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Critiques de Jia Pingwa (4)
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Le village englouti

Le romancier chinois situe son histoire dans le village imaginaire de Renhou, dans la banlieue de la non moins imaginaire grande ville de Xijing…Imaginaires, mon oeil ! Enfin, disons que cette histoire, c'est celle de milliers de villages, et quartiers pauvres de villes chinoises, détruits et disparus en quelques mois sous le rouleau compresseur de la modernisation effrénée du pays.

Alors que la menace d'engloutissement commence à poindre, les habitants cherchent l'homme providentiel pour prendre les rênes de la bourgade. L'héroïne narratrice, la jeune femme Meimei, attachée à sa vie simple et à son village, prône l'élection comme maire de son vague parent Cheng Yi, revenu avec une greffe de main de femme d'un mystérieux périple de plusieurs mois au Tibet.

Une fois élu, il ne manque pas d'idées pour entraver les velléités des promoteurs immobiliers, soutenus par la municipalité de Xijing qui étend sa trame urbaine aux villages voisins. Dynamique et quelque peu autoritaire, il veut lui-même moderniser, n'hésitant pas lui-même à faire transformer le bâti pour jouer la carte touristique et commerciale (ouverture d'une pharmacie-herboristerie traditionnelle) pour arriver à peser face à Xijing. Dans une ambiance parfois chaotique, il tente de résister, soutenu par Meimei, femme de caractère devenue son adjointe et patronne heureuse de la pharmacie, même si elle ne le comprend pas toujours. C'est que ces villageois ne sont pas faciles à gouverner, souvent querelleurs, commères, jaloux ou intéressés, certains succomberaient volontiers aux sirènes de l'argent. Alors que la situation politico-financiere du village reste précaire, Cheng-Yi disparaît à nouveau pour aller trouver l'argent qui pourrait peut-être encore sauver le village. Quitte à prendre des risques insensés. le prix à payer risque d'être terrible, pour de très minces chances d'échapper aux bulldozers...



Ce livre, à l'instar de nombreux écrivains chinois « provinciaux » (par opposition à Pékin ou Shanghaï), que j'ai pu lire et chroniquer ces derniers mois, offre le même type de caractéristiques : la sensation d'un rythme endiablé du fait d'une très large place laissée à des dialogues pour le moins truculents. On s'amuse indéniablement. L'humour n'est pas toujours très fin, mais le style simple et direct fait mouche pour entretenir l'intérêt. Et puis dans ce roman comme dans ceux du même type, on en apprend beaucoup sur le pays, dans ses transformations profondes intervenues dans les années 1990-2000. Le phénomène de disparition des villages, et de pans énormes du patrimoine bâti parfois précieux de l'ancienne Chine (c'est bien triste), la corruption, la migration des paysans vers les villes, main d'oeuvre vivant souvent dans des conditions difficiles, mais aussi d'une manière plus souriante, et qui m'étonne à chaque fois, des femmes à la langue bien pendue qui ne se laissent pas faire, portant parfois la culotte dans le ménage ! Et puis une simplicité des rapports humains, ça plaisante pas mal, ça s'engueule énormément entre habitants, la communauté est vivante et fort sympathique, car les personnages sont typés (Meize l'amie d'enfance de Meimei, jolie et moderne bimbo, le vieux guérisseur Yunlin et ses potions, et même le chien Abing qui ne cesse de bander...). Tout se passe comme si à l'échelle municipale, la démocratie existait, car ça échange beaucoup ! Bon les représentants du pouvoir ne sont jamais loin pour remettre le maire dans le droit chemin s'il s'écarte trop de la voie officielle, mais cette vitalité est tout de même frappante.



Le récit de Jia Pingwa est plus ficelé, moins décousu et foutraque que certains autres parfois très fougueux mais quelque peu déstructurés. Un bon livre, qui se lit avec plaisir pour mieux appréhender l'essence du caractère chinois, ainsi que les enjeux et tensions générées par les mutations accélérées à l'oeuvre dans la société.



Pour illustrer ce type de situation, à l'échelle de la destruction d'un vieux quartier délabré de Chongqing (pour info ou mémoire, cette ville du centre de la Chine est la plus étendue du monde et affiche 35 millions d'âmes), je vous recommande chaudement le documentaire «Dernier jours à Shibati ». Ce remarquable film d'une heure, du français Hendrick Dusollier, bijou de grâce et d'émotion (dixit Télérama), témoigne avec éloquence des transformations violentes par leur rapidité et leur radicalité, mais aussi de la grande simplicité, de la gentillesse et de la dignité de ces oubliés de la croissance. Pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui, tous les jours et partout en Chine.

