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Critiques de John Arcudi (120)
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The Creep

♫ But I’m a creep ♪ I’m a weirdo ♪ What the hell am I doing here? ♫ I don’t belong here ♫ (*)



Creep désigne un insecte, une vermine mais aussi un sale type.



Pourtant, si Oxel Kärnhus a maintenant une sale tête, il n’en reste pas moins humain et pour ses enquêtes, il est perspicace.



Qu’est-ce qui pousse un jeune à se suicider et, deux mois plus tard, à ce que son pote fasse de même ? Je n’en avais pas la moindre idée, leurs mères non plus et Oxel va avoir bien du mal à comprendre.



Si je n’ai pas trop aimé les dessins (ce n’est pas rédhibitoire), j’ai apprécié les changements de trames et de tons lors des flash-back, ainsi que la mise en scène que les auteurs ont faite pour illustrer la folie du grand-père, qui se voit dans la neige, au temps du far-west.



Une enquête sur un des deux adolescents qui se sont suicidé… En commençant ma lecture, j’ai trouvé que ce comics avec une trame classique, comme dans bien des polars, et, en fin de compte, elle n’était pas aussi classique que je l’avais pensé. Tout ça grâce au dénouement, mais pas que !



Les auteurs ont su donner de l’épaisseur à Oxel, et ce, sans mauvais jeu de mot. En effet, atteint d’une maladie dégénérative, qui lui donne une apparence monstrueuse, Oxel a tout d’un monstre, pour les sales gamins de son quartier, qui lui mènent la vie dure. Il est sympathique, touchant, émouvant.



Vu sa carrure imposante, Oxel aurait pu être badass, un cogneur, un mec avec la haine, la rage, mais il n’en est rien. Timide, n’aimant pas le téléphone (nous sommes dans les années 80), mais possédant la ténacité d’un bouledogue et il faudra bien ça pour comprendre ce qui a poussé deux ados à se tirer une balle.



Un comics que j’ai pris plaisir à découvrir, notamment grâce à son détective hors-norme, émouvant, avec une sensibilité à fleur de peau, qui ne lâchera rien, même si, durant tout un temps, il avait baissé les bras.



Un polar qui semble classique, de prime abord, mais qui ne l’est pas. Un récit simple, efficace, sombre, avec un dénouement inattendu et un suspense bien maîtrisé.



Bref, un bon moment de lecture !



(*) Radiohead


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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The Mask

Ce tome contient une histoire complète : la première apparition du personnage The Mask. Il comprend les 6 épisodes de la première minisérie, initialement parus en 1991, écrits par John Arcudi, dessinés, encrés et mis en couleurs par Doug Mahnke, avec un lettrage réalisé par Pat Brosseau. Cette première histoire a été rééditée dans The Mask Omnibus Volume 1, avec les 2 miniséries suivantes : The Mask returns, The Mask strikes back.



Stanley Ipkiss passe chez l'antiquaire et achète un vieux masque en jade qu'il paye $135, taxes incluses. En sortant de la boutique avec son achat, il voit un gang de bikers passer, projetant de la boue sur sa voiture qu'il vient de laver. Il gesticule et agite le poing dans leur direction. Alors qu'il s'apprête à monter dans sa voiture, il est tiré en arrière par l'un des motards et se prend un coup de poing dans le ventre, une baffe en pleine figure, et un coup de pied dans le derrière pour faire bonne mesure. Il rentre chez lui en pensant aux sévices qu'il aimerait bien leur faire subir : coup de pied dans les bijoux de famille, arrachage de nez avec un clef à molette, éclatage de crâne avec une batte de baseball, carbonisation au lance-flamme. Alors qu'il ouvre la porte de l'appartement de sa copine Kathy, il a l'impression que le masque lui parle depuis l'intérieur de sa boîte. Il offre le masque à Kathy qui en est très contente et ils terminent au lit. La nuit il se lève pour aller aux toilettes et trouve le masque sur le rabat de la cuvette des WC. Il l'essaye et se retrouve transformé avec une grosse tête verte, et habillé d'un costume orange voyant. Il sort par la fenêtre de la salle de bain.



Une fois dans la rue, Stanley Ipkiss transformé croise 2 loubards. Il envoie un coup de poing tout mou à l'un d'eux, et recule sur la chaussée où il se fait écraser par une voiture. Il se relève indemne ou presque, la tête en sang qui guérit instantanément. Il rentre dans le garage où les bikers sont en train de s'occuper de leurs bécanes et les éclate comme il l'avait imaginé. Il survit sans problème à un coup de feu qui lui laisse un énorme trou au milieu de la poitrine. Après les avoir tous massacrés, il rentre chez Kathy. En se levant, elle a l'impression de voir un gugusse avec une tête verte dans sa salle de bain, mais il s'agit en fait de Stanley Ipkiss qui se comporte de manière beaucoup plus sûr de lui que d'habitude. Il gagne en confiance de jour en jour au point de lui répondre, et même de lever la main sur elle. Il revêt régulièrement le masque pour aller rendre visite à tout un tas de personne dont il a marqué les noms sur une liste, à commencer par le garagiste qui a mal réparé sa voiture malgré une note salée, puis son institutrice de primaire qui l'avait humilié. La police est totalement désorientée par les cadavres laissés dans un état atroce, et l'enquête est confiée au lieutenant de police Kellaway.



Le personnage de The Mask est devenu célèbre grâce au film de 1994 The Mask réalisé par Chuck Russell, le rôle-titre étant interprété par Jim Carrey. Son origine remonte à 1982 où Mike Richardson (l'éditeur en chef de Dark Horse Comics) a l'idée d'un personnage appelé Masque. Il connaît 2 incarnations transitoires, l'une réalisée par Mark Badger, la suivante par Chris Warner, avant d'être relancé par la présente minisérie, avec le nom de The Mask. La première histoire est prépubliée dans l'anthologie Mayhem en 1989, republiée ensuite en tant que numéro zéro de la minisérie. Replacé dans son contexte en 1991, ce récit prend le lecteur au dépourvu. La couverture semble annoncer un superhéros ou un supercriminel avec exagération comique, et l'intérieur raconte comment un individu quelconque et effacé se venge des mesquineries qu'il a pu subir dans sa vie, avec perte et fracas et une forme de sadisme premier degré, allégé par quelques exagérations comiques visuelles. Il n'y a pas d'équivalent à l’époque dans le monde des comics de superhéros DC ou Marvel, ou même dans les comics indépendants. Le lecteur regarde les facéties macabres de The Mask avec des yeux ronds, incapables de savoir si c'est du lard ou du cochon.



Avec l'épisode 1, le masque passe au lieutenant Kellaway et la nature du récit apparaît. Ce masque a des propriétés surnaturelles qui confèrent une invincibilité totale à son porteur, la possibilité de faire sortir n'importe quel objet du néant (de préférence des armes, mais pas seulement), et une propension à la violence exacerbée. Ayant compris la nature du récit, le lecteur attend avec impatience chaque apparition de The Mask, le carnage sadique, l'humour servi très noir et l'inventivité visuelle de ses interventions. Impossible de ne pas ressentir la jouissance du timoré Ipkiss au fur et à mesure qu'il se venge de ses persécuteurs. Pendant 3 pages, il massacre les bikers. À nouveau, le lecteur peut se retrouver décontenancé par le contraste entre les morts atroces avec une violence réaliste, le fait d'un individu dépourvu de toute empathie et faisant preuve d'un sadisme barbare, avec l'exubérance comique de The Mask. Il est impossible de cautionner le fait que The Mask écrase la gorge de son ancienne maîtresse de primaire. Il y a une vraie violence sadique, sans aucune inhibition morale, avec une méchanceté sans fard s'exprimant par une brutalité sans limite, une forme de vengeance immédiate rendue encore plus écœurante par l'humour générée par les moyens disproportionnés mis en œuvre.



Le même schéma se reproduit une fois que le masque est entre les mains du lieutenant Kellaway. Celui-ci n'est pas une victime désignée comme l'était Stanley Ipkiss. C'est un représentant de la loi, une personne bénéfique à la société. Pour autant la levée des inhibitions et les moyens destructeurs illimités produisent le même effet que sur Ipkiss : le massacre continue de plus belle. Dans ces 2 histoires, John Arcudi déroule une intrigue solide et linéaire : d'abord la série de vengeance de Stanley Ipkiss, puis les interventions de The Mask pour pallier les faiblesses du système judiciaire, entremêlées avec le risque que quelqu'un finisse par découvrir qui est le porteur du masque. Le scénariste développe suffisamment les principaux protagonistes pour qu'ils existent aux yeux du lecteur que ce soit le timoré Ipkiss, ou le blasé Kellaway. Il réussit des personnages secondaires inoubliables même si moins développés : Kathy et ses capacités de déduction, Lionel le collègue attentionné de Kellaway, Steven Listor l'avocat ripou, et l'incroyable Walter. Il trouve le point d'équilibre instable entre intrigue, violence sadique, comédie noire et drame.



À l'époque, Doug Mahnke est un dessinateur débutant. Le lecteur souffre un peu lors des 2 premiers épisodes, avec une mise en couleurs ayant vieilli avec le temps, quelques erreurs de proportions, et quelques incohérences graphiques, ne sachant plus très bien si l'appartement de Kathy est un pavillon ou s'il est situé dans un immeuble. Mais dès le départ, les personnages disposent d'une morphologie normale, avec des visages souvent très expressifs, et un langage corporel halluciné pour The Mask. Les civils sont également très expressifs. Le lecteur sourit en voyant Kathy essayer de contacter le lieutenant Kellaway, ayant très bien compris qu'il utilise le masque. Il sourit également en voyant l'immonde mauvaise foi de Stephen Listor associée à un aplomb suffisant, les coups de colère du commissaire s'en prenant à Kellaway, l'inquiétude démesurée de Kathy quand Kellaway fait le geste de porter le masque à son visage, etc. Les dessins de Mahnke insufflent une vie extraordinaire aux personnages.



Dès la première apparition de The Mask, le lecteur se rend compte qu'il sourit devant les facéties du personnage, le caractère outré de son comportement, son bagout et ses réactions infantiles. Arrivé à l'épisode 3, la qualité des dessins fait un bond en avant significatif : les décors sont propres, nets et consistants, les expressions de visage des personnages sont irrésistibles, la mise en couleurs aide à la lecture, et les apparitions de The Mask sont toujours aussi énormes. Il est impossible de résister à ses grimaces avec ses yeux qui partent dans tous les sens, à son cabotinage comme s'il avait conscience d'être un acteur dans un film, à l'absurdité de ses armes et de ses gadgets. Il faut le voir sortir de l'eau d'un fleuve dans une combinaison de plongée jaune fluo, apparaître dans un costume de torero, défoncer un coffre-fort mural avec un marteau piqueur, préparer un gâteau avec des gestes spasmodiques de maniaque dans un costume de chef cuisinier d'opérette, sans oublier des moustaches impossibles. Doug Mahnke fait preuve d'une verve comique extraordinaire, qu'il marie tout naturellement à une violence gore convaincante.



Qu'il ait découvert le personnage sous les traits de Jim Carrey ou en comics, le lecteur reste soufflé par la force du personnage dans cette première apparition. John Arcudi et Doug Mahnke sont parfaitement en phase pour une histoire d'une violence inouïe au point d'en être toujours dérangeante, assaisonnée d'un humour débridé rendu encore plus horrible par l'inventivité des sévices infligés et l'absence totale de toute moralité. Plusieurs décennies plus tard, cette première histoire de The Mask n'a rien perdu de son impact et de sa subversivité.
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Lobster Johnson, tome 4 : Haro sur Lobster !

Ce tome fait suite à Lobster Johnson, tome 3 : Une fragrance de lotus qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, la continuité de cette série étant assez lâche. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement publiée en 2014, avec un scénario de Mike Mignola et John Arcudi, des dessins et un encrage de Tonci Zonjic, et une mise en couleurs de Dave Stewart.



L'histoire se déroule en octobre 1934. Tout commence par un match de catch opposant l'Ours Russe au Nain Diabolique. Tout dégénère quand ce dernier se met à tirer sur la foule avec un revolver. Harry McTell (l'un des agents du Homard) se trouvait parmi les spectateurs et prend un mauvais coup alors qu'il voulait s'interposer.



