Citations de Hugo Pratt (368)
"Une petite histoire me vient à l'esprit, celle d'un homme qui emprisonne la Lune dans un seau d'eau dans lequel il se mire, et l'emporte avec lui ..."
BUTCH CASSIDY : Les grandes familles se fichent complètement que l'on sache qu'elles possèdent la Patagonie.
CORTO MALTESE : Les élections approchent. Des ouvriers, des paysans, des syndicalistes, des indiens, de nombreux anarchistes italiens et espagnols ont été massacrés, et toujours en Patagonie. Autrefois on payait des hors-la-loi américains pour ce genre d'opérations. Aujourd'hui ces mêmes hors-la-loi sont devenus propriétaires terriens eux aussi. Ils ont des enfants et des petits-enfants, et ils paient l'armée pour qu'elle défende leur patrimoine. Ce sont précisément de vieilles histoires à oublier quand leurs enfants font carrière dans le gouvernement.
BUTCH CASSIDY : Que t'arrive-t-il ? Tu es devenu moraliste ?
CORTO MALTESE : Oh, non... Mais ils ont tué une personne qui m'était chère.
(Une explosion de grenade.)
CORTO MALTESE : Dis, vieux... Ça va ?... Tu es blessé ?
LE DERVICHE : ... il y a bien des façons de mourir... ça, ç'en est une.
A cette école primaire, quand j’avais sept ans, il m’est arrivé un incident étrange. A la suite d’une insolation, j’ai perdu la mémoire. Je suis resté pendant six mois en état de choc, ne me souvenant plus que d’une grande lumière, puis je suis brusquement redevenu normal. Pendant toute cette période, on m’avait mis dans une section spéciale de mon école, réservée aux élèves déficients mentaux. Nous étions huit, et devions porter un uniforme noir, alors que les élèves normaux étaient habillés en blanc. Quand je me suis comme réveillé, on m’a redonné l’uniforme blanc, et les élèves considérés comme débiles m’ont demandé : « Mais qu’est-ce que tu fais là, habillé en blanc comme tous ces cons? » J’ai finalement préféré rester avec ces sept élèves, j’avais plus d’amitié pour eux que pour les autres. Je me demande si certains ne faisaient pas semblant d’être déficients mentaux, car on était moins exigeants pour les élèves de cette section.
Ce qui m’intrigue aussi, c’est que ces sept élèves s’en sont bien tirés plus tard. L’un d’eux vend des souvenirs aux touristes, place Saint-Marc, à Venise. A chaque fois qu'il me voit, il s’exclame : « Hugo, tu te rappelles quand nous étions dans notre école de débiles ? » Quand je me promène avec, par exemple, un éditeur, c’est une phrase qui fait sensation.
“Sans curiosité on meurt et sans courage on ne vit pas.”
- Je ne sais pas comment te répondre, Tristan... Mais tu oublies peut-être [que ta soeur] a grandi ici... Dans cette partie du monde si différente de ton Angleterre conservatrice, ordonnée et insipide, faite de thé et de haussements de sourcils...
TRISTAN : Ce sont les paroles mêmes de mon père, professeur Steiner. Il disait qu'aujourd'hui la science crée une nouvelle mythologie, que l'histoire de l'homme est plus mystérieuse que dans le passé.
CORTO : Incroyable ce que le passé me colle à la peau !
ESMERALDA : Hé... mais tu aimes ça !
CORTO : Tu crois ?
ESMERALDA : Ce n'est pas difficile de garder des liens romantiques avec le passé.
Si je devais définir mon activité, je dirais que je suis un écrivain qui dessine et un dessinateur qui écrit, même si le texte lui-même n’est constitué que du dialogue nécessaire… Dans ma tête, le texte et l’image vont toujours de pair. Le poète grec Alcée a dit à peu près ceci d’un coquillage : “fille de la pierre et de l’écume de mer, avec ta beauté tu influences l’esprit de l’enfant.” Tout est dit, on ne peut pas mieux raconter un coquillage. Pour moi, aujourd’hui, le graphisme part de la nécessité d’un trait pour aller à l’impératif de la parole. Ainsi naît la bande dessinée.
Non est un joli mot, mais il faut être le premier à le dire.
RASPOUTINE : Oui, je suis né en Russie, mais ma nationalité c'est l'argent, tout le reste est sans importance. Je me battrai pour toi... tant que tu me paieras.
O'MALLEY : Les intérêts de la Warsavia ne sont rien en comparaison de ceux de la C.I.A., de " Tierras Sudargentina " ou de la " Patagonia Sheep LTD " qui recoupent ceux des " Estancias Cilenas " puisque les propriétaires sont les mêmes : des Anglais. Les hors-la-loi américains furent engagés pour défendre les gros propriétaires fonciers anglo-américains contre le soulèvement des indigènes.
ESTEVEZ : Tu veux dire que Butch Cassidy et Sundance Kid étaient payés pour défendre les intérêts des compagnies anglaises ?
O'MALLEY : Exactement ! Mais en fin de compte les bandits yankees préférèrent marcher avec les bandits chiliens pour attaquer les banques...
"Les jeunes ont le devoir de se tromper ! Sinon quelle espèce de jeunes seraient-ils donc ?"
Ainsi, ceux qui disent que la bande dessinée est un genre intrinsèquement inférieur au roman jugent la bande dessinée en y appliquant les critères qui sont ceux du roman, et dans ce cas il est évident que l’on ne peut qu’arriver à la conclusion que la bande dessinée est une sous-littérature.Mais ces gens oublient – ou ne savent pas – que la bande dessinée a son propre code, et que c’est seulement en se situant à l'intérieur de ce code que l’on peut la juger. Certains pensent même que de toute façon la bande dessinée ne peut pas être un art. Là encore, c’est qu’ils la connaissent mal, qu’ils n’ont, par exemple, jamais lu le “Little Nemo in Slumberland” de Winsor McCay.
Ces réactions négatives viennent généralement de la culture de type universitaire. Elles n’ont rien de surprenant car la culture officielle est par nature conservatrice, et de tout temps elle s’est méfiée des nouveaux modes d’expression artistique. Au dix-huitième siècle, elle méprisait le roman, et il n’y a pas très longtemps qu’elle a compris que le cinéma n’est pas un sous-théâtre.
“Aider le blessé et le faible, c’est ce qui différencie l’homme de l’animal.”
LE BARON ROUGE : Il y a des nouvelles ?
REINHARD : Quelles nouvelles veux-tu qu'il y ait ?... toujours les mêmes dizaines de milliers de jeunes qui meurent pour rien, privant le monde de leur intelligence et de leur force...
CORTO MALTESE : Trois fois dans son dialogue avec la grenouille, Merlin l'Enchanteur répète des mots... Il dit deux fois Flandre, deux fois attaque, deux fois Américain... et puis c'est étrange... il oublie de bégayer jusqu'à la fin du spectacle. Ainsi il y a seulement trois mots doublés : Flandre, attaque et Américain... Un message très précis pour l'ennemi !
SORRENTINO : Il s'est sacrifié pour laisser s'enfuir cette femme.
CORTO MALTESE : Eh oui, il y a toujours un idiot... prêt à se sacrifier pour une femme...
CORTO MALTESE : L'amitié est incompatible avec la vérité. Seul le dialogue muet entre ennemis peut être fécond !
-L'amitié dure tant qu'on ne la brise pas.
-Quelle sagesse !! Comment fais-tu ?