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Biographie :

Professeur au Centre de Sociologie de l'Innovation
Mines ParisTech
Il étudie les conditions de production et de circulation des données dans des secteurs
d’activité variés.
Cofondateur de Scriptopolis un blog de recherche consacré à l’exploration des pratiques d’écriture.
www.scriptopolis.fr

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Citations et extraits (10) Ajouter une citation
Sorti le 27 mai dernier, cet album m’a été gentiment proposé par les éditions Soleil et j’ai été rapidement conquis par l’histoire et le dessin. Jérôme Denis et Alexandre Franc balaient un portrait large de la Franc-maçonnerie actuelle et nous prouve que le grand complot n’existe pas ou ce qui pourrait être pris pour un complot est juste un coup du sort … Ahlalala les muffins de Mehdi, l’un des ressorts comiques de la BD.

Nous suivons le parcours de Philippe, un trentenaire parisien qui souhaite être initié. Autour de lui, nous allons découvrir tous les autres personnages qui gravitent autour de sa personne. Son jumeau en Maçonnerie, les Officiers et les autres membres de son Atelier, les Maçons des autres obédiences et la relation avec le monde extérieur. Cet album est une comédie douce avec une légère pointe d’amertume et j’ai totalement adhéré lorsque j’ai lu les premières planches. Elles ne sont pas sans rappeler l’un ou l’autre souvenir, dont une situation quasi similaire. Philippe et son jumeau Cao Son vont faire connaissance malgré l’interdiction et se rendre compte que la Franc-maçonnerie n’est pas ce qu’elle paraît. Au fil de la lecture, on a la sensation que les situations ont été réellement vécues et de mon point de vue, je peux en retirer quelques similitudes.

Ne vous attendez pas à des révélations exceptionnelles car ce n’est pas le but. Il s’agit d’une aventure humaine et intérieure. Pour faire simple, on suit le parcours de Philippe mais également des Frères et de Sœurs de son Atelier, les petits conflits, l’organisation des Tenues, les relations entre une micro-obédience et une obédience nettement plus imposante dans le paysage maçonnique. Il s’agit de tranches de vie à des moments donnés où on montre que les Francs-maçons sont des hommes et des femmes ordinaires avec des problèmes que tout le monde peut rencontrer.
J’ai relevé pour vous quelques grands thèmes :

→ La relation entre les obédiences. Primo, il y a la relation entre la micro-obédience VS le mastodonte obédientiel. Secundo, ce qui se passe en province VS ce qui se passe dans une grande ville.

→ Le « recrutement ». Dans la Loge que nous suivons, nous avons des profils différents comme des enseignants, des ouvriers, des pensionnés, bref un panel assez large de la société. De l’autre côté, on soulève la question de l’élitisme en Maçonnerie et l’impression de voir membres issus de professions libérales et cooptés par la suite.

→ La perception sociale. « Je suis prêt à parier que type est franc-mac’ ! » On a tous entendu des petites phrases de ce genre dans des dîners, dans les transports en commun ou sur son lieu de travail. Il est question de savoir comment la Franc-maçonnerie est perçue en dehors de ses murs. Les auteurs se font même une joie de flinguer les unes de la presse. Puis, tout tombe dénue parce que le franc-mac’ en question, il est employé ou il est instit’ et non, un gros banquier ou un célèbre avocat pénaliste. L’une des petites phrases de cette BD que j’ai particulièrement aimé, est la suivante : « Le meilleur moyen de cacher une conspiration, c’est de s’en moquer au grand jour. C’est classique, les conspirateurs qui ridiculisent leur propre conspiration dans un livre, ou une BD par exemple ». Ce n’est pas sans rappeler un certain blog … Et ça marche aussi dans l’autre sens avec des gens qui ont statut social dit-élevé.

→ L’ascenseur social. Un peu dans l’idée des deux points précédents, nous avons une ou deux séquences sur le sujet. Certains pensent que la Maçonnerie peut servir d’ascenseur social. On affronte le développement de l’intellect, du spirituel et autres valeurs face à ceux qui se sont servis de la Maçonnerie pour s’élever socialement. On retrouve le parfait exemple avec ce politicien qui ne veut pas aider un projet éducatif car il a peur d’être compromis et d’avoir l’étiquette de Franc-maçon.