Cindy Tynan est en train de préparer une série de 5 articles pour un grand quotidien, dans lesquels elle promet de révéler tout ce qu'elle sait sur Lobster Johnson. Higgins, le chef de la police, annonce qu'il est fermement décidé à mettre un terme aux agissements de Lobster Johnson, un vigilant qui n'a pas sa place dans sa ville. Ce dernier doit arrêter la vague de crimes perpétrés par les 2 catcheurs, résoudre une énigme scientifique, tout en échappant aux forces de l'ordre.



Mignola & Arcudi poursuivent leur hommage aux pulps, avec cette série. Le lecteur retrouve donc le mystérieux héros à l'identité inconnue, à la résistance exceptionnelle et aux capacités de récupérations proprement surnaturelles. Il continue de laisser sa marque (une brûlure en forme de pince de homard) sur les individus qu'il a arrêtés. Dans les conventions du genre pulp, les auteurs reprennent également celles des lutteurs professionnels dotés d'une force surhumaine, le scientifique qui expérimente sur les êtres humains, la technologie d'anticipation, le rapport délicat avec les représentants de la loi, et même des pirates. Ils ne se contentent donc pas de réutiliser ad nauseam les mêmes ingrédients : ils réussissent à en incorporer de nouveaux, assez inattendus (il y en a encre d'autres dans le récit).



Lobster Johnson reste donc un héros anonyme, dépourvu de vie privée, même si l'enquête de Cindy Tynan met à jour des révélations inattendues. Les membres de l'équipe du Homard n'ont pas le droit à beaucoup plus de personnalité, servant surtout de protagonistes destinés à faire avancer l'intrigue et à fournir différents points de vue (difficile pour le lecteur de s'impliquer émotionnellement dans la brouille entre Cindy Tynan et l'inspecteur Jake Eckerd).



L'intérêt principal du récit réside donc dans sa capacité à utiliser avec intelligence les conventions des pulps, et dans ses personnages hauts en couleurs. Le lecteur ressent une petite inquiétude quant à l'exhaustivité des recherches de la journaliste, il grimace devant la fureur brutale des catcheurs. Il retrouve avec un énorme plaisir monsieur Arnie Wald (patron du crime organisé en pantoufles, douillettement installé dans sa demeure de banlieue), et avec encore plus de plaisir son homme de main assez indépendant Mister Isog (dont les caractéristiques physiques sont un hommage à l'acteur Peter Lorre).



L'intrigue se déroule de manière linéaire, Lobster Johnson menant l'enquête, tout en évitant la police, et en réalisant des exploits physiques lors des affrontements avec les criminels. Il fait preuve d'une détermination surnaturelle pour pourchasser le principal criminel jusqu'au bout, quoi qu'il lui en coûte.



Pour cette histoire complète, tous les épisodes sont illustrés par Tonci Zonjic (par comparaison avec les histoires courtes du tome précédent). Il emploie une mise en page assez sage, à base de cases rectangulaires, à raison de 4 à 5 cases par page en moyenne. Zonjic a un peu épuré ses dessins en diminuant le nombre de traits par case, sans pour autant perdre en densité d'informations. Son rôle est primordial car ses dessins doivent réussir à plonger le lecteur dans l'époque (les années 1930), sans l'aide de cellules de texte.



Il réussit à reconstituer le New York de ces années là de manière satisfaisante, sans recourir à un niveau de détails obsessionnel. Le lecteur peut apprécier la justesse des tenues vestimentaires, qu'il s'agisse des uniformes des policiers, ou du joli chemisier de la journaliste. Il sait doser les éléments visuels et bien les choisir pour que le lecteur puisse croire à la plausibilité de ce voyage en barque dans les égouts. L'aménagement de la salle de rédaction du quotidien est également très convaincant. Le lecteur goûte au calme presque champêtre de la demeure d'Arnie Wald, et à son aménagement désuet.



Zonjic s'en tire tout aussi bien pour la technologie d'anticipation qui présente une forme cohérente dans ses différentes parties, avec un savant dosage de rétrofuturisme. Enfin, les scènes d'action sont énergiques à souhait, sans être ni stéréotypées, ni épileptiques. Les images de l'artiste ne dessinent pas une vision enfiévrée ou transfigurée de New York et des personnes, mais elles bâtissent une reconstitution crédible et solide, avec un solide sens du rythme et une réelle attention apportée aux détails (sans que la reconstitution prenne le pas sur l'intrigue).



Avec cette histoire, Mike Mignola, John Arcudi, Tonci Zonjic, et Dave Stewart réalisent une solide histoire à la manière des pulps, maniant avec doigté les conventions du genre et recréant un New York assez authentique pour le lecteur puisse s'y projeter. Elle comprend assez de surprises pour dépasser le stade de l'hommage sage, mais pas tout à fait assez de souffle pour pouvoir justifier son existence au-delà du genre pulp.
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Aliens alchemy

Dans cet album on retrouve l'univers cinématographique de la série "Alien".

L'ambiance est là, sombre, sinistre et froid. Ici nous sommes dans un univers confronté à la pollution et à la religion. Peu d'espoir. La présence des Aliens va enfoncer ce monde dans une noire tragédie...

Le dessin de Corben colle parfaitement à ce monde noir. On peut regretter les couleurs vives, sans aucun rapport avec la couverture. Notre dessinateur préféré nous avait pas trop habitué à cela. Quant aux personnages ils frisent la caricature.

Malgré ces défauts, c'est bon et prenant. Une histoire bien amené qui se dévore d'une traite.



Bonne bd fantastique à découvrir pour les amoureux du grand Corben.
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Sledgehammer 44

Faisant parti des dossiers secrets de HELLBOY Sledgehammer 44 une création de Mike MIGNOLA seconder par une équipe composée de ARCUDI, LATOUR, CAMPBELL, STEWART. Une histoire du bien et du mal avec deux supers-héros d'un coté l'homme équipé d'une armure super sophistiquée et de l'autre des supers-vilains des forces de l'axe. Bref je ne d'écrirai pas l'histoire mais le comics publier par DELCOURT il faut lire car en plus il est composé de la bd de commentaire du recraité John POWERS SEVERIN, d'une parti création de croquis en noir et blanc et avec en fin du comics des illustrations de couverture.
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The Mask - Intégrale, tome 1

Ce tome comprend les 2 premières miniséries consacrées au personnage.



The Mask : 6 épisodes, initialement parus en 1991, écrits par John Arcudi, dessinés, encrés et mis en couleurs par Doug Mahnke, avec un lettrage réalisé par Pat Brosseau.



Stanley Ipkiss passe chez l'antiquaire et achète un vieux masque en jade qu'il paye $135, taxes incluses. En sortant de la boutique avec son achat, il voit un gang de bikers passer, projetant de la boue sur sa voiture qu'il vient de laver. Il gesticule et agite le poing dans leur direction. Alors qu'il s'apprête à monter dans sa voiture, il est tiré en arrière par l'un des motards et se prend un coup de poing dans le ventre, une baffe en pleine figure, et un coup de pied dans le derrière pour faire bonne mesure. Il rentre chez lui en pensant aux sévices qu'il aimerait bien leur faire subir : coup de pied dans les bijoux de famille, arrachage de nez avec un clef à molette, éclatage de crâne avec une batte de baseball, carbonisation au lance-flamme. Alors qu'il ouvre la porte de l'appartement de sa copine Kathy, il a l'impression que le masque lui parle depuis l'intérieur de sa boîte. Il offre le masque à Kathy qui en est très contente et ils terminent au lit. La nuit il se lève pour aller aux toilettes et trouve le masque sur le rabat de la cuvette des WC. Il l'essaye et se retrouve transformé avec une grosse tête verte, et habillé d'un costume orange voyant. Il sort par la fenêtre de la salle de bain.



Une fois dans la rue, Stanley Ipkiss transformé croise 2 loubards. Il envoie un coup de poing tout mou à l'un d'eux, et recule sur la chaussée où il se fait écraser par une voiture. Il se relève indemne ou presque, la tête en sang qui guérit instantanément. Il rentre dans le garage où les bikers sont en train de s'occuper de leurs bécanes et les éclate comme il l'avait imaginé. Il survit sans problème à un coup de feu qui lui laisse un énorme trou au milieu de la poitrine. Après les avoir tous massacrés, il rentre chez Kathy. En se levant, elle a l'impression de voir un gugusse avec une tête verte dans sa salle de bain, mais il s'agit en fait de Stanley Ipkiss qui se comporte de manière beaucoup plus sûr de lui que d'habitude. Il gagne en confiance de jour en jour au point de lui répondre, et même de lever la main sur elle. Il revêt régulièrement le masque pour aller rendre visite à tout un tas de personne dont il a marqué les noms sur une liste, à commencer par le garagiste qui a mal réparé sa voiture malgré une note salée, puis son institutrice de primaire qui l'avait humilié. La police est totalement désorientée par les cadavres laissés dans un état atroce, et l'enquête est confiée au lieutenant de police Kellaway.



Le personnage de The Mask est devenu célèbre grâce au film de 1994 The Mask réalisé par Chuck Russell, le rôle-titre étant interprété par Jim Carrey. Son origine remonte à 1982 où Mike Richardson (l'éditeur en chef de Dark Horse Comics) a l'idée d'un personnage appelé Masque. Il connaît 2 incarnations transitoires, l'une réalisée par Mark Badger, la suivante par Chris Warner, avant d'être relancé par la présente minisérie, avec le nom de The Mask. La première histoire est prépubliée dans l'anthologie Mayhem en 1989, republiée ensuite en tant que numéro zéro de la minisérie. Replacé dans son contexte en 1991, ce récit prend le lecteur au dépourvu. La couverture semble annoncer un superhéros ou un supercriminel avec exagération comique, et l'intérieur raconte comment un individu quelconque et effacé se venge des mesquineries qu'il a pu subir dans sa vie, avec perte et fracas et une forme de sadisme premier degré, allégé par quelques exagérations comiques visuelles. Il n'y a pas d'équivalent à l’époque dans le monde des comics de superhéros DC ou Marvel, ou même dans les comics indépendants. Le lecteur regarde les facéties macabres de The Mask avec des yeux ronds, incapables de savoir si c'est du lard ou du cochon.



Avec l'épisode 1, le masque passe au lieutenant Kellaway et la nature du récit apparaît. Ce masque a des propriétés surnaturelles qui confèrent une invincibilité totale à son porteur, la possibilité de faire sortir n'importe quel objet du néant (de préférence des armes, mais pas seulement), et une propension à la violence exacerbée. Ayant compris la nature du récit, le lecteur attend avec impatience chaque apparition de The Mask, le carnage sadique, l'humour servi très noir et l'inventivité visuelle de ses interventions. Impossible de ne pas ressentir la jouissance du timoré Ipkiss au fur et à mesure qu'il se venge de ses persécuteurs. Pendant 3 pages, il massacre les bikers. À nouveau, le lecteur peut se retrouver décontenancé par le contraste entre les morts atroces avec une violence réaliste, le fait d'un individu dépourvu de toute empathie et faisant preuve d'un sadisme barbare, avec l'exubérance comique de The Mask. Il est impossible de cautionner le fait que The Mask écrase la gorge de son ancienne maîtresse de primaire. Il y a une vraie violence sadique, sans aucune inhibition morale, avec une méchanceté sans fard s'exprimant par une brutalité sans limite, une forme de vengeance immédiate rendue encore plus écœurante par l'humour générée par les moyens disproportionnés mis en œuvre.



Le même schéma se reproduit une fois que le masque est entre les mains du lieutenant Kellaway. Celui-ci n'est pas une victime désignée comme l'était Stanley Ipkiss. C'est un représentant de la loi, une personne bénéfique à la société. Pour autant la levée des inhibitions et les moyens destructeurs illimités produisent le même effet que sur Ipkiss : le massacre continue de plus belle. Dans ces 2 histoires, John Arcudi déroule une intrigue solide et linéaire : d'abord la série de vengeance de Stanley Ipkiss, puis les interventions de The Mask pour pallier les faiblesses du système judiciaire, entremêlées avec le risque que quelqu'un finisse par découvrir qui est le porteur du masque. Le scénariste développe suffisamment les principaux protagonistes pour qu'ils existent aux yeux du lecteur que ce soit le timoré Ipkiss, ou le blasé Kellaway. Il réussit des personnages secondaires inoubliables même si moins développés : Kathy et ses capacités de déduction, Lionel le collègue attentionné de Kellaway, Steven Listor l'avocat ripou, et l'incroyable Walter. Il trouve le point d'équilibre instable entre intrigue, violence sadique, comédie noire et drame.



