Quand la conversation a commencé à s'éteindre, il a soupiré : "Ah, qu'est-ce que tu veux, on peut pas choisir sa vie." J'ai laissé passer deux ou trois secondes et j'ai dit, assez fort pour qu'il m'entende : "Certains le peuvent". Il s'est retourné vers moi et le rouge lui est monté aux joues, ses joues bien lisses et rasées de près. "Moi, dans les années 1970, on m'a pas laissé le choix, c'était partir ou me faire descendre. Tout le monde savait qui j'étais..." J'ai cru qu'il allait continuer, mais il s'est arrêté, laissant sa phrase en suspens, et moi aussi je me suis tue. J'ai gardé les yeux fixés par terre pour ne pas avoir à affronter le regard de maman et celui de mon frère. On n'a pas tardé à se dire au revoir et quand il est sorti, il a emporté avec lui la voix, la stature, les blagues, l'insouciance, la vie.