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Citations de Jean-Baptiste Naudet (48)


La nuit, je sens souvent deux grands yeux noirs, écarquillés de terreur, qui me fixent. Un grand malaise me saisit et me réveille. Je suis dans un taxi dans le sud de la Serbie, à la frontière du Kosovo. Je veux rejoindre Pristina, la capitale du Kosovo, mais la route est coupée par des combats. Je pourrais faire un grand détour pour éviter de traverser la ligne de front. Mais c'est long et coûteux. Comme un vague cessez-le-feu est déclaré, je tente ma chance par la route directe. Pour éviter des infiltrations de combattants du Kosovo, les soldats de l'Otan obligent les chauffeurs de taxi à voyager avec un de leurs enfants. Notre chauffeur a dû prendre "en garantie" sa fille. Elle a sept ans et de grands yeux noirs. Nous roulons doucement dans des collines boisées. Dans la voiture, le silence s'épaissit. Rafale. Au détour d'un virage, on se fait soudain allumer à l'arme automatique. La bagnole prend quelques bastos. Le chauffeur fait demi-tour, le plus vite possible. Sa petite fille ne crie pas. Elle me fixe en silence de ses grands yeux noirs terrorisés. Je dois faire le très long et coûteux détour. Quand je rentre à Paris, le journal se plaint de ma note élevée de taxi. La nuit, les grands yeux noirs me poursuivent. Pardon.
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Jugé "bon pour le service", il a reçu sa convocation il y a plus de cinq mois maintenant. Il s'est retrouvé sous les drapeaux, départ pour l'AFN, l'Afrique française du Nord. Même si, officiellement, il effectue un service ordinaire, un détail macabre dit que c'est bien la guerre. On lui a donné une plaque d'identité militaire en métal, avec son nom, son groupe sanguin, qu'il porte sur une chaîne autour du cou. Une "plaque à vache" à découper selon le pointillé en cas de décès. Une moitié finira clouée sur le cercueil drapé de tricolore.". C'est ce qu'on appelle aussi la "plaque à viande".
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Fontainebleau

Ces temps ont connu et connaissent encore de si horribles, de si gigantesques massacres qu'il est presque inconvenant de vouloir sauver de l'oubli la jeune vie perdue d'un ami allé en Algérie dans une injuste guerre. Et pourtant, des lignes que sa fiancée et lui s'écrivirent surgit une tentative pour devenir homme dans un monde inhumain.
Que ces efforts donnent à penser à ceux qui, jeune comme eux, voudraient s'interroger, avant qu'il ne soit trop tard, sur la politique.
L'histoire de celle qui les as tués n'est pas encore écrite : elle est celle de la cupidité et de la lâcheté.
Cupidité qui s'habille toujours des oripeaux de la Civilisation. Lâcheté de nous tous qui évitons au jour le jour d'essayer de savoir et de comprendre, pour à temps protester et, si besoin est, résister.
Car, à se fermer les yeux, il arrive que soi-même ou, pis, ceux que l'on aime doivent le payer de larmes de sang.

