C’est, enraciné au cœur de l’homme, un sentiment de propriété, mais d’une propriété perdue, car cette femme l’a trompé avant même sa naissance, avant même sa conception et le jour même, ou la nuit, de sa conception. Premier amour, première perte, manque à jamais : depuis il est méfiant. Il le devient encore davantage quand, père à son tour, il voit le couple mère-enfant dont il est exclu, même si c’est avec lui, le père, que cette mère a trahi cet enfant.
Les femmes sont mères, mais les hommes sont chefs, ou sous-chefs ; ils sont hiérarchisés, elles sont soumises. Le langage courant hésite entre « le beau sexe » et« le sexe faible » ;ou on parle de « cul », et alors tout le monde sait de quoi… il retourne ; de dos, la différence est moins insolente.
Les hommes sont persuadés que les femmes, quand elles regardent les hommes, sont persuadées qu’il leur manque à elles quelque chose, à savoir ce pénis qu’elles n’ont pas, dont les hommes sont pourvus et que, elles, les femmes, leur envient au point de vouloir à tout prix, si ce n’est le leur prendre, mais à tout le moins en avoir un aussi. Ils ont peur, on les comprend.
L’amour courtois, le climat romantique : la femme est tellement idéalisée que l’homme n’ose même pas la toucher. Quand elle est vécue comme dangereuse, on la tient à distance de la vie sociale et de la vie privée, ou bien on ne la touche que pour l’asservir et la soumettre.
On n’oubliera pas que les femmes sont nos mères, et que nos mères sont des femmes. C’est bien là le drame de tous les enfants ; la mère est mère par rapport à son enfant, la femme est femme par rapport à l’homme, troisième personnage du triangle. On peut certes parfois projeter sur une femme des fantasmes terrifiants de mère archaïque ; cet argument serait toutefois par trop réducteur pour expliquer la peur que les hommes ont des femmes.
« La femme est une créature sauvage, aussi redoutable qu’un fauve. » Il faut donc bien la dompter, et autant que possible durablement, en contenant sa place, et surtout son corps et ses passions, dans la société des hommes.
Les hommes ont peur des femmes parce qu’ils ont peur de ne pas pouvoir les satisfaire (et qu’elles se vengent).
L’homme aime la femme, il est fier de la protéger ; la femme aime l’homme, elle est fière de le servir.
Les hommes ont peur des femmes parce qu’elles incarnent, pensent-ils, la sexualité animale, sauvage.
Les hommes ont peur des femmes parce qu’ils ne sont jamais parfaitement certains de leur paternité.