Vidéo de Jean-Marc Berlière
Il y a incontestablement chez une bonne partie des historiens français de cette période une sorte d'interdit moral qui empêche de dire ou d'écrire que le gouvernement de Vichy, par son existence même et/ou son action, a pu contribuer d'une façon ou d'une autre, pour des raisons objectives parfaitement explicables (et qui n'impliquent aucune tentative de réhabilitation du régime du maréchal Pétain), à la survie des juifs face à l'entreprise criminelle des nazis, et notamment les juifs français. Pour ces historiens, les objectifs mémoriels doivent prendre le pas sur la simple vérité que nous livre l'histoire. De la part d'historiens professionnels, il s'agit évidemment d'une perversion de leur métier qui conduit inévitablement à un interdit de la pensée. La démarche historique repose sur un libre questionnement, mais il semble bien que pour certains historiens il y ait des questions que l'on a pas le droit de poser sur cette période de notre histoire.
Un postier résistant, un instituteur indifférent, un épicier collaborateur, l'ouvrier travaillant pour une usine travaillant pour les allemand n'ont pas autant eu autant de prise sur le destin de leurs contemporains. Toute action des policiers, même accompli avec répugnance, leur a fait alimenter la machine à broyer.
"Des fichiers hors du commun", tel était il y a deux ans le sujet d'une table ronde de l'association des archivistes français à laquelle étaient conviés historiens, juristes et défenseurs des droits de l'homme, et le titre ô combien évocateur des actes récemment publiés, Les Données personnelles, entre fichiers nominatifs et jungle Internet, dit à quel point le numérique et Internet sont au cœur des préoccupations de l’institution des Archive en échos aux très légitimes inquiétudes que les fichiers nominatifs suscitent chez les citoyens. L'encadrement juridique est de plus en plus dense, de nouveaux concepts prennent force comme le droit à l'oubli, mais la prise en compte des fichiers de toute nature par les services d'archives, leur conservation, leur classement et leur communication au public ne datent pas d'Internet. On peut même dire que cette typologie documentaire est une des spécificités de l'archivistique contemporaine, les processus multiples d'enregistrements, de recensements et d'identification des individus s'étant considérablement développés au XIXème et XXème siècles.
Le caractère éminemment volumineux de ces archives sérielles générées par des processus a très vite posé des problèmes majeurs et d'abord cette question fondamentale : que faut-il garder? Devant l'impossibilité matérielle de tout conserver, quelles sont les sources vraiment indispensables, aujourd'hui et demain, à l'histoire de cette modernité?
Pour les policiers de la République, l'heure des choix est arrivée.
Et ce n'est sans doute pas un hasard si l'arrivée à la Préfecture de police de l'ancien président de l'Association professionnelle des commissaires de police, un homme incontestablement plus "à gauche" que Lépine, fut assez nettement ressentie comme un changement salué par les policiers progressistes et les réformistes. Les chansonniers eux-mèmes saluèrent le "temps d'Hennion" qui valent mieux que "celui des gnons".