En 1969, quelques mois avant de s’éteindre, Alexandra curieuse de son passage à la postérité, questionne celle qui vient de passer dix ans à ses côtés, Marie-Madeleine Peyronnet, qu’elle surnomme « Tortue ».
« Tortue, quand je serai plus là, que diras-tu de moi ?
-Ah, Madame ! Vous pouvez être assurée que je dirai la vérité.
-Je sais bien que tu es trop stupide pour savoir mentir. Mais alors, qu’est-ce que tu diras ? réplique la centenaire.
- Vous tenez vraiment à le savoir ? Eh bien , je dirai encore qu’Alexandra David-Neel était un « océan » d’égoïsme et un « Himalaya » de despotisme ! (Page 224)
Après presque six mois sans écrire, Alexandra reprend la plume fin février 1924 « Je te dirais tout de suite que j’ai complètement réussi la promenade pour laquelle je partais quand je t’ai envoyé ma dernière lettre. Cette excursion aurait été considérée comme fort hardie pour un homme jeune et robuste. Qu’une femme de mon âge l’entreprit pouvait passer pour pure folie, néanmoins mon succès est complet, mais l’on m’offrirait un million pour recommencer l’aventure dans les mêmes conditions que je crois bien que je refuserais (...) Sache seulement aujourd’hui que je suis arrivée à Lhassa réduite à l’état de squelette. » (Page 182)
Nous avons fait un singulier mariage, nous nous sommes épousés plus par méchanceté que par tendresse. Ce fut une folie sans doute, mais elle est faite. La vraie sagesse serait d’organiser maintenant notre vie en conséquence, telle qu’elle peut convenir à des etres de notre tempérament. Tu n’es pas le compagnon que j’aurais rêvé, je ne suis encore moins, peut-être, la femme qu’il t’aurait fallu. Et quand nous gémirions sur cette constatation, la belle avance ! écrit Alexandra à Philippe, trois mois à’peine Après son mariage. (Page 86)
Elle a fair sienne une lutte précise, courageuse, qui incite à affronter tout ce qui est donné à vivre, sans souffrances no préférences, dans une forme d'indifférence positive et extrême. "Pour la vie" est le titre qu'elle souhaite donner à ce recueil de réflexions sur la recherches du "moi" et du bonheur dans le moment présent. Un guide de conduite qu'elle essaiera d'adopter tout au long de son existence.
J'ai toujours eu l'effroi des choses définitives. Il y en a qui ont peur de l'instable moi j'ai la crainte contraire. Je n'aime pas que demain ressemble à aujourd'hui et la route ne me semble captivante que si j'ignore le but où elle me conduit....
A vrai dire, j’ai le « mal du pays » pour un pays qui n’est pas le mien. (Page 154)
Mon ami, si tu savais la terreur que j'ai d'une existence comme celle de mes parents : deux statues qui sont restées plus de cinquante ans en face l'une de l'autre aussi étrangères maintenant que le premier jour de leur rencontre, toujours fermées l'une à l'autre, sans aucun lien d'esprit et de cœur.
Son autre livre de chevet est le Manuel d'Épictète. Ce penseur stoïcien ouvre les yeux de la jeune fille et offres des réponses à ses questionnements métaphysiques. Nul besoin de se battre pour changer le monde au vu de son impuissance dans ce domaine, il convient au contraire de concevoir et admettre la fatalité, de manière à agir au mieux sur le contrôle de son âme, seul partie libre de son corps. Bien plus que les livres scolaires, ces ouvrages prennent une large part au fondement et à la formation de son esprit libre.
Tout enfant, j'ai eu la curiosité des croyances religieuses. Je ne doutais pas qu'elles ne fussent d'une importance indiscutablement primordiale. Il me fallait les inventorier, en trouver le sens, en discuter en moi-même le bien-fondé.