À l'époque, Doug Mahnke est un dessinateur débutant. Le lecteur souffre un peu lors des 2 premiers épisodes, avec une mise en couleurs ayant vieilli avec le temps, quelques erreurs de proportions, et quelques incohérences graphiques, ne sachant plus très bien si l'appartement de Kathy est un pavillon ou s'il est situé dans un immeuble. Mais dès le départ, les personnages disposent d'une morphologie normale, avec des visages souvent très expressifs, et un langage corporel halluciné pour The Mask. Les civils sont également très expressifs. Le lecteur sourit en voyant Kathy essayer de contacter le lieutenant Kellaway, ayant très bien compris qu'il utilise le masque. Il sourit également en voyant l'immonde mauvaise foi de Stephen Listor associée à un aplomb suffisant, les coups de colère du commissaire s'en prenant à Kellaway, l'inquiétude démesurée de Kathy quand Kellaway fait le geste de porter le masque à son visage, etc. Les dessins de Mahnke insufflent une vie extraordinaire aux personnages.



Dès la première apparition de The Mask, le lecteur se rend compte qu'il sourit devant les facéties du personnage, le caractère outré de son comportement, son bagout et ses réactions infantiles. Arrivé à l'épisode 3, la qualité des dessins fait un bond en avant significatif : les décors sont propres, nets et consistants, les expressions de visage des personnages sont irrésistibles, la mise en couleurs aide à la lecture, et les apparitions de The Mask sont toujours aussi énormes. Il est impossible de résister à ses grimaces avec ses yeux qui partent dans tous les sens, à son cabotinage comme s'il avait conscience d'être un acteur dans un film, à l'absurdité de ses armes et de ses gadgets. Il faut le voir sortir de l'eau d'un fleuve dans une combinaison de plongée jaune fluo, apparaître dans un costume de torero, défoncer un coffre-fort mural avec un marteau piqueur, préparer un gâteau avec des gestes spasmodiques de maniaque dans un costume de chef cuisinier d'opérette, sans oublier des moustaches impossibles. Doug Mahnke fait preuve d'une verve comique extraordinaire, qu'il marie tout naturellement à une violence gore convaincante.



Qu'il ait découvert le personnage sous les traits de Jim Carrey ou en comics, le lecteur reste soufflé par la force du personnage dans cette première apparition. John Arcudi et Doug Mahnke sont parfaitement en phase pour une histoire d'une violence inouïe au point d'en être toujours dérangeante, assaisonnée d'un humour débridé rendu encore plus horrible par l'inventivité des sévices infligés et l'absence totale de toute moralité. Plusieurs décennies plus tard, cette première histoire de The Mask n'a rien perdu de son impact et de sa subversivité.



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The Mask returns : 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 1992/1993, écrits par John Arcudi, dessinés et encrés par Doug Mahnke, mis en couleurs par Chris Chalenor.



Suite à son intervention courageuse et héroïque dans une prise d'otages, le lieutenant de police Kellaway a été mis à pied et le parrain Don Cesare Mozzo souhaite se venger du fait qu'il ait éliminé plusieurs de ses hommes. Ce soir-là, 3 hommes de main de Don Mozzo s'introduisent dans le pavillon de Kellaway pour l'éliminer. L'un d'eux trouve que la méthode qu'ils ont choisie n'est pas la plus efficace et en plus il ne souvient plus d'où se trouve la chambre. Ils avancent plus ou moins discrètement dans le couloir à l'étage et ouvrent la porte de la chambre. Kellaway les attend derrière la porte, l'arme au poing. Il n'arrive pas à les abattre et s'enfuit vers la porte d'entrée, sans oser sortir parce qu'une voiture attend devant. Il part se réfugier au sous-sol et se munit d'une pioche pour déterrer le masque. Il n'est pas assez rapide et un tueur lui tire dessus, puis récupère le masque comme souvenir. Par moquerie, l'un des tueurs met le masque sur le visage de Nunzio, leur conducteur bègue.



La personnalité de The Mask prend le dessus sur celle de Nunzio qui met le pied au plancher avec une accélération qui colle tout le monde contre la banquette arrière. Du coup il y en a un qui lui intime de ralentir en le menaçant d'un flingue. Mask pile d'un coup sec et tout le monde traverse le pare-brise avec perte et fracas. Ailleurs Walter est attablé à la cantine de la prison. Son voisin lui adresse la parole sur un ton peu amène ; Walter l'envoie valdinguer d'un simple coup de poing bien placé. Le prisonnier contre lequel l'autre vient s'écraser se lève pour riposter. Un simple regard de Walter suffit à le faire se rasseoir, et il s'excuse en plus. L'un des tueurs a survécu à l'accident et arrive dans le restaurant qui sert de quartier général à Don Mozzo. Il demande à lui parler, mais son second lui indique qu'il est à Miami. Le tueur perd son sang-froid et se met à hurler. Il s'agit en fait de The Mask et il décide de s'installer dans le bureau de Don Mozzo et prendre la tête de ses affaires. Dès le lendemain, il se rend à la fête de mariage de la fille de Giuseppe Pescaro. Il y fait exploser une bombe, tuant toute la famille et tous les invités. Les autres familles de la pègre n'ont plus qu'à numéroter leurs abatis.



La fin du premier tome laissait supposer qu'une suite était probable car le masque n'était pas détruit et se trouvait dans un endroit où il pouvait être récupéré. John Arcudi ne perd pas de temps et commence par prendre les dispositions nécessaires pour que le précédent porteur du masque ne puisse pas le porter à nouveau. Une fois le lieutenant Kellaway écarté, il reste à savoir qui va en hériter. Cette fois-ci, le masque se retrouve sur la tête d'un criminel minable et bègue (oui, ce n'est pas une tare) qui comprend vite qu'il n'a pas intérêt à l'enlever car il devient ainsi tout puissant. Les 2 premiers épisodes proposent un jeu de massacre pétri d'humour noir car la personnalité de The Mask supplante celle de Nunzio pour accomplir ses objectifs. Pendant ce temps-là, Kathy essaye de trouver un moyen de mettre fin au massacre. Arcudi a donc choisi ne pas s'attarder sur un personnage en particulier, mais de renouveler les conditions de manifestation de The Mask, en renouvelant celui qui le revêt. Fort heureusement, Doug Mahnke est lui aussi de retour pour mettre en scène l'exubérance mortelle de The Mask.



Passé l'épisode zéro du premier tome, Doug Mahnke avait fait preuve d'une narration visuelle à la précision maniaque, et d'un sens visuel d'humour noir très violent et pervers. Le lecteur retrouve en pleine forme pour ce deuxième tome. Ça commence par un tueur assassinant froidement Kellaway alors que ce dernier est à terre et lui tourne le dos, avec une contreplongée très parlante. Ça continue avec les occupants de la voiture passant à travers le pare-brise dans une case que l'on croirait dessinée par Geoff Darrow. Le lecteur peut ensuite voir une rue jonchée de cadavres de porte-flingues alors que The Mask vient de la parcourir. Il peut ensuite voir 4 porte-flingues tressauter sous l'impact des balles, avec des petits points rouges à chaque endroit où la chair a été perforée. L'un des moments les plus impressionnants en termes de violence correspond à une scène d'automutilation où un personnage s'entaille la joue gauche avec un couteau tranchant, lentement comme s'il ne ressent rien. La force des dessins provient de leur approche factuelle, sans exagérer l'aspect gore, sans dramatiser l'acte par des angles de vue ou par une accélération des mouvements. Le lecteur n'éprouve aucun plaisir esthétique : il est déstabilisé par la plausibilité de l'acte, par sa mise en scène factuelle.



À d'autres moments, Doug Mahnke joue sur les exagérations pour créer un effet comique. Il faut voir la tronche de l'un des 3 tueurs en train de râler sur la méthode en s'adressant aux 2 autres, pour se rendre compte à quel point ce n'est pas le moment de se comporter ainsi. La première apparition de The Mask se fait avec un gros plan sur tête, ses yeux exorbités, sa dentition chevaline, son sourire halluciné, irrésistible dans son entrain maniaque. Ainsi lors de ses apparitions, certaines cases ne jouent que sur l'humour du décalage entre la situation et son apparence ou son occupation du moment : en armure sur un cheval carapaçonné avec une lance de joute, les yeux lui sortant de la tête comme le loup de Tex Avery, fonçant droit devant en tenue de footballeur avec une balle sous le bras gauche, en caleçon rose avec des motifs de lapin, etc. La narration visuelle gagne encore en force quand l'artiste marie la violence avec l'humour. Le lecteur ne peut pas se retenir de sourire devant le visage brûlé au troisième degré de The Mask, alors qu'il ressort de la propriété de Giuseppe Pescaro où il a été pris dans le souffle de sa propre bombe incendiaire. Il pouffe bêtement en découvrant les porte-flingues de monsieur Yung, criblés de fléchettes. Il rit quand Walter envoie son poing dans la figure d'un prisonnier qui essaye de s'attirer ses bonnes faveurs malgré le nez éclaté, et le sang coulant le long du visage. Les auteurs ont l'art et la manière de transformer le lecteur en un individu prenant un plaisir sadique à la souffrance d'autrui.



Il faut croire que la première minisérie a rencontré un vrai succès, pour que l'éditeur Dark Horse décide d'en commander une deuxième. Le lecteur comprend que John Arcudi ne souhaite pas transformer cette série en une série mensuelle, The Mask devenant un anti-héros comme un autre. Il continue donc de mettre en œuvre une violence cathartique, mais dont les excès ne prêtent pas à sourire car la souffrance humaine est bien réelle. Ce choix de ne pas transformer le masque en un objet de pouvoir de plus se manifeste également dans le fait que plusieurs personnages font le constat des morts atroces, à la fois en nombre et en horreur. En particulier Kathy conserve un point de vue normal par rapport à The Mask. C'est un choix courageux, car cela signifie que le lecteur ne peut pas se projeter dans The Mask. Il reste une sorte de manifestation meurtrière d'un personnage de dessin animé. Au début de l'épisode 3, Arcudi fait mine d'entamer une origine du masque en 4 pages, mais il change rapidement de braquet. Ce choix donne aussi l'impression que le scénariste n'est pas forcément bien sûr de la direction à donner à son histoire. Il lui faut un personnage qui soit capable de résister à The Mask pendant plus d'une page : en conséquence de quoi il ramène Walter, c’est-à-dire un deuxième personnage qui défie les lois naturelles. Le masque continue de passer sur la tête d'autres personnes : Nunzio, puis un autre protagoniste déjà connu de la série.



Un lecteur habitué aux superhéros a l'impression que The Mask n'est pas un personnage assez étoffé pour pouvoir supporter une histoire conséquente. Le fait que l'un des porteurs soit une femme renvoie également à un artifice narratif utilisé par Marvel & DC à l'époque pour rajeunir leurs propres superhéros, en en créant des versions féminines. D'un autre côté, en procédant ainsi, John Arcudi indique que le personnage principal est bien le masque, et pas ses porteurs. Après le quatrième épisode, le lecteur s'interroge l'intention de l'auteur. Il s'agit d'un combat entre The Mask et Walter, brutal au-delà de l'imagination, tirant pleinement parti de la force de Walter, et des capacités de dessin animé de The Mask. Le lecteur s'amuse bien à assister à cet affrontement, tout en se rendant compte que les personnages ont du mal à exister, à acquérir de l'épaisseur, comme si les auteurs voulaient en donner pour leur argent aux lecteurs, tout en préservant la possibilité d'une suite, sans vouloir conclure.



Cette deuxième histoire de The Mask reprend les meilleurs ingrédients de la première pour des manifestations toujours aussi démentes de The Mask, et un carnage énorme, mais aussi très concret. Doug Mahnke fait preuve d'une conviction et d'une verve visuelles extraordinaires, donnant du rythme et de la force à aux pitreries mortelles de The Mask. John Arcudi structure son intrigue de manière à ce que le lecteur comprenne que le personnage principal est le masque, tout en écrivant les scènes de massacre attendues, mais en donnant l'impression d'être un peu court en termes d'intrigue, et en utilisant certains artifices des comics de superhéros.
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Witchfinder, tome 4 : La cite des morts

Ce tome fait suite à Witchfinder, tome 3 : Les Mystères d'Unland qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu avant. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016, coécrits par Mike Mignola & Chris Roberson, dessinés et encrés par Ben Stenbeck, avec une mise en couleurs réalisée par Michelle Madsen. Les couvertures ont été réalisées par Julián Totino Tedesco. Le tome se termine avec 6 pages d'études graphiques des couvertures, et 3 pages réalisées par Stenbeck avant la mise en couleurs, et l'apposition des phylactères.



