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Citations de Jacques-Émile Blanche (36)


La pensée ne prend sa valeur totale que sur le papier, écrite, quand, de vague, il lui faut devenir précise, ou s'évaporer en quelque sorte : épreuve la plus concluante à laquelle nous puissions soumettre notre cerveau.
L'acte de peindre, pour des êtres intelligents, est une épreuve analogue, et qui se mêle, comme pour le pianiste, à la satisfaction d'un exercice physique où le corps est engagé comme l'esprit. Elle "matérialise" la pensée, lui donne une forme que nos sens contrôlent. Elle grave dans la mémoire, le contour et la couleur des sites qui se déroulent devant nous, le volume des êtres et des choses.
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Il faut connaître ces coutumes invariables du peintre, heureux dans sa retraite, marié à une femme supérieure, elle-même peintre de mérite; il faut savoir sa fidélité à quelques principes et à quelques idées de jadis, pour s'expliquer son oeuvre, sans pareille à notre époque : les causes qui la restreignirent lui donnent une part de sa signification et de l'originalité.
Fantin, qui s'instruisit lui-même auprès des Maîtres, sans passer par l'Ecole, est un exemple parfait pour les jeunes hommes d'aujourd'hui. Tel artiste, plus hardi que lui et de plus d'invention, aurait peut-être fait un autre usage du cathéchisme appris au Louvre. Tout ce qu'il faut savoir, il le savait.
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Mais que vaut une affirmation en matière d'art ? Ce que vaut le critique.
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Cézanne fait son oeuvre comme l'on découpe du bois avec un tour, comme l'on met du vin en bouteille. Y a-t-il encore de ces hommes là ? L'âme d'un Cézanne serait-elle maintenant "viable" ?
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Les pastels de commande voulaient être plus flatteurs. De l'actrice Bob Walter, il est un grand portrait, dans un costume Pompadour, robe de taffetas gris tourterelle, d'un joli mouvement gracieux et affecté ; derrière elle, une colonne et une draperie conventionnelle qui cache un coin de ciel mauve. Portrait flatteur dans son intention, mais où l'ossature du visage et les minces lèvres pincées décelaient le peintre satiriste. Forain n'était rien moins qu'un courtisan. S'il avait déjà un faible pour les personnes titrées, les élégants et les fêtards dont il était l'ami, son oeil implacable, son esprit de gamin, né au coeur d'un quartier populeux, réservaient à ses compagnons de plaisir et à ses amphytrions un remerciement redoutable.
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Les amateurs ne se plaindront pas que le Salon d’Automne ait lieu et qu’avec fracas il prenne un caractère officiel, si contraire pourtant à l’esprit qui l’inspire. — Il s’y présente des groupements et des œuvres au dernier goût du jour, dont la diversité apparente, mais l’unanime prétention à la « nouveauté », offrent une belle image de la « Liberté dressée en face de l’Académisme », toute rayonnante, enfin victorieuse. Il était temps de rappeler d’un exil, où l’on cueillait, il est vrai, les lauriers mêlés avec les palmes du martyre, les parias d’hier, et de leur faire gravir les escaliers à tapis rouges, entre deux haies de gardes républicains en grande tenue et de plantes vertes.
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Je ne tenterai pas ici d'étudier le philosophe; quant au peintre, quelque style dont il ait cru ou voulu se rapprocher, — antiquité, moyen âge — il conserve sa manière propre et très moderne. Appelons le un post-raphaélite, Il marcha seul, à côté des pré-raphaélites, demeurant un isolé comme tous les grands créateurs. Si sa pensée plana sur des cimes d'où nous sommes exclus, il fut d'ailleurs un réaliste. A coté de sa fameuse « Espérance », les yeux bandés, accroupie sur le globe terrestre, et qui pince la dernière corde de sa harpe, vous verrez, du Watts réaliste, certain attelage de brasseur, un fardier, des chevaux fumants dans une rue de Londres, sous la conduite d'un gars aux vêtements de cuir, et qui font de loin penser à Gustave Courbet. L'harmonie bleu-turquoise de l'Espérance, tableau trop littéraire, et la peinture robuste des Fardiers, les rouges, les oranges de ce splendide morceau sont deux aspects d'un art presque trop riche et dont se méfient les apôtres de « l'art circonscrit ».