→ Quelques préjugés. On retrouve également quelques préjugés plus basiques. Il y a la question de la mixité et du regard mysogine de quelques frangins. On retrouve une petite pointe de racisme qui résonne fortement avec l’actualité. Être Franc-maçon ne garantit pas le fait d’être un gros con !

Ce que j’aime bien, c’est que l’album ne dévoile rien. On reste toujours autour du Temple, de l’organisation des Tenues et on ne voit jamais sauf à la toute fin, l’intérieur et quelques décors. Le reste, c’est subjectif car on est à la fois dans le quotidien profane et le quotidien maçonnique. Les deux se croisent et interagissent.

En matière de dessin, je ne connais pas du tout le travail d’Alexandre Franc. J’ai vu qu’il avait dessiné 2 albums interpellant sur les événements de Mai 68 et sur la condition des prisonniers irakiens à Guantánamo. Ce sont des sujets qui marquent les gens, qui ne laissent pas insensible. L’enchaînement des cases n’est pas monotone, malgré une impression d’un manque de mouvements Avec son coup de crayon minimaliste et une agréable mise en couleurs, il rend un sujet inaccessible, contesté et controversé, très attrayant. avec des personnages attachants et franchouillards.

En conclusion, un tout grand merci aux éditions Soleil pour cette très agréable BD où j’ai pris énormément de plaisir, où j’ai revu certaines scènes de mon vécu. J’aime ces ouvrages où on peut se transposer facilement. Grand Orient est une BD pleine de légèreté voire même « feel good ». Jérôme Denis et Alexandre Franc ont réussi le pari de montrer des aspects différents de la Franc-maçonnerie sans réellement dévoiler ses aspects. Si ce sont ses secrets et ses mystères qui vous intéressent, il existe une multitude de revues et d’ouvrages divers.