En août 1888, une équipe d'ouvriers est en train de travailler à la construction de la station de métro Tower of London. L'un d'entre eux vient trouver le chef d'équipe Campbell, pour lui montrer un mur de briques qui s'est écroulé, révélant un vieil escalier derrière, menant à une chambre souterraine. 2 ouvriers y ont disparu, abandonnant leur lanterne. Le contremaître estime qu'ils ont simplement abandonné le chantier et rejoint la surface. Chez lui, Sir Edward Grey est en train de consigner les détails de sa dernière aventure dans son journal, quand son majordome Bailey lui apporte un billet l'enjoignant de se rendre à la morgue de Saint John of the Cross. Grey se rend à la convocation de mister Silk. Ce dernier lui explique qu'ils ont reçu la confession d'un pilleur de tombes, décédé depuis, son cadavre étant en train d'être examiné dans la même pièce. Il porte la marque d'une morsure au poignet. Tout le monde est surpris lorsqu'il revient à la vie, le torse ouvert en 2 par l'incision du médecin légiste.



Après avoir rendu ce cadavre à la mort, Edward Grey part enquêter dans le dernier cimetière où avait opéré ce pilleur de tombes, et interroge 2 fossoyeurs présents sur place. De retour à Londres, il est interpellé dans la rue par August Swain de la fraternité héliopique de Ra. Celui-ci essaye de le convaincre de l'accompagner dans leur lieu de réunion, mais sans succès. La nuit tombée, Edward Grey se fait accompagner de 2 médecins légistes pour déterrer les cadavres dans le cimetière qu'il a visité ce même jour.



Après avoir laissé un autre scénariste réaliser une histoire de ce personnage, Mike Mignola écrit une nouvelle aventure de Witchfinder, avec l'aide Chris Roberson, dessinée par Ben Stenbeck, l'artiste du premier tome, et de la série Baltimore coécrite par Mike Mignola & Christopher Golden. Le lecteur sait qu'il va retrouver Sir Edward Grey, un agent de la Reine, spécialisé dans les manifestations surnaturelles. L'illustration de couverture ne laisse pas planer beaucoup de doute quant à la nature des créatures surnaturelles de cette histoire. Le lecteur a toutefois la surprise de découvrir qu'elles ne sont pas les seules présentes dans ce tome. En outre, comme à son habitude, Mike Mignola tisse des liens entre ses différentes séries, pour enrichir la mythologie de cet univers partagé. L'autre ennemi présent dans ce récit a déjà croisé le chemin d'Hellboy. Il est également question de Mohlomi, un personnage ayant également rencontré Hellboy. La confrérie de Ra a également joué un rôle important dans l'histoire personnelle d'Abe Sapien, l'un des membres du BPRD.



Le lecteur suit donc Edward Grey dans une nouvelle enquête, suite à la réanimation suspecte d'un cadavre. Mike Mignola a décidé de ne pas jouer sur le mystère de l'identité du principal ennemi, rapidement montré et déjà connu des lecteurs d'Hellboy. Par contre, il a conçu une intrigue qui montre Edward Grey en train d'enquêter. Il y a donc cette prise de contact avec les fossoyeurs, puis le déplacement de nuit dans le cimetière, une recherche en bibliothèque administrative quant au propriétaire du terrain d'un cimetière juif. Il a successivement recours à 2 personnages bien pratiques qui en savent beaucoup, mais qui ne disent pas tout, juste ce qu'il faut pour que l'intrigue puisse progresser un petit plus. Chris Roberson se montre un peu taquin dans les dialogues quand Edward Grey fait observer à l'un de ses personnages qu'il fait exprès de s'exprimer de manière sibylline. Il adresse un autre clin d'œil, cette fois-ci à Mignola lui-même, quand un personnage explique à haute voix que la mythologie est une de ses marottes, ce qui s'applique directement à Mignola également. Le lecteur se rend donc bien compte que l'intérêt du récit ne réside pas complètement dans l'intrigue, celle-ci ayant été conçue pour respecter les spécifications des aventures de ce personnage.



Le lecteur se laisse donc tenir par la main pour suivre les tâtonnements d'Edward Grey et ses aventures, mais sans trop s'attacher à l'intrigue, puisque la majeure partie des mystères pour Grey n'en sont pas pour le lecteur, et elle suit un cours très balisé. Il apprécie l'effort effectué pour introduire un personnage féminin (miss Goad) qui aide activement Grey et qui sait se défendre contre des créatures surnaturelles, même si cette phase ne dure pas longtemps. Il constate avec surprise que pour la première fois depuis la création de l'univers étendu d'Hellboy, la mise en couleurs est réalisée par un autre artiste que Dave Stewart. Michelle Madsen observe à la lettre les particularités du travail de Stewart, et si ça n'avait pas été précisé dans la liste des auteurs, le lecteur n'aurait pas remarqué ce changement. Ces couleurs sombres, terreuses ou verdâtres plongent le lecteur dans une ambiance enténébrées très immersive.



Ben Stenbeck réalise des dessins d'une grande lisibilité, avec des traits de contours propres et nets, un peu appuyés par endroits, pour un effet très agréable à l'œil. Les cases sont faciles à lire, même celles baignant dans une lumière sombre. Cette facilité de lecture n'est pas synonyme de faible densité d'informations. Le lecteur peut compter les briques de la maçonnerie du tunnel du Tube, les stèles funéraires dans le cimetière, les pavés dans une rue londonienne, les livres dans les archives, les cadavres à l'issue de l'affrontement final. Il observe les tenues vestimentaires : la redingote de Sir Edward Grey, la casquette des ouvriers, le lourd manteau d'August Swain, la veste militaire de Giurescu, l'uniforme rouge des gardes de la Tour de Londres, l'uniforme des bobbies, la robe toute simple de miss Goad. L'artiste intègre donc des éléments attestant de l'époque à laquelle se déroule le récit, et permettant de s'y plonger. Il les représente avec un contour assuré, délimitant clairement chaque forme, sans en perdre en détail. En regardant les pages en fin de volume, le lecteur comprend que Ben Stenbeck a lui-même appliqué des nuances de gris pours figurer les ombrages, puis que Michelle Madsen a appliqué les couleurs. Pourtant les surfaces semblent manquer de texture, n'arrivant pas à rendre compte de la matière des étoffes ou des matériaux de construction.



Ben Stenbeck utilise une approche un peu simplifiée pour représenter les traits des visages. Celui lui permet de les rendre plus facilement identifiables par des caractéristiques marquées (comme la moustache et le collier de barbe d'Edward Grey), et plus expressifs. D'un autre côté, ce choix se combine avec le manque de texture pour diminuer un peu la sensation de réalisme. Régulièrement, l'artiste s'affranchit de représenter les arrière-plans. La première fois que cela se produit, c'est dans le bureau d'Edward Grey, le temps des 2 tiers de la page, pendant qu'il discute avec son majordome. La seconde c'est dans les rues de Londres alors qu'il discute avec August Swain. Cela concentre l'attention du lecteur sur les personnages, mais aussi cela l'extrait de l'environnement dans lequel se déroule la scène. Au pire, l'absence de décors peut durer 3 pages durant. Cela rompt le charme de l'immersion du lecteur. Par exemple quand Sir Edaward Grey doit affronter une grande créature surnaturelle de nuit dans une rue de Londres, l'arrière-plan n'est occupé que par des camaïeux gris et verdâtre. Ce choix graphique donne une impression d'onirisme, totalement déconnecté de la réalité dans laquelle se meuvent les personnages, ce qui donne l'impression que cette menace n'a finalement pas de consistance, pas de substance. Il joue contre le reste de la narration qui est plus pragmatique, qui suit les démarches plus banales de personnage principal. Du coup, le lecteur éprouve l'impression que l'artiste propose une narration quelque peu schizophrénique, écartelée entre réalisme et onirisme, deux modes narratifs qui tirent le récit dans 2 directions différentes.



Au fil des épisodes, le lecteur apprécie la qualité des dialogues qui ne se limitent pas à être fonctionnels, car ils donnent également une indication sur la personnalité de ceux qui les prononcent ou sur leur état d'esprit. Par contre, il a du mal à croire que l'enquête de Sir Edward Grey progresse surtout grâce aux révélations sortant du chapeau, proférées par Mohlomi, et par Tefnut Trionus. Il s'agit là d'un raccourci bien pratique, à nouveau allant contre le caractère pragmatique de l'enquête de Sir Edward Grey.



Le lecteur referme ce tome, avec le plaisir d'avoir lu une histoire divertissante, et amusante, mais avec le regret que l'artiste donne l'impression de ne pas accorder la même importance à toutes ses planches, en particulier lors des dialogues ou des manifestations surnaturelles (comme si ces dernières se suffisait à elles-mêmes et neutralisaient l'intérêt des décors). Il regrette aussi que le mécanisme de l'intrigue repose sur des révélations bien opportunes et bien pratiques.
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The Creep

Oxel incarne parfaitement le détective dépressif, un peu paumé, regrettant son passé. Mais Oxel a toutes les raisons d'incarner ce topos parce qu'il souffre d'acromégalie et outre son impact esthétique qui génère des regards inquiets, cette maladie le fatigue fortement et l'handicape quotidiennement. Contactée par un amour de jeunesse, Oxel va devoir enquêter sur ce qui semble être une épidémie de suicide, et la réalité qu'il mettra à jour paraitra sortir tout droit d'un cauchemar ou d'un esprit aliéné.

Le récit s'installe progressivement, prend le temps de nous dépeindre chaque personnage, d'émettre des hypothèses, de comprendre un peu mieux ce que vit Oxel. Le tout porté par des graphismes et des plans fort réussis.

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Rumble, tome 1 : La couleur des ténèbres

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2014/2015, écrits par John Arcudi, dessinés et encrés par James Harren, et mis en couleurs par Dave Stewart (soit 3 créateurs ayant travaillé pour Dark Horse sur la série BPRD de Mike Mignola).



La première page montre un individu des plus énigmatiques contempler un pic rocheux immense (la scène se déroule sur le continent Pangée). La deuxième page montre un parc d'attractions désaffecté, avec une stature de Paul Bunyan couchée à terre. De nos jours, Bobby (un jeune homme, barman) se plaint à Cogan (un client du bar) qu'il n'a pas de chance avec les filles. Sur l'insistance de Bobby, Cogan lui remet un gage d'un débiteur pour le faire patienter en ce qui concerne son ardoise.



Dehors, Cogan se fait attaquer par un épouvantail (Rathraq) armé d'une énorme épée. Il cherche refuge dans le bar où l'affrontement tourne à son désavantage, jusqu'à ce que Bobby s'en mêle. Ce dernier se retrouve tout seul, avec un épouvantail éventré sur le sol, Cogan ayant pris la poudre d'escampette, et une épée qu'il conserve. Il s'en va tout raconter à son pote Del. Ce dernier fait traduire le bout de papier remis par Cogan, par Timah qui reconnaît du phénicien.



Difficile de résister à une série créée par John Arcudi (fidèle compère de Mike Mignola sur la série BPRD), James Harren qui a réalisé de très beaux épisodes sur cette même série, ou Dave Stewart, metteur en couleurs attitrés des séries de Mignola. Le lecteur se lance donc dans la découverte de cette mise en bouche, un prologue conséquent, plus qu'une première saison. Il perçoit une mise en couleurs qui s'efface complètement derrière les dessins et qui pourtant les complète de façon patente. Stewart habille chaque séquence pour lui conférer une ambiance particulière, recourant tour à tour à des teintes neutres pour les scènes de la vie quotidienne, ou au contraire à des teintes vives pour les combats physiques, afin d'en souligner la force ou les effets spéciaux (en particulier les flammes de Nusku).



Dans un premier temps, le lecteur est happé par la dimension descriptive des dessins. Il voit cette montagne exceptionnelle se dresser devant lui. Il détaille les recoins du parc d'attractions, des herbes folles aux vitres brisées. Il examine les rayonnages du bar, et son aménagement, un lieu accueillant où il fait bon s'installer (dans les pages bonus, Harren explique qu'il ne boit pas d'alcool et qu'il a dû se rendre dans plusieurs débits de boisson pour se forger une représentation mentale de l'endroit). La cuisine de la dame qui donne à manger aux chats (dont mister Bildad) est encombrée à souhait, avec un ventilateur très fonctionnel au plafond. L'appartement de Bobby montre qu'il se soucie peu de son aménagement, alors que la vue de celui de Timah montre qu'elle accorde de l'importance à sa décoration et à sa propreté.



