Il était rageant de ne pouvoir se venger sur le responsable d'un tel gâchis, de ne pouvoir frapper, mordre, s'acharner, brutaliser, cogner pour arriver enfin à respirer.
Elle régressait. J'assistais à la lente descente de mon Ange vers l'autisme, elle se refermait sur son ego comme une huître devant le danger.
La porte était fermée à clef, je n'avais donc pas reçu de visite. C'était donc moi le responsable de ce carnage.
La nuit, une autre personnalité agissait à mon insu dans cet univers. Contre qui m'étais-je battu ? Mon corps était investi d'un autre esprit qui agissait étrangement, il saccageait, démolissait, abîmait, détruisait le peu de choses qui m'appartenaient encore.
Je n'aimais pas cet autre moi-même.
Ce fou qui sommeillait en moi.
Je ne demandais rien.
Si, juste une chose.
Le droit de boire jusqu'à en mourir.
Je me devais de maîtriser la situation.
Que l'on me respecte et que ma démarche soit respectée.
Après tout, ils allaient assister à ma mort en direct !
L'oisiveté est la soeur du tournevis.
« Je me relis et les premières pages de ce roman me semblent effrayantes. Comment est-il possible d’écrire d’une manière aussi insane ? Aussi brutale ? Comment de telles bestialités peuvent-elles naître dans un esprit considéré comme sain ? Voilà ce que ne manqueront pas de penser ceux qui plongeront dans cette histoire. »
Ainsi commence le journal d’écriture de ces « Perdants », un texte où l’auteur évoque les états d’âme qui l’ont animé durant la rédaction du récit.
Il y a donc Robert, un prof de math dévoué et respecté, puis, il y a Monsieur Robert, le pédophile, l’obsédé, le violeur. Il suffit d’une migraine pour que le brave homme se transforme en monstre.
Dans cette étrange existence, Aïcha déboule du haut de ses 13 ans… Danger. Chacun des Robert commence à prendre conscience de l’existence de l’autre…
Il faut s’accrocher, aller jusqu’au bout… C’est alors qu’on comprend.
« Je remplis le verre d’un bon tiers, laissai la mousse retomber, écoutai les crépitements délicats provoqués par le rencontre du gaz carbonique avec l’air, observai, amoureux, la couleur noirâtre du nectar, l’humai, le portai à mes lèvres et en avalai deux gorgées. »
« Je voulais des graisses, des lipides, des sauces, des calories.
Crever de lipoabsorption.
M’empoisonner dans la béatitude.
Périr dans l’euphorie.
Rendre l’âme dans la jouissance.
Mon anéantissement serait festif ou ne serait point ! »
« Avant que le mot « fin » ne s’écrive en toute lettre sur le roman de mon itinéraire, ne manquait que l’épilogue que je rédigeais aujourd’hui, trempant ma plume dans la bière trappiste. »
Il n'en pouvait plus de vivre, il voulait se noyer dans la bière trappiste et en crever...