À mettre entre toutes les mains et à lire pendant les vacances !
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Nous l'avons affirmé à plusieurs reprises, notre objectif dans ce livre était aussi de faire compter la maintenance et celles et ceux qui la pratiquent. Faire compter la maintenance, c'est donner à voir sous un angle nouveau les manières dont les humains mobilisent des artefacts de toute sorte pour habiter le monde. C'est montrer que si ces objets perdurent, s'ils peuvent agir et participer à la texture des sociétés humaines, ce n'est pas uniquement parce qu'ils ont été conçus et fabriqués dans des conditions particulières, c'est aussi parce que des femmes et des hommes en prennent soin et ne cessent de les appréhender comme des choses en devenir. Or ces femmes et ces hommes sont laissés à l'arrière-plan des récits triomphants de l'innovation et du progrès technique, en particulier lorsque la maintenance est leur métier. C'est donc un geste de repeuplement que nous avons cherché à effectuer et que nous appelons à poursuivre (…). En complément de la mise en lumière du rôle crucial que tiennent des objets dans la constitution des sociétés humaines, cette « masse manquante » que les sciences sociales ont longtemps négligée, l'étude de la maintenance appelle à prendre en compte la multitude des personnes, petites mains ou expertes reconnues, qui leur assurent une existence et une certaine pérennité. Un « peuple des choses » très hétérogène qui travaille au quotidien à assurer la continuité de la trame sociomatérielle du monde.
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C'est le pari de ce livre : nous posons l'hypothèse que la maintenance elle-même a une portée politique. Dans de nombreuses situations, l'art de faire durer les choses participe en effet d'une forme de relation aux objets qui ne s'aligne pas avec ce qui est habituellement mis en avant, non seulement lorsque sont vantés les supposés bienfaits du « progrès technique », mais aussi lorsque sont critiquées les dérives matérialistes de la société de consommation. Maintenir, c'est souvent résister à l'obsolescence et rompre un temps le cycle du remplacement incessant. Mais c'est aussi troubler les principes d'une version de l'économie circulaire qui n'a d'yeux que pour la production, la consommation et le recyclage. Sur un autre plan, maintenir c'est également perturber les projections d'un futur souhaitable ou inquiétant, qui obnubile l'attention collective, parfois jusqu'à la paralysie. C'est agir dans la trame ordinaire du quotidien, ici et maintenant, sans arrimer les préoccupations à l'horizon aveuglant d'une crise insurmontable, toujours à venir.
C'est à la découverte de ces politiques de la maintenance, à peine esquissées ici, que nous voulons nous atteler, en nous rendant sensibles aux choses et à celles et ceux qui en prennent soin.
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L'enjeu n'est plus ici de comprendre ce qui sature l'attention d'une grande part des citoyennes et citoyens des pays riches, mais de réaliser ce qui lui est soustrait. Ce que l'on appelle communément la « société de consommation » repose sur une oblitération systématique de la fragilité matérielle des choses. Une négation de l'usure qui configure la négligence des consommatrices et des consommateurs en déléguant le souci de la fragilité à une petite frange de la population mise au service de la fiction de la solidité et de la pérennité des artefacts modernes.
(…) nous pouvons apprendre à observer cette frange de la population au travail et trouver dans l'attention qu'elle cultive des leviers permettant de s'extirper du régime moderne de la consommation des objets, inattentive aux choses.
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Prendre soin d'une chose, s'assurer qu'elle dure, revient toujours à sélectionner, parmi la multitude de traits qui la définissent, ceux auxquels on tient et dont on souhaite prolonger l'existence; ceux qui, précisément, vont faire que c'est bien la « même » chose qui dure. Dans ce mouvement, de nombreux aspects de la chose seront à l'inverse délaissés, ou tout simplement ignorés. Cette opération ontologique est généralement enfouie dans l'ordinaire de la maintenance. Elle relève de l'évidence qui caractérise le mode d'existence de nombreuses choses. Ce n'est qu'en mettant en regard des situations concrètes que l'on peut en mesurer l'importance et que l'on peut saisir l'épaisseur de ce que signifie l'expression « faire durer ».
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Plutôt que la nier ou la négliger, la maintenance prend l'usure des choses comme point de départ. Elle l'appréhende comme une condition commune, qui oblige les humains à imaginer différentes formes de diplomatie avec la matière. C'est en ce sens que la maintenance peut être vu comme un soin des choses.
(…)
La maintenance passe par un contact avec la matière au gré duquel, en mobilisant le regard, mais aussi le toucher, l'ouïe ou l'odorat, les personnes qui prennent soin des choses s'attachent à les laisser s'exprimer. Cette enquête incertaine, ouverte à l'imprévu, montre que la maintenance est aussi un art de faire connaissance avec les choses à même leur surface.
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Avec l'invention des produits jetables et le dénigrement systématique des pratiques domestiques d'entretien et de maintenance, la question de la durée de vie des objets s'est ainsi retrouvée très explicitement au cœur des innovations à la fois technologiques et marchandes qui ont caractérisé l'avènement de la « société de consommation ». Elle en a même été l'un des principaux moteurs, élément pivot de la configuration simultanée de l'offre et de la demande par les professions émergentes se spécialisant dans la mise en forme des marchés : les publicitaires et les experts de ce qui allait bientôt devenir le bien nommé marketing.
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Le meilleur moyen de cacher une conspiration, c'est de s'en moquer au grand jour. C'est classique, les conspirateurs qui ridiculisent leur propre conspiration dans un livre, ou une BD par exemple...
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Peut-être qu'en aimant, au moins un peu, les choses dont nous faisons l'usage, nous saurons nous rendre attentifs aux fragilités que le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui s'efforce de masquer. Cela passe par la mise en œuvre d'une relation matérielle intime, à l'affût des moindres aspérités et ouverte aux débordements.
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Prendre soin des choses, c'est être attaché à elles dans un double sens : à la fois tenir à elles et être tenu par elles. C'est « s'en faire » pour elles.
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