James Harren s'en donne à cœur joie avec la conception graphique de monstres pas beaux, compétence héritée de sa participation à la série BPRD, avec une mention spéciale pour Nusku la créature de feu. Il s'éclate à représenter la vitesse de déplacement lors des affrontements physiques, avec des lignes de mouvement, et des lignes force empruntées aux codes graphiques des mangas d'action. Il prend soin de montrer que le maniement de l'énorme épée de Rathraq n'est pas si facile que ça pour un être humain de taille normale (Bobby la manipule en tremblant à cause de son poids et de sa longueur).



Assez rapidement, le lecteur constate que le dessinateur intègre un humour visuel qui revêt plusieurs formes. Cela commence avec le visage de Cogan, aux contours un peu étrange, évoquant les grimaces d'un vieux singe. Il y a les expressions joviales de la propriétaire de chats, en train de s'adresser à eux quand elle les nourrit. Il y a le look de bouseux des 2 pêcheurs sur une barque à fond plat. L'air de contentement de soi de Del (il a eu l'idée d'utiliser un produit ignifugeant) est irrésistible de suffisance.



Cette dimension comique est également présente dans les dialogues de John Arcudi. Il y a par exemple Bobby essayant d'amadouer Rathraq en prétextant qu'il s'occupe de sa mère gravement malade. Il y a aussi Del qui lui dit qu'il n'a aucune chance avec Timah et que c'est sa chasse gardée, alors que l'attitude de la jeune femme montre qu'elle tient ces 2 zozos en piètre estime. Les 2 formes d'humour se complètent et se combinent, comme lors de l'attitude de Nusku dans sa forme diminuée.



Les auteurs indiquent donc que leur récit n'est pas qu'à prendre au sérieux, et qu'il comprend une forme de dérision sous-jacente. L'utilisation de cette forme de narration est à double tranchant : d'un côté elle fait naître un sourire chez le lecteur (ce qui est toujours agréable), de l'autre elle diminue un peu l'impact de l'intrigue (sous-entendant qu'elle n'est pas à prendre si au sérieux que ça). Or John Arcudi a conçu une intrigue de grande ampleur, prenant ses sources au carbonifère, soit il y a plus de 300 millions d'années, époque où 2 races se combattaient (les Ivir, et les Esu). Certes Bobby joue le rôle d'un personnage sympathique et courageux (presqu'un faire-valoir par moment), mais Rathraq est un personnage tragique, au destin qui suscite de la pitié de la part du lecteur (ce qui se marie mal avec la tonalité humoristique, presque parodique).



Dans ce premier tome, le lecteur fait donc connaissance avec les personnages principaux : Bobby et son copain Del, ainsi que la charmante Timah. Il voit apparaître Rathraq, un rescapé de temps révolus (avec sa monture Slanjau, et sa mort tragique). Il découvre qu'il reste des ennemis bien méchants comme la reine Xotlaha, et ses sbires (Asura & Lerna, Nusku), ce qui place le récit dans le genre Bons contre Méchants (avec une ambiguïté sur la place de la race humaine entre les Ivir et les Esu).



À partir de l'épisode 3, John Arcudi effectue un gros travail pour présenter un historique des races Ivir et Esu, des enjeux pour chacune d'entre elles, et de l'enjeu personnel pour Rathraq. Le lecteur découvre ainsi la profondeur de l'environnement dans lequel se déroule le récit, et de son histoire. Le récit se clôt avec un affrontement qui permet d'apporter une fin satisfaisante, sans rester sur un suspense intenable. Le choix est donc offert au lecteur de savoir s'il veut poursuivre ou non (plutôt oui).



Avec ce premier tome, les auteurs emmènent le lecteur dans un monde bien développé, avec des personnages attachants. Pour l'instant les personnages principaux sont majoritairement mâles, dans un récit orienté action, et surnaturel. Le dessinateur a su créer des personnages mémorables, et des monstres originaux, en s'attachant également à réaliser des décors avec de la personnalité. Il s'avère très doué pour les séquences d'action qui sont rapides et tranchantes. Le scénario développe un monde étoffé dans lequel évolue un personnage principal Rathraq à l'histoire personnelle étoffée, et 2 jeunes hommes au caractère plus générique. Ce premier tome présente donc une histoire conséquente qui se lit toute seule, assez amusante par moment. Il donne envie de lire la suite, même si certains personnages sont un peu superficiels, et l'opposition entre les Ivir et les Esu un peu trop basique.
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A god somewhere

Il s'agit d'un récit complet en 1 seul tome initialement paru en juin 2010, écrit par John Arcudi et illustré par Peter Snejbjerg.



L'histoire s'ouvre sur une page terrifiante : une scène de carnage dans laquelle une voiture brûle, la fumée tourbillonne, c'est la nuit et une très jeune fille (moins de 10 ans), la tête ensanglantée, contemple désemparée et terrifiée le cadavre de sa mère dont la moitié de la tête a été emportée par une cause inconnue. Le texte qui accompagne les images résume la vie comme la découverte que le monde ne tourne pas autour de soi, et que l'on est qu'un figurant de plus dans la vie des autres. Hugh Forster est marié à Alma Talino. Les 2 époux reçoivent Eric Forster (le frère d'Hugh) et Sam Knowle, un ami commun. Ce quatuor est uni par des liens d'amitié très forts. Eric et Hugh sont venus en aide à Sam alors qu'il était agressé par un groupe de brutes à l'université qui lui reprochaient d'être noir. Et il semblerait bien que chacun des 3 hommes en aient pincé pour Alma à un moment ou à un autre, sans que cela n'ait donné lieu à une véritable rivalité ou à une jalousie. À la fin de la soirée, Eric demande aux 2 autres de rentrer chez eux car lui et Alma doivent se lever tôt le lendemain. Pendant la nuit une explosion survient dans l'immeuble où loge Eric. Il est indemne dans sa chambre et il découvre à l'hôpital qu'il a acquis une force surhumaine et une résistance exceptionnelle. Que va faire Eric de ses superpouvoirs ? Quelle sera l'incidence de sa transformation sur son frère, sa femme et son meilleur ami ? Quel accueil lui réserve le reste du monde à commencer par les États-Unis et son président ?



John Arcudi est un scénariste connu pour avoir créé The Mask avec Doug Mahnke, Major Bummer (également avec Mahnke) et pour avoir co-écrit la série du BPRD avec Mike Mignola à partir du quatrième tome Les morts. Il propose ici sa version de l'apparition d'un être humain doté de superpouvoirs dans une réalité très proche de la notre. Eric Forster est un jeune homme qui a abandonné ses études, qui vit d'on ne sait pas trop quoi, dont le caractère semble généreux et dont le lecteur apprécierait de cultiver l'amitié. Il ne présente pas de qualité vraiment remarquable si ce n'est la force du lien qui l'unit à son frère et le fait qu'il ait défendu un jeune noir agressé par une bande d'idiots.



John Arcudi sait donner une forte personnalité à chacun des 4 principaux protagonistes au travers de scènes simples et ordinaires. Quand Eric acquière ses superpouvoirs, il les utilise immédiatement pour aller sauver les habitants prisonniers des décombres de son immeuble. Il intervient également pour mettre fin au braquage d'une banque. Ce sera les seuls éléments qui pourront rappeler de loin les comics de superhéros traditionnel. Il n'y aura pas non plus de joli costume coloré ou de patronyme impressionnant, et aucun autre individu devenant un supercriminel pour servir d'ennemi à Eric. Arcudi n'est pas intéressé par une origine secrète, le lecteur ne saura pas ce qui a provoqué l'apparition des superpouvoirs. Il est plus intéressé par ce qu'Eric fait de ses superpouvoirs et la manière dont réagissent Hugh, Alma et Sam. L'histoire est d'ailleurs racontée du point de vue de Sam qui est embauché par un journal pour suivre les faits d'Eric et écrire des articles sur ses agissements. Arcudi ne croit pas non plus que l'acquisition de superpouvoirs transforme un individu en un saint qui se met à faire le bien grâce à un compas moral exceptionnel. Sam essaye donc de comprendre les actions d'Eric, de leur donner un sens, de déterminer ce qui guide Eric, ce qui le motive.



Ce point de vue très pragmatique, très terre à terre, s'exprime pleinement grâce aux illustrations de Peter Snejbjerg. Il s'agit d'un dessinateur danois qui a déjà travaillé, entre autres, avec Garth Ennis pour ses séries Battlefields "Dear Billy" et The Boys ("Le glorieux plan quinquennal"). Il utilise un style réaliste simplifié avec de gros aplats de noir. La simplification apparaît le plus dans les traits des visages. Toutefois par le biais d'une conception visuelle travaillée, le lecteur ne peut jamais confondre 2 personnages ou se méprendre sur leur sentiment. Par contre cela lui permet de légèrement exagérer certaines expressions pour les rendre plus intenses. De la même manière, ce style très prosaïque lui permet de créer des décors à la fois crédibles et spécifiques, tout en ne se focalisant que sur leurs traits essentiels et ainsi leur conférer un caractère universel. La page d'ouverture comporte des remerciements vis-à-vis de Ryan Sook qui a dû aider Snejbjerg à maîtriser ses aplats de noir pour qu'ils flirtent avec l'abstraction et qu'ils confèrent plus qu'un ombrage accentué aux illustrations.



L'approche prosaïque d'Arcudi et de Snejbjerg ne signifient pas que cette histoire est dépourvue d'action ou de destructions massives ; elle implique que ces éléments sont vécus d'un point de vue d'un être humain normal éprouvant un sentiment d'amitié sincère et même de reconnaissance pour Eric. Dans un premier temps cette approche fait naître un sentiment de déception chez le lecteur : pas de sensationnalisme, pas d'effets pyrotechniques, pas de vérité absolue et définitive sur les superhéros. Finalement ce n'est que le point de vue de Sam sur Eric, comment il profite des retombées de la renommée de son pote, comment il devient un observateur étranger, comment il découvre la distance qui les sépare, etc. Arrivé à la moitié du récit, cette perception subjective et le manque de compréhension des actes d'Eric finissent par submerger le lecteur dans une expérience humaine intense. En extrapolant un tout petit peu, le lecteur peut même deviner qu'Arcudi a écrit une fable sur les ravages de l'hégémonie du superhéros dans un média qu'il affectionne (ou peut être que je lis trop de choses dans cette histoire). En tout cas derrière l'apparente banalité de la narration se cache un récit poignant sur l'un des aspects les terribles de la condition humaine.
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B.P.R.D. - L'Enfer sur Terre, tome 1 : Des ..

Ce tome fait suite à Le Roi de la peur. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie "New world", une histoire courte "BPRD - Hell on earth : Seattle" (8 pages), ainsi que 2 miniséries parues en 2011, à savoir Gods (3 épisodes) et Monsters (2 épisodes). Tous les scénarios sont de Mike Mignola et John Arcudi.



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- "New world" - À Marekeos en Colombie Britannique, les habitants ont pris la fâcheuse habitude de se volatiliser, un à un, sans faire de bruit, sans laisser de trace. Dans le quartier général du BPRD, Kate Corrigan a du mal à faire face, elle n'est pas loin d'être franchement dépassée par ses responsabilités. Le nouveau positionnement du BPRD l'oblige à enquêter sur tout un tas de signalements d'activité paranormale dont il est pourtant évident qu'ils ne déboucheront sur rien. Abe Sapien oriente le choix de sa mission de manière à pouvoir aller en Colombie Britannique où une feuille de choux se fait l'écho d'apparition évoquant Bigfoot. Andrew Devon devient de plus en plus difficilement gérable car il est persuadé que l'un des membres du BPRD est l'antéchrist. Johann Kraus reste obsédé par la possibilité de retrouver un corps. Panya semble profiter de l'hospitalité du BPRD, tout en évitant habilement de participer à l'effort collectif. L'interlude "Seattle" met en scène Carla Giarocco, à la fin d'une mission d'extermination à Seattle qui s'est avérée particulièrement destructrice.



