Citations de Jean-Luc Coudray (62)
Nous retiendrons que Zeus, en transformant Charybde en gouffre marin, eut plus d'imagination que tous les autres dieux. Car, dans la zoologie infernale des créatures monstrueuses, l'absence n'avait jamais été inventée. Le trou noir, avant d'être découvert par les astrophysiciens, fut donc créé de toutes pièces par le Dieu en chef, réduisant à l'inexistence tout ce qui l'approchait de trop près. Ulysse, en préférant affronter Scylla, choisit de rester dans la mythologie traditionnelle plutôt que de se confronter à un univers qu'il considéra, à juste titre, comme n'étant pas de son époque. (38)
[Le marlin et l'espadon], bien qu'animaux à sang froid, possèdent un dispositif pour chauffer leur cerveau et leurs yeux afin d'améliorer leur vision nocturne et doper leurs performances de chasseurs. Le thon et certains requins ont choisi, quant à eux, de chauffer plutôt leurs muscles pour nager plus vite. Alors que le marlin et l'espadon ont misé sur la pensée, le thon et le requin ont préféré investir sur la force brutale. (29)
Avouons que les monstres gentils sont plutôt rares. Or la baleine, plus grand animal vivant sur la Terre, est plus aimable qu'un moustique. (26)
Les êtres imaginaires ont l'avantage de l'immortalité. Le Père-Noël résiste à tout, du moins tant qu'il y a des enfants. (19)
Le despotisme de la Bête de l'Apocalypse se résumait en vérité à un monopole commercial. Contre la loi de Dieu, qui était celle de la gratuité, elle inventait la marque et le trust. Multinationale exclusive dominant la planète avant Jésus-Christ, elle marquait les citoyens comme des animaux domestiques, les intégrant à cette condition dans le marché unique. (14)
Les animaux marins conservent leur mystère dans la littérature. Ils se préservent autant de la science dans l'univers poétiques des livres que dans l'obscurité des fosses sous-marines. (5)
La planète Terre préfère les animaux marins. Elle leur consacre les trois quarts de sa surface et plus encore en volume. Et pour être certaine que les créatures terrestres n'en profitent pas, elle a salé l'eau de l'océan. Nous voilà donc confinés sur des continents insulaires entourés d'eau imbuvable. (5)
[Le Kraken est] un temps cité comme créature réelle dans la classification des organismes vivants de Linné, étrangement nommé Microcosmus malgré son gigantisme, pour ensuite disparaître des éditions ultérieures comme s'il avait replongé dans la mer. (21)
Les continents se réfèrent à des valeurs différentes : la pensée en Europe, la parole dans le monde Arabe, le geste en Inde, le signe en Chine et au Japon, le rythme en Afrique.
La situation :
Une employée de banque vous téléphone pour vous proposer des placements.
Chère Madame,
J'ai bien reçu votre appel téléphonique et vous en remercie. Ayant été obligé, pour protéger ma tranquillité, de raccrocher brutalement, je me permets de vous écrire afin de ne pas laisser notre entretien inachevé.
J'ai été ému par la misère du riche qui mendie. Je croyais que le porte à porte était réservé aux plus démunis. Mais je constate que les capitalistes occupent un terrain qui me semblait jusqu'ici l'apanage des pauvres : faire la manche.
J'évite de me vanter :
je serais capable de me croire.
C'est bien d'être petit, répond l'arbre, car quand on est petit tout est grand. Et quand on est grand, tout est petit.
LE PLAGIEUR PROFESSIONNEL
C'est un voleur. Il copie les autres. Et personne ne peut porter plainte. Car il sait ne prendre chez l'auteur que la partie sans originalité. [...]
Certains auteurs sont furieux. Parce qu'ils sont copiés entièrement. Ce sont les plus mauvais. Les génies trouvent chez le plagieur de pâles copies. Ils s'en enorgueillissent. Le jeu est d'arriver à faire une bande dessinée dont le plagiat légal sera une page blanche. Personne n'y est encore parvenu.
Ainsi le plagieur professionnel est le meilleur critique de la bande dessinée.
LE LECTEUR IDÉAL
Le lecteur idéal est indispensable au travail de l'auteur. Car le lecteur idéal comprend tout. Il ressent les finesses de l'oeuvre, ses nuances, ses non-dits. C'est son métier.
Pour mieux connaître le dessinateur, il a couché avec sa femme, sa mère et sa fille. Il a assisté à ses séances de psychanalyse. Il a promené son chien. Il a nettoyé son appartement. Il a lu tous ses livres.
Il a appris à dessiner comme le dessinateur, à parler comme lui, à penser comme lui. Il pourrait remplacer le dessinateur dans son travail. Il lui manque seulement le talent.
Et ainsi, le dessinateur est obligé d'avoir du talent, sinon le lecteur idéal, son clone, se confondrait avec lui.
Et c'est en ce sens que le lecteur idéal stimule l'auteur, le tire vers le haut, est indispensable à la qualité de son travail.
Le bruit fait espérer le silence.
Le silence fait espérer la musique.
La musique fait espérer.
On dit qu'écrire est valorisant ! Mais c'est faux ! Lire est beaucoup plus valorisant qu'écrire ! Car si je dis que je suis quelqu'un qui n'écrit pas... ça passe... Alors que si je dis que je ne lis pas... je passe pour un imbécile !...
- On dit que la forêt ne peut vivre sans l'homme.
- C'est vrai : elle ne peut vivre sans l'homme qui la protège de l'homme.
- Par quel moyen tu te révoltes contre l'injustice, la barbarie et la domination ?
- En souffrant.
Les gens se foutent qu'on les aime ! Ce qu'ils veulent c'est qu'on les préfère !
Je serais moins choqué de voir
des livres chez mon boucher
que de la viande chez mon libraire