Puisque je veux absolument détruire un ou des chefs-d’œuvre, et non pas un chef-d’œuvre et quelques toiles insignifiantes d’une école X ou d’un atelier Y, alors deux solutions s’offrent à moi : ou bien il me faut prendre pour cible, le cycle – quoi qu’il n’y ait pas en peinture, ne nous leurrons pas, de nombreux cycles vraiment remarquables, dans bien des cas, un cycle ne comporte en fait de chefs-d’œuvre qu’un seul tableau sur trois, sur quatre, voire sur six, voire sur dix, en outre chacun d’eux se trouve accroché sur un continent différent, et même si le goût déplorable des conservateurs de musée faisait qu’ils soient tous accrochés ensemble, de toute façon je n’aspergerais des Visions de l’au-delà de Bosch que la Montée des bienheureux vers l’empyrée, du cycle de sainte Ursule de César de Mantegna je pourrais éventuellement détruire les Porteurs de vase, mais tous ces tableaux sont déjà tellement abimés que je n’aurais pas le cœur d’y porter la main, quant aux quatre Allégories de l’amour de Véronèse, reproduites d’ailleurs sur des planches distinctes dans l’album des Chefs-d’œuvre de la peinture italienne, pas une seule toile ne se prête à l’aspersion, pas une seule – il me reste encore la seconde solution qui consiste à trouver un salle dans laquelle l’espace entre un chef-d’œuvre et un autre est exactement celui que je serais capable de parcourir entre la première attaque et le moment où le gardien va m’immobiliser, ou l’un des visiteurs proches de moi, à vrai dire plutôt le gardien, car les visiteurs trouvent rarement en eux la fibre héroïque ;
Si vous avez eu le courage de lire jusqu’au bout, il faut savoir que pour atteindre la fin de la phrase, il faut encore autant de mots ! ….
Je trouvais cela bas et répugnant, comme s'il n'était allé là-bas que pour se repaître les yeux de sang, des excréments coulant des bas-ventres, de la puanteur des cadavres frais. Moi, en revanche, je choississais ce qui me paraissait agréable à l'oeil : les soldats, les notres ou les étrangers, en faction par deux ou par trois devant la porte d'une maison, leurs uniformes impeccables, leurs moustaches retroussées.