Comme à leur habitude, Mike Mignola et John Arcudi conçoivent une intrigue bien ficelée qui laisse la part belle aux personnages. Kate Corigan donne tout ce qu'elle peut pour faire fonctionner le BPRD malgré des membres dont il devient de plus en plus évident qu'ils ont chacun leurs objectifs plus ou moins convergents avec ceux de cette organisation. Finalement Benjamin Daimio avait peut être raison, le BPRD ne peut être efficace qu'encadré dans une structure de commandement bien hiérarchisée. Abe Sapien a également droit à une bonne part des pages du récit pour que le lecteur puisse reprendre contact avec ce personnage et connaître son état d'esprit. Ils parsèment le récit de scènes révélatrices sur les activités de Kraus et de Panya qui promettent des moments compliqués, mais qui montrent aussi que chaque agent du BPRD est un individu à part entière qui ne se laisse pas gentiment embrigader pour le seul bien de l'humanité.



En bons conteurs, Mignola et Arcudi ne se contentent pas de décrire les manigances masquées des membres du BPRD, ils proposent également une bonne vieille histoire de disparitions avec un horrible monstre à la clef. Malgré le point de départ d'un classicisme éprouvé, le mystère tient bon et l'enquête recèle plusieurs horreurs qui fonctionnent.



Il faut dire qu'ils bénéficient une fois de plus des illustrations de Guy Davis (la dernière en l'occurrence, puisque Tyler Crook, un nouveau dessinateur, arrive sur la série dans le tome suivant), avec la mise en couleurs discrète et complémentaire de Dave Stewart. Alors que Davis poursuit avec son style un peu rugueux et esquissé, Stewart rehausse les illustrations par petites touches. Par exemple, dans la deuxième page du troisième épisode, la scène se déroule dans un de ces restaurants bon marché au bord d'une highway. Dans la deuxième case, un pot quelconque traîne sur une étagère en arrière plan. À l'aide d'une dizaine de touches de couleurs pales, Stewart transforme cet objet indistinct en un distributeur de chewing-gums. Cet exemple pris au hasard semble anodin, mais il met en lumière le soin avec lequel Stewart réalise son travail, tout en restant en retrait des dessins. On est très loin d'un individu découvrant les millions de couleurs possibles avec l'infographie, il s'agit plus d'un artiste à part entière.



Évidemment le travail de Guy Davis reste remarquable en lui-même. Les humains présentent tous des visages marqués par leur vie, pas vraiment beaux, mais expressifs, singuliers, vivants, naturels. Les clients du Dinner sont des gens ordinaires, banals, des gens tous différents, mais tous quotidiens. Le visage d'Abe Sapien reste hermétique et étranger à l'humanité, malgré les émotions qui peuvent le traverser. Tous les individus ont des proportions raisonnables, il n'y a pas d'exagération des musculatures ou d'hyper-sexualisation. Guy Davis ne recherche jamais le plus petit dénominateur commun pour dramatiser les illustrations. C'est même son économie de moyens qui lui permet de rendre cette forêt de Colombie Britannique vraiment inquiétante. Ces hautes futaies dégagent un sentiment de désolation, et d'abandon assez impressionnant. Sa mise en page repose toujours sur des cases rectangulaires sagement juxtaposées, ce qui ne retire rien à l'efficacité de ses séquences d'action. Lors des 7 pages quasi-muettes de la course poursuite de l'épisode 3, les pages se tournent toutes seules, les mouvements coulent naturellement d'une case à l'autre.



La guerre contre les grenouilles semble bel et bien finie, mais les monstres sont plus que jamais présents sur terre. Mignola et Arcudi ont promis que le titre "Hell on earth" n'est pas là pour décorer. Ce premier tome de ce nouvel acte conserve ce qui fait la saveur du BPRD : des personnages aux motivations complexes, des monstres originaux qui sèment la destruction physique et psychologique, et des illustrations singulières et évocatrices.



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- Gods (illustrations de Guy Davis, couleurs de Dave Stewart) - Après les bouleversements catastrophiques décrits dans Le Roi de la peur, la vie quotidienne des américains (et des autres humains) s'est trouvée significativement modifiée. C'est dans ce contexte que débute le récit. 2 employés d'une société de gardiennage effectuent leur ronde dans une gare de trains de marchandises. Il tombe sur 2 squatteurs dans un wagon à bestiaux. L'interpellation dégénère rapidement car ils sont tombés sur une communauté organisée qui suit les prémonitions de Fenix, une mystérieuse jeune femme. Les services centraux du BPRD ont repéré l'espérance de vie remarquable de cette communauté et ils dépêchent Abe Sapien, Kate Corrigan et Andrew Devon pour essayer d'interroger Fenix.



Monsters (illustrations de Tyler Crook, couleurs de Dave Stewart) - Liz Sherman a décidé de se faire oublier ; elle habite dans un mobil home, au milieu d'un groupement de ces habitations précaires sur parpaings. Un soir elle retrouve 3 idiots en train de vider son frigo. C'est la fin de sa période d'isolement. Elle doit se faire une place dans cette communauté masquant d'étranges pratiques.



D'un coté, le lecteur ne peut que se réjouir du fait que la destruction engendrée dans Le Roi de la peur ne soit pas qu'un événement comme ça en passant, aussi vite oublié que décrit. Ça signifie que Mignola et Arcudi vont prendre le temps de balader leurs personnages dans différents endroits pour montrer l'ampleur des dégâts et l'impact sur le commun des mortels. Mais je ne suis pas entièrement convaincu par cette forme de 2 courtes miniséries. Dans "Gods", les scénaristes s'attachent à un groupe itinérant de jeunes gens ayant foi en la bonne étoile que représente Fenix. Mais le premier épisode est consacré à ce groupe, le deuxième est consacré au BPRD, avec une interruption au milieu pour que le Professeur O'Donnell puisse délirer sur la race qui habitait la terre avant les êtres humains. Et le dernier épisode se concentre sur la confrontation inéluctable contre les monstres. Au fil des pages le lecteur a l'impression d'un patchwork assemblé uniquement pour que les scénaristes réussissent à caser des éléments qui ne vont pas fortement ensemble, mais qui sont indispensables pour décrire l'état du monde dans lequel évoluent les membres du BPRD.



Guy Davis assure le spectacle à lui tout seul par des illustrations au parti pris graphique très affirmé. Il sait trouver le juste équilibre entre l'aspect descriptif (grâce à des traits économes et très efficaces) et l'ambiance grâce à une forme de rendu brut de décoffrage, à la limite de l'esquisse pour certains visages. Les monstres sont toujours aussi réussis et bien conçus pour une inhumanité sans concession. Il n'y a qu'un ou deux visages qui semblent avoir été gribouillés un peu rapidement, et les cheveux de l'agent Andrew Devon figurés à grands coups de marqueur pour un résultat qui ressemble plus à un bas féminin mis sur le crâne, qu'à une véritable implantation capillaire. Comme d'habitude, le travail sophistiqué et intelligent de Dave Stewart complète les dessins en renforçant l'ambiance, tout en restant en arrière plan.



"Monsters" ne souffre pas d'une structure éclatée car l'unité de lieu est respectée du début jusqu'à l'avant dernière page. Par contre, Mignola et Arcudi ont toujours du mal à proposer une histoire substantielle dans un nombre de pages réduit. L'étude de caractère de Liz Sherman est très réussie, ce personnage développant sa propre personnalité en refusant les stéréotypes. Le recours à un trailer park génère une ambiance particulière, sans être exagérément glauque. Mais les événements surviennent trop rapidement pour que le lecteur ait le temps d'apprécier cet environnement. D'un coté l'aspect horrifique frappe l'imagination par sa soudaineté et sa barbarie ; de l'autre l'histoire n'a pas le temps de s'appesantir sur les fondements de cet acte qui reste superficiel.



Cette histoire marque le début de Tyler Crook comme nouveau dessinateur de la série BPRD. Il conserve le style un peu esquissé de Guy Davis, mais avec un encrage moins sec, un peu plus gras. Il n'y a donc pas de hiatus stylistique, mais une évolution vers un style moins griffé. Il reste à voir comment le style de Crook évoluera dans le temps.



Cette deuxième partie est un peu décevante dans la mesure où elle ressemble à un assemblage d'éléments hétéroclites qui ne constituent pas une seule histoire. Mignola et Arcudi ont toujours du mal à densifier leurs intrigues pour que le lecteur trouve son compte dans ces formats plus courts. Guy Davis est toujours impressionnant de maîtrise, Tyler Crook s'annonce comme un artisan d'un niveau suffisant pour prendre sa succession. Dave Stewart reste le maître incontesté de la mise en couleurs discrète et essentielle.
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The Creep

J'avoue avoir bien aimé cette enquête d'un détective privé atteint d'une maladie dégénérative le rendant un peu hideux. Oxel a en effet le physique d'un monstre à la Frankenstein. Cependant, il est terriblement humain et perspicace dans ses enquêtes.



La trame de cette enquête a été assez classique mais j'ai bien aimé la mise en scène. Les auteurs maîtrisent à merveille les codes du genre polar. Le graphisme est également à la hauteur de ce comics.



La fin permettra de comprendre les suicides à l'origine de l'enquête. On ne demandait que cela. On aurait sans doute espérer un peu plus. C'est bien ficelé et c'est ce qui compte.



En un mot pour résumer: classique mais efficace.
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Crimson Lotus

Ce tome contient une histoire complète qui ne nécessite pas de connaissance préalable sur l'univers partagé d'Hellboy. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018/2019, écrits par John Arcudi, dessinés et encrés par Mindy Lee, et mis en couleurs par Michelle Madsen. Les couvertures ont été réalisées par Tonci Zonjic.



Tôt le matin du 09 février 1904, sur l'île de la Mer Jaune, Miryoku observe les navires de guerre se livrer à une bataille navale sur la mer. Sa mère lui indique qu'il ne s'agit pas de feux d'artifice, qu'il y a des gens en tain de souffrir et de mourir. Elle retourne vers l'intérieur de l'île en évitant un commando russe. Elles se dirigent vers un temple, mais s'en tiennent à l'écart en voyant le commando défoncer la porte d'entrée. Ce commando est mené par le colonel Suriv, sous les ordres de Grigori Rasputin. Ce dernier ordonne de récupérer l'idole présente dans le temple. Il met en déroute les hommes du Kenpeitai, la police militaire de l'Armée impériale japonaise. Le capitaine du Kenpeitai dégaine un sabre pour attaquer physiquement Rasputin. Ce dernier utilise sa magie pour faire une compression du capitaine qui est le père de Miryoku. En sortant du temple, il remet le brassard de police du capitaine à sa fille. Elle pénètre dans le temple et découvre son père. À l'été 1932, dans la ville d'Harbin en Chine, le colonel Suriv rentre du spectacle, avec sa femme, conduits par leur chauffeur. Il a trouvé la pièce divertissante, mais manquant un peu d'effusion de sang. Ils pénètrent dans leur maison, sans avoir remarqué la femme en manteau avec un brassard de la police chinoise qui les observe depuis l'autre côté de la rue.



À l'été 1932, à Hong Kong, l'agent Hao donne une pièce au cireur de chaussure qui vient de finir de les faire briller. Il lit tranquillement son journal dans la rue, quand il se rend compte qu'il est suivi. Il se met à courir, alors que ses deux poursuivants ont sorti leur pistolet et lui tire dessus. Il revient sur ses pas, et établi le contact avec l'agent Dai Jieh. Un peu plus tard, ce dernier rend compte au major Zhou dans son bureau. Il se lève quand la charmante secrétaire apporte du thé. Zhou lui expose les paramètres de sa nouvelle mission. II lui parle de la ville de Harbin, située en Mandchourie, où vit une importante communauté de russes blancs. Il explique qu'il s'y est produit plusieurs meurtres horribles et que des témoins rapportent qu'ils ont été commis par un gigantesque taureau avec un visage humain qui piétinait les victimes. Il explique que cette affaire concerne le Juntong (services secrets chinois) parce que l'ex-colonel Suriv séjourne dans cette cité, un dissident russe, ex-membre de l'Okhrana (police secrète russe), ayant amené avec lui des artefacts culturels.



