culturelle.



Avec ce roman écrit en 1922, Hugo Bettauer s'attache à fustiger les préjugés et à démontrer l'absurdité des théories nazies qui trouvent déjà des échos dans la société autrichienne.

Sous la forme d'une succession de tableaux évoquant des situations qui mettent en évidence ce que cette société aurait à perdre si elle chassait ses juifs, son texte, parce qu'il se fait démonstratif, voire caricatural, prend des allures de fable. Mais il s'agit, malgré sa dimension souvent cocasse, d'une fable cynique, féroce, qui pointe l'hypocrisie, la vénalité et la cruauté d'une certaine bourgeoisie viennoise. Ce qui est troublant, c'est que l'auteur utilise pour servir son propos les arguments même de ceux qu'il attaque : la dimension de son raisonnement n'est pas tant humaniste que pragmatique. Plutôt que de remettre en question la véracité des caractéristiques que leurs détracteurs attribuent aux juifs, il les reprend à son compte pour en faire des qualités précieuses au bon fonctionnement de la communauté...



Le succès, lors de sa parution, de "La ville sans juifs", attira à cet auteur déjà très controversé pour ses positions progressistes et provocatrices de nombreux ennemis. Aurait-il conclu son roman sur une note optimiste s'il avait su qu'il serait assassiné, en 1925, par un militant nazi, et s'il avait eu ne serait-ce qu'un aperçu de la barbarie que permettrait, quelques années plus tard, l'arrivée d'Adolphe Hitler au pouvoir ?
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La ville sans Juifs

A LIRE!!!! LA VILLE SANS JUIFS



Écrit en 1922 et sorti chez Belfond en octobre 2017. Lu en deux soirées.



Voici un livre visionnaire, écrit par un romancier et journaliste provocateur en 1922. Il s'agit de La Ville sans Juifs, une satire sur le sujet hautement actuel à l'époque de sa parution en 1922, l'antisémitisme. Il s'agit du roman le plus célèbre de Hugo Bettauer, qui sera assassiné par un militant nazi pour avoir écrit cette œuvre magistrale.



Dans ce récit, un politicien fictif ordonne l'expulsion de tous les Juifs de Vienne. Les citoyens de Vienne célèbrent tout d'abord l'expulsion des Juifs mais leur sentiment change quand les théâtres, les commerces, les banques et tout le système économique tombe en banqueroute. La presse, les hôtels et les stations de vacances souffrent financièrement. La vie culturelle et intellectuelle disparaît. Le déclin économique est si ample qu'un mouvement populaire se lève demandant le retour des Juifs.



Merveilleusement bien écrit, un style fluide, des mots simples pour des événements épouvantables et effrayant par son côté politique fiction devenu réalité, ce petit bijou mérite amplement sa place dans toute bibliothèque.
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La ville sans Juifs

Hugo Bettauer a signé avec « La ville sans juifs » une véritable anticipation politique de l’Autriche. Ecrit en 1922, le roman préfigure la situation que l’on connaît (un mouvement populaire prend le pouvoir et chasse les Juifs, source de tous les problèmes, de Vienne. (suite)
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