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L'art perdu des fours anciens

Tout commence par la vie difficile des paysans chinois des années soixante dans une région ingrate pas encore sortie des temps anciens, où superstitions, confucianisme et communisme cohabitent sans trop de heurts.

A Gulu les hommes vivent comme il y a des siècles, les traditions les guident et le Tao est plus présent que Mao, la seule richesse sont les fours à céramique et le savoir faire transmis de génération en génération.



Le personnage central est Pissechien un enfant qui ne grandit pas (on pense évidemment à Oscar du Tambour), son mauvais statut social : son grand père était officier du Kuomintang le met, ainsi que sa grand mère avec laquelle il vit, au ban de la société collectiviste. Son isolement et ses humiliations lui font développer une extrême sensibilité à son environnement le dotant d'une compréhension magique de la nature et des animaux. Méprisé et insignifiant il est toutefois l'âme du village et le parfait observateur du drame à venir



Jia Pingwa prend son temps, s'attarde sur la rude vie des paysans où la quête de nourriture est permanente, où la solidarité est vitale même si les inimitiés et rivalités sont fortes, il raconte les mille et un évènements d'un village avec une vitalité et un humour qui rappellent Mo Yan.



Mais tout va changer quand insidieusement les luttes de pouvoir à la tête de l'état vont gagner les campagnes, Mao pour garder le pouvoir va lancer ses gardes rouges pour chasser les contre révolutionnaires, du jour au lendemain les cadres du parti sont destitués et humiliés, la surenchère révolutionnaire s'installe. Même à Gulu il faut être plus rouge que rouge, les factions s'organisent et la belle unité du village va se fissurer et Pissechien assistera impuissant à la violence, la barbarie et à la destruction des fours



C'est avec nostalgie que l'on quitte Gulu et ses habitants, après une immersion de 1200 pages dans ce village paysan qui sera passé de sa misérable tranquillité à la fureur de la Révolution culturelle.

Bien sûr Gulu est la métaphore d'une Chine disparue : celle des villages où l'on croit aux esprits, où l'on se soigne avec des herbes, où le respect des anciens est le socle de la famille et où l'art des fours à céramique n'était pas perdu.
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La capitale déchue

Être un écrivain célèbre en Chine semble bien agréable : les autorités vous caressent, les hommes vous saluent bien bas et les femmes vous font les yeux doux. Le sort de Zhuang Zhidie parait bien enviable, hélas par faiblesse, ne maitrisant pas son goût pour les femmes et englué dans la corruption de la société chinoise il va sombrer et tout perdre, femmes, réputation et statut. Il sera déchu comme l’est sa ville de Xijing (Xian) qui fut la capitale médiévale de la Chine.

Après un début mystérieusement poétique, le pavé de Jia Pingwa tourne au vaudeville, l’honorable professeur Zhuang cède à tous les appels du sexe opposé ce qui nous vaut des scènes assez chaudes que l’auteur auto-censure avec humour. Comme on est toujours puni par où l’on a péché, un article de journal biographique citant un de ses amours de jeunesse va entrainer un procès de la belle délaissée qui aura des conséquences catastrophiques.

Trop sûr de lui et d’un caractère faible Zhuang va laisser sa vie privée et son procès lui échapper, sa femme va découvrir ses maîtresses et il ne va pas graisser les bonnes pattes pour sauver sa réputation.

Neuf cents pages pour décrire la chute d’un écrivain gagné par la débauche cela peut sembler beaucoup, mais la force de Jin Pingwa est dans l’immersion du lecteur dans l’univers de ses nombreux personnages. Sur la durée et avec le grand sens du dialogue et des situations de l’auteur on vit vraiment avec eux.

De plus l’humour est omniprésent en particulier avec les répliques de la servante Liu Yue qu’on croirait sortie d’une pièce de Molière.

C’est aussi et surtout une satire de la société chinoise et de la corruption rampante à tous ses étages, les rapports sociaux sont régis par les cadeaux de toutes formes qu’il faut concéder pour obtenir son dû mais surtout des avantages.

Tous les secteurs sont touchés santé, justice, politique, arts, tout s’achète et bien évidemment les pauvres sont les perdants. C’est bien sûr pour cette peinture sévère que le livre fut interdit, bien plus que pour quelques scènes érotiques et que pour la vie dissolue du malheureux Zhuang Zhidie. A lire pour le portrait d'une Chine encore en suspend entre l'ancien et le nouveau monde.

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Portée-la-Lumière

Jia Pingwa dresse une fresque subtile autour des petites gens de la Chine profonde, où il est né.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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