Au début, Mike Mignola créa Hellboy en 1993. La popularité du personnage lui permit de développer le monde dans lequel il évolue au travers d'une autre série, celle consacrée au Bureau de recherches paranormales et de défense (BPRD, longtemps coécrite par John Arcudi). Le succès de cet univers s'est accompagné de miniséries consacrées à d'autres personnages comme Abe Sapien,Sir Edward Grey: Witchfinder,Koshchei the Deathless,The Visitor,Rasputin: The Voice of the Dragon, ainsi qu'à Lobster Johnson. C'est dans une aventure de ce dernier se déroulant en janvier & février 1933, qu'apparaît Crimson Lotus : voir Lobster Johnson Volume 3: Satan Smells a Rat. Le complétiste de cet univers se dirige donc vers cette nouvelle minisérie, sans hésitation car Mike Mignola a entretemps mis un terme aux aventures d'Hellboy et à celles du BPRD. Dans un premier temps, il se dit que ce récit donne l'impression d'être auto-contenu. Mike Mignola n'a pas participé au scénario, ce qui laisse supposer une connexion assez faible avec l'univers partagé d'Hellboy. Il y a bien une apparition de Grigori Rasputin dans la séquence introductive, mais il n'y a pas besoin de savoir qui il est pour comprendre ses actions. Il n'est pas nécessaire de disposer de connaissances sur Crimson Lotus, d'avoir lu sa confrontation avec Lobster Johnson, ou de savoir qu'elle est la mère de Benjamin Daimio, ex-membre du BPRD. Néanmoins la résolution du récit se raccorde avec la continuité de cet univers partagé par l'apparition d'un personnage à l'histoire compliquée, qui donne l'impression d'arriver comme un cheveu sur la soupe, ou comme un artifice opportun.



Il faut disposer de quelques notions d'histoire pour situer la Mandchourie et sa situation politique en 1932 (année où se déroule le présent récit), ainsi que la raison de la présence de russes dans cette région. John Arcudi n'abuse pas des références historiques, mais certains événements sont tenus comme étant connus du lecteur. Il ajoute quelques notes quand il emploie des termes moins connus comme Kenpeitai, Juntong ou Okhrana. Le lecteur plonge donc dans une autre époque, une autre zone du globe, pour suivre les aventures d'un duo : Dai Jieh, agent secret chinois faisant parfois penser à James Bond, Shengli, agent secret également et praticienne de la magie. L'objectif est de découvrir les raisons des apparitions de créatures monstrueuses à Harbin, et de remonter la piste jusqu'à une place forte abritant l'idole présentée dans la séquence introductive. John Arcudi s'amuse avec Dai Jieh : son imitation du flegme britannique, son utilisation d'expressions anglaises imagées, son incrédulité concernant le surnaturel et la magie. Cette dernière caractéristique vole rapidement en éclat au vu de ce à quoi il est confronté. Il s'amuse aussi un peu en montrant que Dai Jieh éprouve des difficultés à accepter que Shengli s’avère une femme combattante autrement redoutable que lui. Il s'agit des 2 seuls protagonistes dont la personnalité est un peu développée.



L'intérêt du récit réside donc à la fois dans la progression de l'enquête sur la mort du colonel Suriv, à la fois dans les affrontements contre des agents secrets, ou contre Crimson Lotus. Passée la scène introductive, John Arcudi concocte d'abord une course-poursuite dans les rues de Hong Kong, puis une course-poursuite sur le toit des wagons d'un train en marche. Mindy Lee utilise des traits d'encrage un peu épais, avec des extrémités effilées, pour délimiter des personnages parfois à grands traits, parfois complétés avec un trait de contour fin. L'apparence de ses cases diffère fortement des poncifs associés aux superhéros et rappelle un peu les pages de John Watkiss. Elle utilise régulièrement des cases de la largeur de la page, sans en abuser. Elle simplifie les traits des visages, et parfois les décors, tout en sachant mettre en évidence les plis du visage les plus expressifs (en s'aidant d'yeux un peu plus grands que la normale pour augmenter leur expressivité), et les axes structurants des décors. Le lecteur constate que l'artiste ne s'épuise pas au fil des épisodes, et que la qualité visuelle du dernier est du même niveau que celle du premier. Le lecteur peut donc se projeter dans les différents endroits : le bord de mer avec les flots représentés de manière impressionniste, le temple avec ses bas-reliefs, les rues de Hong Kong (peut-être un peu trop propres) avec les marchands de rue, les enseignes (même si Lee ne va pas jusqu'à reproduire les inscriptions en idéogrammes), les voitures du train allant à Harbin, la chambre d'hôtel de Dai Jieh, le grand temple abritant l'idole. Il se rend compte également que Michelle Madsen est devenue aussi douée que Dave Stewart pour complémenter les dessins, en restant discrète, sans donner l'impression de supplanter les traits encrés.



De plus, Mindy Lee se révèle être une très bonne metteuse en scène, à la fois pour les scènes de dialogues qui permettent de voir les personnages bouger et agir, à la fois pour les scènes d'action. John Arcudi n'a pas fait preuve de grande originalité pour les premières, préférant rendre hommage aux situations attendues dans ce récit de genre. Or le plan de prises de vue de la course-poursuite dans Hong Kong fait bien ressortir le mouvement des personnages, leur évolution en fonction de la géométrie des rues, même si elles restent un peu trop propres. De même, la poursuite sur le toit des wagons permet de comprendre les déplacements de Dai Jieh et de ses poursuivants, de voir comment il s'en sort et de rendre la scène spectaculaire. L'utilisation de la magie donne lieu à des conséquences effrayantes dont Mindy Lee sait transcrire l'horreur, sans être gore pour autant. Le lecteur souffre en voyant le corps du capitaine du Kenpeitai se tordre dans des positions incompatibles avec les possibilités des articulations, la compression résultante étant particulièrement atroce. Les singes Nô sont toujours aussi inquiétants et menaçants avec leur masque sur le visage et leur agressivité. Pendant les combats où la magie devient manifeste, la complémentarité entre traits encrés et couleurs relèvent d'une excellente coordination, et les effets spéciaux complémentent parfaitement les prises de vue.



Le lecteur habitué de l'univers partagé d'Hellboy n'hésite pas une seconde à se lancer dans ce tome, trop heureux de pouvoir y revenir malgré la fin de la série principale. Il découvre une histoire périphérique à la continuité de l'univers partagé, une enquête plongeant dans le surnaturel avec des dessins très évocateurs, et une mise en scène très efficace. Il apprécie un bon récit d'aventures. Le lecteur de passage découvre une enquête étrange, des héros adultes dans leur comportement, et un monde vraiment bizarre avec un ou deux passages dont les sous-entendus lui échappent, et une fin en queue de poisson qui n'a de sens qu'au regard de la mythologie de l'univers partagé d'Hellboy.
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Lobster Johnson, tome 3 : Une fragrance de ..

Ce tome fait suite à Lobster Johnson, tome 2 : La Main Enflammée qu'il n'est pas besoin d'avoir lu avant. Il comprend 5 histoires indépendantes, parues en 2012/2013, toutes écrites par Mike Mignola et John Arcudi.



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- Caput mortuum (dessins et encrage de Tonci Zonjic) - En juin 1932, 2 amis sortent d'un cinéma où ils ont été voir Merrily we go to hell, et ils apostrophent un passant qui a l'air ivre. Ce dernier s'agrippe à l'un d'eux, meurt dans ses bras couvert de sang. L'enquête de Lobster Johnson l'emmène dans une réunion de nazis à bord d'un zeppelin, au dessus des États-Unis.



Entre 2 histoires plus longues, Mignola et Arcudi ont décidé de s'astreindre à l'exercice délicat de la nouvelle. D'un côté il n'y a pas besoin d'une intrigue trop développé, de l'autre les scénaristes doivent réussir à proposer une histoire assez substantielle, le point d'équilibre n'est pas facile à trouver.



Pour cette première histoire, le lecteur retrouve le soin qu'ils apportent pour évoquer l'époque choisie : ici un film représentatif de la liberté artistique de l'époque (avant le code "Motion picture production code", plus tard surnommé le code Hays), un zeppelin et les tenues vestimentaires. Mignola et Arcudi incorporent ensuite quelques unes des conventions des pulps telles que les bagarres, le justicier masqué, les morts horribles et inexpliquées et un saut dans le vide sans parachute. Zonjic effectue un travail de mise en images, à la fois correct et efficace, sans être inoubliable.



Malgré tout les auteurs maîtrisent le rythme de leur récit à la case près, pour un récit d'action rapide et tendu, et ils incorporent un élément sortant de l'ordinaire (le mécontentement de la population allemande plongée dans la misère à cause du montant des réparations à payer, suite à la Grande Guerre) ce qui permet au récit de justifier son existence. 4 étoiles.



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- Satan smells a rat (dessins et encrage de Kevin Nowlan) - Quelque part dans un sous-sol, un homme en chaise roulante joue au train électrique. Ailleurs, un grand costaud ramène une belle pépée dans sa chambre d'hôtel où il retrouve un cadavre pas très frais dans un fauteuil. Lobster Johnson est sur ses traces.



Mignola et Arcudi reprennent la construction que pour la première histoire : d'abord un fait mystérieux et inexpliqué avec un cadavre à la clef, ensuite une course poursuite et enfin une confrontation. L'hommage aux pulps est tout aussi réussi, avec cette fois-ci un artiste à la personnalité prononcée, et à l'encrage très spécifique. En particulier, Nowlan s'applique à transcrire la texture de la peau du visage à l'aide de traits très fins, courts et secs, tout en veillant à ne pas surcharger ses dessins. Cela aboutit à une ambiance peu commune, où les personnages sont marqués par les années, mais aussi par leurs émotions complexes et indéchiffrables. Nowlan transcrit aussi bien la délicatesse des figurines du train électrique que l'horreur de la peau en décomposition du cadavre, en passant par la tension des passagers du métro dans la même rame que l'homme de main blessé. 5 étoiles.



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- Tony Masso's finest hour (dessins et encrage de Joe Querio) - À Long Island en 1933, Tony Masso a invoqué une créature diabolique qui lui promet le pouvoir de tenir Lobster Johnson à sa merci.



Il s'agit du plus court des récits ; il comprend 8 pages. L'intrigue est donc squelettique du fait de la pagination réduite, et Mignola et Arcudi n'arrivent pas à masquer la chute du récit, désamorçant tout suspens. Les dessins de Querio sont de bonne facture, sans être remarquable. 2 étoiles pour une histoire victime de sa brièveté.



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- A scent of lotus (dessins et encrage de Sebstián Fiumara) - En 1933, à New York, à Chinatown, plusieurs crimes sont commis, sans provoquer de réaction de la communauté asiatique. Lobster Johnson essaye de remonter à la source, avec l'aide de ses agents Harry Mc Tell, Lester, et de la journaliste Cindy Tynan. Mais le détective de police Jake Eckerd essaye de trouver une piste qui pourrait le mener à l'identité (et à l'arrestation) de Lobster Johnson.



Il s'agit du récit le plus long du recueil, parus à l'origine sous forme de 2 épisodes. L'intrigue est donc plus substantielle et plonge également dans un pan d'histoire dramatique, l'invasion de la Mandchourie en 1931. Mignola et Arcudi gèrent un nombre de personnages plus important, avec habilité, entremêlant l'enquête principale avec la pugnacité du détective Eckerd. Le mystère des meurtres conduit à la révélation d'un élément surnaturel original, et d'une affaire tortueuse.



Les planches de Sebastián Fiumara sont plus réussies que celles dans Nouvelle espèce (troisième tome des aventures d'Abe Sapien), avec une meilleure maîtrise des arrières plans, et une plus grande précision dans les décors. Les personnages dégagent une forte personnalité, différente pour chacun, avec une belle présence pour Cindy Tynan et Harry Mc Tell. Fiumara réussit à éviter les clichés et les stéréotypes propres aux "mystères de l'orient", pour des dessins transcrivant bien les particularités de l'époque, et des séquences d'action vives et un peu théâtrales, très convaincantes 5 étoiles.



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- The prayer of Neferu (dessins et encrage de Wilfredo Torres) - Lobster Johnson s'invite dans une soirée privée. La momie qui doit y être présentée par Neferu (en réalité une demi-mondaine du nom de Wilma Kazan) a été dérobée il y a peu, et son propriétaire légitime a été assassiné.



Pour ce dernier récit, Mignola et Arcudi reprennent une trame plus basique, en y insérant une ou deux pointes d'humour. Les dessins moins détaillés et plus exagérés de Wilfredo Torres tirent le récit vers la parodie, désamorçant la tension dramatique, et provoquant une distanciation préjudiciable à l'immersion d'autant que l'intrigue peu épaisse reste entièrement premier degré. 2 étoiles.
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Lobster Johnson, tome 6 : A Chain Forged in..