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Les répercussions que devait avoir l’impressionnisme sur la vision des hommes étaient inconcevables à son apparition, en 1875. La nature parut avoir changé d’aspect, lorsque exposa chez Nadar, il y a un demi-siècle de cela, la phalange des peintres impressionnistes. Parmi ses compagnons de lutte, dont trois au moins furent de bien plus grands artistes que lui, Claude Monet néanmoins a droit au titre de précurseur, de novateur; il initia ses coéquipiers à la division des tons qu'avait pressentie et essayée Delacroix.
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Il serait absurde de dire que l'on ne sache plus peindre; jamais il n'y eut autant de virtuoses du pinceau, jamais plus d'adresse, de goût, d'intelligence; jamais plus d'idées en mouvement ni autant d'ingéniosité; mais la conception que l'on s'est faite peu à peu de ce que doit être un bon tableau est à l'inverse de celle de Manet. Ressuscitant, il se fâcherait sans doute, ou croirait que l'on veut rire, quand nos peintres et nos critiques louent la maîtrise, tout au moins l'adresse de l'ouvrier, dans des ouvrages qu'il aurait décrétés plus que pauvres en technique, mais que l'on compare sans sourciller à ceux des maîtres d'autrefois.
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Grâce à la charité, — puisqu'on ose encore la faire, — nous avons parfois l'occasion de voir autre chose que des tableaux « impressionnistes ». Si les pauvres tirent moins de bénéfice d'une exposition que les tapissiers et les Compagnies d'assurances, du moins le public est-il admis à s'instruire en comparant.
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Quand je dis « peinture décorative », j'entends celle faisant partie intégrante de l'architecture, et non pas les toiles de Salon, qui sont des tableaux de chevalet agrandis, ni les ornements entrelacés d'arabesques dont l'humanité s'est plu, depuis l'antiquité la plus lointaine, à embellir ses temples et ses maisons. Le « tableau agrandi », comportant un sujet déterminé, représentant des hommes ou des dieux dans leurs occupations héroïques ou familières, et nous dominant d'une frise ou d'une coupole : voilà qui devient odieux, insupportable, dès-que cela n'est pas sublime ou exquis.
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Ce qui manque à la plupart des artistes modernes, c'est cette grandeur « fatale » et, si j'ose dire, congénitale, des « Créateurs ». J'avoue qu'il est très peu de peintres modernes et surtout vivants, que je considère comme des maîtres, quoique chacun de nous en soit un (cela va de soi), pour quelques amis, pour deux critiques, quelques marchands et le petit jeune gens de lettres, qui se moque en traitant de tel un aîné qu'il croit « arrivé », parce que le pauvre homme est « connu ».
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La « vraie grandeur », c'est précisément celle qui ne doit pas être «voulue», ni obtenue, par des théories, mais reste ignorée de ceux en qui elle réside.
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Intéressante époque de l'histoire artistique et littéraire de l'Angleterre : 1895. Le long règne de la pieuse et sévère Victoria, impératrice des Indes, décline. Burne-Jonès vient d'être créé baronnet; Whistler commence à faire école, après ses batailles livrées à la Grosvenor Gallery, où les snobs se pâment de confiance devant toute oeuvre que refuse la Royal Academy, et recueillie par Comyns Carr. Oscar Wilde, triomphant, se promène dans Piccadilly, un grand tournesol à la main.