Gilles Naudet

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Ils vont tenter de laminer, et pour de bon, le FLN et son bras armé, L'ALN, dans son refuge kabyle. Mais la violence aveugle fait des succès militaires français des victoires à la Pyrrhus. Ratissages et bouclages, ordres et contrordres sont les deux mamelles de l'armée française en Algérie. Les vexations, les exactions qui les accompagnent sont devenues le carburant de la rébellion. Ceux qui commettent des atrocités sont une minorité, qui ne se distingue pas par son courage au combat, mais qui a carte blanche. Dans cette sale guerre, seuls les plus cruels, les plus féroces, les plus impitoyables semblent triompher dans les deux camps. La guerre comme degré zéro de la politique, la guerre comme une maladie contagieuse, comme triomphe de l'ensauvagement.
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Œil pour œil, dent pour dent….
Comme l'a écrit Albert Camus déjà en 1956, "chacun s'autorise du crime de l'autre pour aller plus avant". Mais personne, en fait, ne se souvient vraiment qui, des soldats français ou des fells, a commencé les exactions. Cela n'a plus d'importance. C'est à la guerre comme à la guerre, terreur contre terreur. Il n'y a plus de règles, sauf la loi du Talion, la loi du sang et de la survie à tout prix.
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Après le coup de chevrotine, des hommes ont perdu les pédales. Toujours les mêmes. Ceux que cette guerre des nerfs a rendu fous, ceux qui ne disent même pas les fells, mais les "crouilles", les "melons", les "bougnoules". Ceux qui sont aveuglés par la peur et par la haine. Robert sait qu'il est impossible de les arrêter. Ils lui tireraient dessus. Ils l'ont déjà fait. La hiérarchie met alors les dégâts sur le dos des fells. Ces cinglés sont "couverts". Alors ils commencent une sanglante vendetta….
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Dans cette ambiance "virile", dans ce joli bourbier, personne n'ose le dire mais tous ont la trouille d'y passer. Les horreurs laissent dans leurs têtes des blessures invisibles. Parfois ceux qui ne sont pas tués au combat se suppriment, se tirent un bastos dans le plafond. Tous ne se suicident pas mais beaucoup sont traumatisés. Ils traîneront toute leur vie de terribles séquelles psychologiques. Cauchemars, violences, crimes, alcoolismes, dépressions, etc. Des zombies. Dès le premier accrochage, leurs nerfs commencent à lâcher.
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Je dois le reconnaître : j'aurais préféré qu'elle meure. Je n'ai pas souhaité seulement sa mort, mais pire, je l'avoue : j'ai eu envie de la tuer. Afin de la délivrer et de nous délivrer de cette décadence qu'elle s'inflige, qu'elle nous inflige. Oui, voilà mon péché suprême : j'ai voulu tuer ma mère. Et si je ne l'ai pas fait, ce n'est pas scrupules moraux mais seulement par lâcheté. J'ai voulu la tuer. Mais je voulais la tuer par amour. Un meurtre prémédité, comme une délivrance. Je ne sais pas si l'on me comprendra. Je m'en fous. Car ma mère savait que je l'aimais. Je sais qu'elle m'aurait pardonné. Ce n'est pas elle que j'aurais tuée. C'est l'ombre délabrée d'elle même, elle dont l'âme avait été assassinée il y a longtemps, un jour de 1960, dans le djebel, par cette sale guerre d'Algérie.
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La guerre, ce n'est pas seulement la "drogue du combat", cette addiction aux sensations fortes, cette soif d'action qui l'emporte sur la peur, ce concours idiot de machisme. C'est surtout une irremplaçable intensité des rapports humains, portés à leur incandescence. Dans la vie ordinaire, vous pouvez passez votre existence entière avec quelqu'un sans savoir ce qu'il vaut vraiment. Dans la guerre, quand vous rencontrez quelqu'un, vous le savez très vite. Vous comprenez immédiatement s'il peut vous tuer, se sauver en cas de danger ou bien sacrifier sa vie pour vous. La guerre, c'est la vérité de l'homme mise à nu, dans toute son horreur, sa bassesse, toute sa grandeur, sa beauté.
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Dans les montagnes sublimes de l'immense chaîne de l'Atlas rôdent des vautours, des chacals et l'odeur perverse de la mort. Seule la poésie, Baudelaire surtout, fait oublier à Robert la laideur de la guerre. "Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants. (…) Et d'autres, corrompus, riches et triomphants." Lui sent la sueur, la fatigue et le tabac froid. Il sent la peur aussi, une peur qui s'immisce dans ses entrailles, qui ne les lâche pas, qui les mord. Il grelotte. "L'Algérie est un pays chaud où il fait froid." C'est un vieil adage de géographe.
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Il a une lueur maléfique dans le regard. Il sait que la guerre, avec sa corruption des esprits, sa dégradation des valeurs, l'a fait redevenir un être bestial, mû par le seul instinct se survie. il est devenu un viandard, une machine à tuer, un chien sans âme. Il s'est transformé en une bête malfaisante. Sa vie, c'est de donner la mort. Il est devenu imperméable à la pitié.
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S'ils se trouvent un maximum d'occupations, c'est pour ne pas trop penser. Ne pas penser à ce qu'ils ont fait. Ne pas penser à ce qu'ils pourraient faire de pire encore, même si l'abject est atteint depuis longtemps. Ne pas penser non plus à ce qui peut leur arriver, à une mort qu'ils redoutent, à la sale blessure, dans le bas ventre. Sur le pied de guerre, Robert et ses hommes montent au contact les nerfs à vif, les pieds en compote et le moral dans les chaussettes. Ils en ont assez de marcher pour rien pendant des heures, de se faire allumer par des fantômes, de ne jamais "bouffer du fell".
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Jean-Baptiste Naudet
Reporter de guerre : « Souvent défoncé à l'alcool, parfois à l'héroïne, un reporter de guerre, c'est souvent un homme amical, avec du cran, une classe discrète, une certaine morgue face au danger. C'est un chevalier ». (P175)
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Robert, 10 avril 1960 , Kabylie

"Alors je prend ma solution de facilité et je me bats, d'autant plus qu'ici, cela passe vite pour être bien, héroïque. Alors je hais les héros. Et j'apprécie hautement l'homme simple et normal qui va jusqu'au bout de sa mission d'homme, pour le meilleur et pour le pire."
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C'est juste que dans la guerre il n'y a pas d'innocents. La guerre tue toute innocence. Le suicide, les balles, les obus, la drogue, l'alcool sont en train d'assassiner beaucoup de mes camarades reporters.
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Tu me manques, je n'ai pas la nostalgie de toi, j'en suis infirme. (P242)
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La guerre, c'est la vérité de l'homme mise à nu, dans toute son horreur, toute sa bassesse, toute sa grandeur, toute sa beauté. p. 173
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Elle me fait comprendre que les internés sont des victimes, que leurs bourreaux, les violeurs, les licencieurs, les exploiteurs sont en liberté.
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Le chaos règne, comme toujours. La guerre, c'est avant tout cela : quelque chose d'absurde, de mortel et de confus. C'est du Stendhal, Fabrice del Dongo à Waterloo. Un champ de bataille brumeux où personne ne sait à quel endroit il est, ni vers quoi il se dirige. Alors, dans cette anarchie glaciale, place à la mort, froide et invisible, qui renverse en un instant.
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Reporter de guerre : « La guerre me manque terriblement. La vie est fade. Si ce qui tue l'homme, c'est l'ennui, la guerre vous tue parfois mais vous ennuie rarement. La guerre, je la sens toujours en moi, absente et douloureuse comme le membre fantôme d'un amputé. » (P171)
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