L'auteur Jean-François Leblanc a mis la main sur le Prix Léopold 2013 en France, avec son tout premier roman, La sentence de juillet. Pour écrire ce premier polar, l'auteur s'est laissé inspiré par le conflit étudiant, la corruption et le tristement célèbre Luka Rocco Magnotta.
Elle gisait là, cette pute, d'abord sous la lune et maintenant sous le soleil de juillet, au sommet du chantier de son destin, à pourrir comme une salope qui voulait tout prendre, toujours. Tuer la première femme de ma vie n'avait été qu'une simple formalité, aussi simple que de planter un clou dans le bois de mon existence. J'y pensais totalement nu dans la nuit éclairée d'un seul feu, bandé, debout, tout en hauteur, les pieds fixés sur les poutres juchées dans le ciel, le regard vif, le souffle fort, le coeur libéré de toutes mes peurs. Enfin, sous la férule de juillet, Catherine m'aimait, dans la rougeur du sang et de la mort.
Royer ne fermait plus les lumières chez lui ; il branchait invariablement de petites veilleuses dans chaque pièce de son appartement, de sorte q'une aube artificielle menaçait de se lever en permanence, comme une garde à l'affût des horreurs qui lui revenaient derrière les yeux à chaque instant de la nuit.
Le froid s'installait en raison de la pluie ; comme si l'hiver refusait de mourir une dernière fois en tentant de tuer le printemps.
Devant la bâche, il contempla les gouttelettes de pluie qui embrassaient le plastique industriel ; il n'avait jamais souhaité se retrouver devant pareille reprise de l'horreur.
Mais aujourd'hui, il était prêt ; sa vie restait vouée à traversée cette infamie.
Il se retourna vers Khoury.
- N'entre pas.
- Pourquoi ?
Le pluie dominait l'endroit ; elle n'était pas tendre.
- Tu veux des enfants ?
- Quoi ?
Royer regardait Khoury dans les yeux.
- J'ai dit : tu veux des enfants ?
- Je ne sais pas… J'imagine…
- Alors n'entre pas.
Et Royer leva la bâche et s'engouffra dans l'enfer.
La découverte des gamins embrochés derrière la grange abandonnée le tuait. Il se souvint de l'opacité du ciel grisâtre fixé un temps tandis que ses yeux pleins de larmes peinaient à se contenir, à se retenir de l'exposer. Cette image des cadavres bleuis par le froid de novembre et la saignée provoquée par la longue broche effilée, en fer rouillé, qui transperçait les 3 petits frères, l’un derrière l’autre, du rectum au bas des ventre et leurs yeux ouverts comme leurs bouches, dévoilant mille insectes dans un cri entendu seulement du meurtrier, l’aspirait chaque nuit dans une inquiétude coupante.
La poésie est un cœur qui existe à l’épicentre du monde.
Il lui arrivait de parler, tout bas, à cette vision fantomatique de son père qui ne lui répondait jamais, se contentant de se caresser la nuque à l’aide de cette paume au bout de laquelle des doigts jaunis par le tabac faisaient l’envie de Royer. Derrière ce chef de famille déchu, deux tables plus loin, Jean Royer distinguait le profil de sa mère décédée de cause naturelle, qui se refusait à venir à la même table qu’eux, frustrée de l’abandon inexcusable de son mari. Même dans la mort, la réconciliation restait impossible dans cette famille devenue, à force d’échecs, d’humiliations et de pauvreté, dysfonctionnelle. Jamais Marc, le frère de Royer, n’apparaissait dans ces soirées réservées aux morts de la famille. Il poursuivait pourtant une existence heureuse et tranquille en Abitibi-Témiscamingue, dans la ville de Val-d’Or, où il dirigeait une entreprise minière appartenant à une multinationale.
Le visage neutre, Royer regardait le tarmac de l'aéroport international de Val-d'Or : les avions, de petits jets de transports, baguenaudaient sur la piste, on aurait dit des frères eux aussi. Silencieux, les deux hommes tentaient de réapprendre leur compagnie mutuelle.
Hansel et Gretel dormaient au côté de Catherine Grégoire, chaque soir de sa vie passée.....
Plaçant son pied droit dans son talon haut rouge fonçé, Catherine regarda son profil qui, sous les airs uniques de Black to Black, détendu dans la réalité par l'inoubliable Amy Whinehouse, se fondait dans le miroir de sa chambre.....
Arrivé du ciel tel une comète infernale, le mégot achevait ses triples vrilles pour mieux assassiner, au sol, quelques insectes encore résolus à manger toute la chair animale disponible. L'homme regardait la cigarette s'éteindre au contact de sa pisse.
Ce polar croise trois trames: une description absolument extraordinaire de précision de ce qui se passe dans la tête d'un pervers que Royer traque, l'idée que les zones de non droit (bidonvilles de Caracas, réserves d'amérindiens) servent de bases opérationnelles à la mafia pour organiser le trafic de drogue, ce qui est vrai, que seul un flic borderline est assez fou pour s'attaquer frontalement à ces deux monstres ( la mafia et la perversion sexuelle).
En plus, LEBLANC, montre comment est constitué l'esprit du Québec : un mélange de christianisme dégoulinant et une volonté de non dit qui justifient les pires violences.
Je peux comprendre que cela choque Amaranth,car c'est choquant, le texte est choquant. Pourquoi ne pas le dire? En revanche sa critique n'est pas très honnête, elle tourne autour du pot pour tenter de décrédibiliser une oeuvre franchement nouvelle, originale, puissante. Pour une fois qu'un polar associe lyrisme, action, jazz et poésie.Moi je dis; Chapeau LEBLANC, vous portez bien votre illustre nom. Oui j'ai été choqué , mais au fond de cette fiction tout est vrai
( presque vrai). Comme le dit tout de même Amaranth (on dirait que ça lui échappe à la fin), il ouvre de nouveaux horizons