Citations de Jean-Claude Ameisen (116)
Toutes les cultures humaines pratiquent l'art de la musique. Mais avons-nous inventé la musique ? Ou n'avons-nous fait que développer d'infinies variations sur les chants de la nature qui nous entourent ? Jusqu'à finir par croire que cette musique de la nature n'est qu'un pâle écho de celle que nous produisons ? p202
De manière remarquable, l'augmentation de la longévité causée par les modifications de certains gènes ou de l'environnement ne se traduit pas par une augmentation de la durée de la vieillesse mais par une prolongation de la durée de la jeunesse et de la fécondité. (p. 51)
Plus de quatre-vingt-dix-neuf pour cent des espèces apparues depuis quatre milliards d'années se sont probablement à jamais éteintes. Le monde chatoyant qui nous entoure est un monde de rescapés. La longue course du vivant à travers le temps a été une traversée sur la mer houleuse de la contingence. Si cette histoire s'était répétée plusieurs fois, elle se serait sans doute déroulée de plusieurs manières différentes. L'histoire du vivant est une succession, imprévisible, d'accidents étranges, terribles ou merveilleux.
"Le poème, la culture, sont faits pour sauver le corps."
Dans les 'paysages de sons, dit Krause, il y a les sonorités de la nature non vivante. Il leur a donné le nom de 'géophonie' - les sonorités de la Terre. Ce sont les sons du vent, de la pluie, des rivières, des torrents, des cascades, des avalanches, des tremblements de terre.
Il y a les sonorités du monde vivant.
Il leur a donné le nom de 'biophonie'. Ce sont les voix des animaux terrestres, des animaux qui volent à travers le ciel et de ceux qui vivent dans les mers.
Depuis trente-cinq ans, il a enregistré ces paysages sonores dans plus de quinze-mille sites naturels, dont près de la moitié, dit-il, ont aujourd'hui disparu - sont aujourd'hui devenus muets.
Et il y a les sonorités d'origine humaine.
Il leur a donné le nom 'd'anthropophonie'. Ce sont les voix humaines, les sons des instruments et le vacarme produit nos innombrables machines.
Ces bruits d'origine humaine, dit-il, envahissent de plus en plus le monde, se surimposant aux chants de la terre et du vivant.
Parfois aussi, la quête sans fin se déplace de la mer vers le ciel. Et les baleines semblent quitter l'écume des vagues et nager au milieu de la voie lactée. (P228)
"Nous commençons maintenant à percevoir le mélange étrange de sophistication et de brutalité qui règne à l'intérieur de l'embryon. L'embryon est un univers en expansion, un univers à la fois merveilleux et inquiétant, qui grandit, se sculpte, se construit et se dévore".
Apprendre, innover, transmettre.
Répondre à la nouveauté, et la faire sienne.
Et vibrer au rythme des émotions qu'impriment en nous ces expériences nouvelles.
C'est l'un des thèmes majeurs de Borges, qui court dans toute son oeuvre : l'idée que la part essentielle de tout récit n'est pas dans ce qu'il décrit, mais dans ce qu'il évoque, et qui ne peut être dit.
Pour Borges, le sens du récit est toujours à trouver ailleurs que dans le récit.
Dans un voyage, à l'aide des mots, par-delà les mots.
Vers les territoires de l'émotion, de l'intuition.
Là où nous tentons de déchiffrer une parole qui précède la parole humaine, une écriture qui précède l'écriture humaine.
Voyez comme la nature est un livre ouvert, dit Goethe, incompris, mais compréhensible.
Lire, dit Alberto Manguel, l'ami de Borges, c'est beaucoup plus que lire l'écriture.
Au début de l'année 2012, une étude révélait la présence de plumes irisées sur un fossile découvert dans la région de Lamadong, au nord-est de la Chine.
C'est le fossile d'un petit dinosaure ailé, qui vivait il y a environ cent vingt millions d'années, un microraptor, de la taille d'un corbeau, dont le corps, les ailes, la longue queue osseuse et les pattes étaient recouverts d'un plumage bleu-noir brillant et irisé.
Le merveilleux pouvoir de séduction des oiseaux tire son origine d'un temps qui précède la naissance des oiseaux.
Mais ces études nous rappellent que ce n'est pas parce que nous ne comprenons pas le langage des oiseaux que cela signifie qu'ils n'en ont pas, ou qu'il est qu'il est radicalement différent du nôtre.
Le sommeil, de même que la conscience et la mémoire, est un phénomène mystérieux.
Depuis environ sept milliards d'années, l'expansion de l'Univers n'a cessé de s'accélérer. Et si l'expansion de l'Univers s'accélère, les galaxies et leurs étoiles, les sources de lumière et de chaleur dans l'Univers, s'éloignent de plus en plus les unes des autres.
L'Univers entier se refroidit de plus en plus.
Et pour cette raison, il finira probablement dans la glace.
L'empathie est la forme originelle, pré-linguistique, du lien interindividuel, qui n'est entré que secondairement sous l'influence du Langage et de la culture.
En 2008, Christopher Clarke, un chercheur de l'université Yale, publie avec des collègues les résultats d'une étude montrant que ces "chants" de colibris sont produits par les vibrations de certaines des plumes de leur queue lorsqu'ils la déploient et la referment pendant leur plongeon en piqué. Et lorsque les chercheurs ont retiré quelques-unes des plumes des colibris d'Anna, leur "chant" de séduction a été aboli - leurs acrobaties aériennes sont devenues silencieuses.
Les constructions secrètes de la science sont sources d'émotions.
Les véritables progrès, au sens humain du terme, ce ne sont pas les avancés de la recherche, mais la façon dont elles sont utilisées, dans le respect des droits de chaque personne. Et en préservant notre planète, et un accès équitable à ses ressources.
La science efface l'ignorance d'hier et révèle l'ignorance d'aujourd'hui, dit le physicien David Gross. Mais il y a deux catégories très différentes d'ignorance. Il y a ce que nous savons que nous ne savons pas. Et il y a ce que nous ne savons pas que nous ne savons pas. Et c'est cette seconde forme d'ignorance qui est la plus riche de découvertes à venir. Ce qu'il y a de plus bouleversant, dans la recherche, c'est de découvrir soudain qu'il y avait des questions dont nous n'imaginions pas qu'elles nous manquaient.
Il ne s'agit pas de revivre : il s'agit de recommencer la vie dans son impulsion même, dans sa naissance, dans sa nouveauté.
Renaissance, aux yeux d'Alcuin et de Charlemagne, aux yeux de Pétrarque ou de Cusa, aux yeux d'Eckart ou de Bruno de Montaigne ou de Shakespeare, ne voulut jamais dire restauration des Anciens dans leur ancienneté mais renaissance de la naissance même [...]
Pascal Quignard, Rhétorique spéculative