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Il fut peut-être sage de ne traduire pas plus tôt l'oeuvrette que voici. Avant que la gloire ne vînt à Aubrey Beardsley, il ne fallait pas offrir au grand public, et privée de ses grâces originales, l'esquisse qu'est Sous la Colline, et qui vaut par le style peut-être plus que par la pensée. Qu'est-ce que l'auteur a prétendu dire? Qu'il reste pour moi l'artiste étrange, l'intelligence merveilleuse, l'enfant prodige que j'eus la joie de connaître pendant deux ans et qui m'a tant ébloui que je craindrais de le diminuer à mes propres yeux, en me livrant à l'analyse de mon plaisir!
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Le Salon des Indépendants ouvrait ses portes toutes grandes, prêtant ses kilomètres de cimaise à ceux qui refusent la sanction d'un jury La critique, après avoir maudit le surcroît de besogne dû à un troisième salon annuel, se réservait pour celui qui parut le plus vivace : pour le plus jeune, le plus audacieux, le plus « avant-garde ». L'Allemagne envoya ses esthéticiens et ses marchands de tableaux découvrir les talents de l'avenir; la spéculation internationale s'organisa sur les marchés, les amateurs discutèrent ces nouvelles valeurs de bourse; une cote s'établissait entre Berlin et Paris pour la production française, dont la contrefaçon allait bientôt se répandre dans les quatre parties du monde.
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Depuis l'affaire Dreyfus, la critique d'art était devenue, en France, une branche de la sociologie, et comme en Allemagne, de la philosophie, de la science.
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Préface de 30 p. de Marcel Proust

Propos de peintre est une compilation des meilleurs portraits de peintres et autres figures intellectuelles du début du précédent siècle, écrits par Jacques-Émile Blanche, tels qu’ils furent publiés entre 1919 et 1928. La sélection des textes a été réalisée par Frédéric Mitterrand. L’exposition en 2012 à la Fondation Pierre Bergé a rappelé combien Jacques-Émile Blanche était un artiste incontournable de son époque.
Et à en croire Philippe Dagen du Monde : « Ce Blanche-là (écrivain) a compris son temps avec une justesse enviable. Certaines de ses analyses le placent à la hauteur de Valéry. »
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Dans une exposition d'ensemble, on est déconcerté par les techniques si différentes de ses débuts et de sa maturité correspondant à deux phases importante de sa vie. Avant 1860, Whistler, pour fuir l'autorité de ses parents, qui veulent faire de lui un ingénieur, quitte l'Amérique, vient à Paris quand l'école réaliste est dans son plein épanouissement, reçoit la bonne leçon, puis va se fixer à Londres au moment où le préraphaélitisme, avec Ruskin, échauffe tous les esprits. C'est ainsi qu'il prend part à ces deux mouvements de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, si considérables pour les deux pays, mais si opposés en leurs résultats; semblables à leur origine, comme toutes les rénovations artistiques, répondant à un besoin de sincérité, et comme une sorte d'effort vers l'interprétation plus fidèle de la nature. Ce souci de la nature, notons que tous les révolutionnaires du dix-neuvième siècle l'ont eu, David comme Manet, Holman Hint comme Courbet.
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Monet a cru faire lumineux. A sa suite, les peintres ont beaucoup trop sacrifié à la luminosité, Je ne sache rien, cependant, de moins intense que la lumière dans 80 p. 100 des toiles « tricotées » à la manière des premiers impressionnistes, ou pointillées. Avec ses moyens tout bêtes, avec ses terres, son blanc et son noir, Corot parvient aune autre intensité lumineuse. Pure question de technique et de « matière » ou « pâte )). Pour quiconque a manié la brosse, ce n’est pas un mystère, l’intensité de la lumière, l’éclat et la permanence d’un ton dépendent moins de ce ton, tel qu’on le presse du tube, que de la façon de l’étaler sur la toile. Monet, avec l’impeccable technique d’Edouard Manet, commença par réussir des morceaux puissants et lumineux.
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