Ce tome fait suite à Lobster Johnson Volume 5: The Pirate's Ghost and Metal Monsters of Midtown qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, mais ce serait bête de s'en priver. Il comprend les épisodes Lobster Johnson: A Chain Forged in Life, Lobster Johnson: The Glass Mantis, Lobster Johnson: The Forgotten Man, Lobster Johnson: Garden of Bones, and Lobster Johnson: Mangekyo, initialement parus de 2015 à 2017, tous coécrits par Mike Mignola & John Arcudi. La mise en couleurs a été réalisée par Dave Stewart, à l'exception de l'histoire illustrée par Toni Fejzula.



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- A Chain Forged in Life (dessins de Troy Nixey, sauf première et dernière page dessinées par Kevin Nowlan) - Une voiture de police progresse sur une toute enneigée dans une forêt. Soudain le faisceau des phares éclaire un individu déguisé en Père Noël avec un sac de cadeaux à l'épaule. Le père Noël leur raconte son histoire : pris en otage par un groupe de 4 cambrioleurs ayant dérobé la recette d'un magasin de jouets le soir de Noël et l'ayant entraîné dans leur cavale, poursuivis par Lobster Johnson.



Le lecteur se régale de l'ironie visuelle qui se dégage de la première et de la dernière pages avec les dessins faussement naïfs et un peu lissés de Kevin Nowlan, ainsi qu'avec les visages si expressifs. Troy Nixey est plus dans l'exagération des trognes et des expressions avec des contours un peu tremblés et vaguement déformés, comme si le physique des personnages se retrouvaient marqués par la peur. L'artiste s'implique dans les tenues vestimentaires d'époque, ainsi que dans la représentation de la pièce principale du chalet où se déroule la deuxième partie du récit. Il choisit une mise en scène surjouée accentuant l'effroi des cambrioleurs, installant une saveur de parodie ou tout du moins de raillerie vis-à-vis de ces personnages. Cette approche visuelle marquée se révèle contre-productive en ce qui concerne ce scénario.



Mike Mignola & John Arcudi ont construit une intrigue simpliste dans laquelle les 4 voleurs se retrouvent à être éliminés un par un, par Lobster Johnson qui reste dans les ombres sauf pour le dernier. La narration visuelle indique au lecteur que ce récit est à prendre comme une parodie, plus que comme une traque implacable, mais sans gag ou commentaire comique pour autant. Du coup, le lecteur n'y voit plus qu'un exercice de style réussi mais dont les dessins tirent le récit à l'opposé dans un sens non voulu par les auteurs, et non repris par eux. Il en découle une histoire dépourvue de tout suspense, avec des planches originales, mais ne parvenant pas rester sur l'équilibre instable des récits de Lobster Johnson. 2 étoiles pour les 2 planches de Kevin Nowlan.



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- The Glass Mantis (dessins de Peter Snejbjerg) - Lors de l'hiver 1935, des migrants, vivants dans des conditions précaires, dans un village de tentes aux abords de New York, disparaissent un par un. L'un d'eux, Isaiah Hatcher essaye d'attirer l'attention de la presse sur ce phénomène en en parlant à la journaliste Cindy Tynan. Il a l'impression de ne pas être entendu. Le soir même, les migrants se rendent à la soupe populaire servie dans le camp, et se rendent compte qu'elle contient des de la chair humaine.



En voyant le nom du dessinateur, le lecteur se dit qu'il va être confronté à une même dissonance que dans la première histoire. Il a la bonne surprise de voir que Snejbjerg maîtrise mieux le dosage de ses ingrédients, et qu'en particulier il n'a pas abusé des expressions de visage comiques. Il se montre descriptif à souhait pour le village de fortune des migrants, et pour les éléments participants de la reconstitution historique, avec un bon niveau de détails pour chaque planche. Sa narration visuelle reste dans le premier degré, et il réserve les grimaces exagérées pour les zombies contrôlés par le méchant de l'histoire. Celle-ci est tout aussi linéaire que la première, mais contenant plus d'éléments. Il y a un commentaire sous-jacent sur cette frange de laissés pour compte, ne bénéficiant même pas des services de la police ou de l'intérêt de la presse, ainsi qu'une touche de carriérisme, et l'expression factuelle de la justice expéditive dispensée par Lobster Johnson, même si elle se réalise hors cadre des cases. Le lecteur se laisse plus facilement emmener dans ce récit, grâce à un artiste impliqué et se mettant au service du récit, y compris dans les conventions de genre très particulières de cette forme de pulp mettant en scène un justicier se substituant à la loi avec ses armes à feu. 4 étoiles.



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- The Forgotten Man (dessins et couleurs de Toni Fejzula) - En avril 1935, se tient à New York, une exposition d'un artiste souffleur de verre d'origine turque : Enis Büyük. Alors qu'il prend la parole devant les visiteurs le jour de l'inauguration, une femme dégaine un pistolet et lui tire dessus en le traitant d'imposteur en turc. La jeune femme est arrêtée sur place par 2 agents du FBI qui lui indique qu'elle a tiré sur une doublure, l'homme en question se relevant sans mal car il portait un gilet pare-balles. Lobster Johnson était également sur place pour prévenir les risques de vol et il décide de suivre le fourgon qui emmène la jeune femme.



Dès la première page, le lecteur ressent la capacité d'immersion des dessins de Toni Fejzula, grâce à la complémentarité de sa mise en couleurs. Le niveau descriptif a fortement augmenté par rapport aux 2 premières histoires, du fait de détails plus nombreux. La mise en couleurs rehausse chaque surface en jouant sur les nuances pour leur donner plus de texture et plus de relief. Le lecteur éprouve l'impression que l'artiste a réalisé une mise en peinture directe, même s'il s'agit sûrement d'un traitement à l'infographie. Il a l'impression de pouvoir se promener aux côtés des autres visiteurs du musée, et d'admirer les œuvres avec eux. Il détaille les façades extérieures et il admire les mouvements secs et tranchés de Lobster Johnson, ainsi que ceux plus gracieux mais tout aussi efficaces de la jeune femme qui accomplit sa vengeance.



Arcudi & Mignola ont conçu une intrigue plus substantielle que les 2 précédentes, avec un mystère sur le motif de la jeune femme, des interrogations sur l'histoire personnelle d'Enis Büyük, et une touche de surnaturel découlant de la nature des œuvres d'art. Enfin, ils utilisent à bon escient l'exotisme que pouvait représenter la culture turque pour des américains à l'époque. Le lecteur se rend compte qu'il est envouté par cette histoire, et en ressort pleinement satisfait de ce récit à la manière des pulps de vengeurs masqués, mêlant mystères et drame personnel. 5 étoiles.



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- Garden of Bones (dessins de Stephen Green) - En 1935, dans un cimetière du New Jersey, Lobster Johnson et Harry (un des membres de son équipe) sont venus de nuit pour déterrer le cadavre de Big Benny Jeunot. Ce dernier était un homme de main à la solde du principal gang de la ville. Mais il est apparu après sa mort, commettant à nouveau des exécutions pour le compte du crime organisé. Les autorités supputent qu'il s'agit d'un cas de zombie. Harry dont le père était un hougan est dubitatif car Heunot a été enterré en sol consacré.



La narration visuelle revient à des dessins plus classiques dans leur exécution pour cette quatrième histoire. Stephen Green réalise des cases qui s'approche plus de celle de Snejbjerg, la rondeur des contours en moins, et avec un niveau de détails moindre. Il reste lui aussi dans un premier degré pour la représentation, à l'exception de ses étranges morts vivants qui ne sont pas des zombies. Arcudi & Mignola déroulent à nouveau une histoire linéaire, présentant la particularité de reposer sur une croyance plus originale que celle des zombies et du culte vaudou. Le lecteur prend plaisir à faire semblant de croire à cette variation, même si les dessins n'arrivent pas apporter autant de force de conviction que ceux de Fejzula. 3 étoiles pour un récit rapide, mais qui souffre de la comparaison avec le précédent.



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- Mangekyo (dessins de Ben Stenbeck) - Dans une prison dans le nord de l'état de New York, le détenu Franz Schek attend son transfert pour un autre centre de détention. 2 autres prisonniers raillent ses chances de survie en se plaçant autour de lui à la cantine, car il doit passer à la chaise électrique. Schek regarde tranquillement sa montre. De l'autre côté du mur, 2 chimpanzés affublés d'un masque de kabuki sont en train de disposer des charges de dynamite qu'ils s'apprêtent à faire exploser. Ils sont interrompus par un asiatique de force taille qui en abat 2 sur 3 et qui est rejoint par Lobster Johnson et son équipe.



À nouveau, Acudi & Mignola s'inspirent de contes et légendes d'un autre pays : le Japon. Le début surprend avec cette histoire d'évasion ratée, perpétrée par des singes masqués. Sur les 20 pages de cet épisode, 9 sont consacrées à l'affrontement physique entre Lobster Johnson et son ennemi. Ben Stenbeck fait preuve d'un bon niveau d'implication pour concevoir des constructions de page en phase avec les particularités de l'affrontement, mais sans réussir à insuffler la dose de spectaculaire, ou de mystère nécessaire pour dépasser la simple relation des faits. De leur côté, les coscénaristes ne cherchent pas non plus à donner un deuxième sens à l'affrontement physique, qui aurait également être une confrontation idéologique ou culturelle. Du coup le lecteur reste sur son envie de résolution, sans trouver d'autre matière dans le récit. 4 étoiles pour un combat bien mis en scène avec une forte touche d'exotisme, mais trop littéral.
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Lobster Johnson Volume 3: Satan Smells a Rat

Ce tome fait suite à The burning hand qu'il n'est pas besoin d'avoir lu avant. Il comprend 5 histoires indépendantes, parues en 2012/2013, toutes écrites par Mike Mignola et John Arcudi.



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- Caput mortuum (dessins et encrage de Tonci Zonjic) - En juin 1932, 2 amis sortent d'un cinéma où ils ont été voir Merrily we go to hell, et ils apostrophent un passant qui a l'air ivre. Ce dernier s'agrippe à l'un d'eux, meurt dans ses bras couvert de sang. L'enquête de Lobster Johnson l'emmène dans une réunion de nazis à bord d'un zeppelin, au dessus des États-Unis.



Entre 2 histoires plus longues, Mignola et Arcudi ont décidé de s'astreindre à l'exercice délicat de la nouvelle. D'un côté il n'y a pas besoin d'une intrigue trop développé, de l'autre les scénaristes doivent réussir à proposer une histoire assez substantielle, le point d'équilibre n'est pas facile à trouver.



Pour cette première histoire, le lecteur retrouve le soin qu'ils apportent pour évoquer l'époque choisie : ici un film représentatif de la liberté artistique de l'époque (avant le code "Motion picture production code", plus tard surnommé le code Hays), un zeppelin et les tenues vestimentaires. Mignola et Arcudi incorporent ensuite quelques unes des conventions des pulps telles que les bagarres, le justicier masqué, les morts horribles et inexpliquées et un saut dans le vide sans parachute. Zonjic effectue un travail de mise en images, à la fois correct et efficace, sans être inoubliable.



Malgré tout les auteurs maîtrisent le rythme de leur récit à la case près, pour un récit d'action rapide et tendu, et ils incorporent un élément sortant de l'ordinaire (le mécontentement de la population allemande plongée dans la misère à cause du montant des réparations à payer, suite à la Grande Guerre) ce qui permet au récit de justifier son existence. 4 étoiles.



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- Satan smells a rat (dessins et encrage de Kevin Nowlan) - Quelque part dans un sous-sol, un homme en chaise roulante joue au train électrique. Ailleurs, un grand costaud ramène une belle pépée dans sa chambre d'hôtel où il retrouve un cadavre pas très frais dans un fauteuil. Lobster Johnson est sur ses traces.



Mignola et Arcudi reprennent la construction que pour la première histoire : d'abord un fait mystérieux et inexpliqué avec un cadavre à la clef, ensuite une course poursuite et enfin une confrontation. L'hommage aux pulps est tout aussi réussi, avec cette fois-ci un artiste à la personnalité prononcée, et à l'encrage très spécifique. En particulier, Nowlan s'applique à transcrire la texture de la peau du visage à l'aide de traits très fins, courts et secs, tout en veillant à ne pas surcharger ses dessins. Cela aboutit à une ambiance peu commune, où les personnages sont marqués par les années, mais aussi par leurs émotions complexes et indéchiffrables. Nowlan transcrit aussi bien la délicatesse des figurines du train électrique que l'horreur de la peau en décomposition du cadavre, en passant par la tension des passagers du métro dans la même rame que l'homme de main blessé. 5 étoiles.



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- Tony Masso's finest hour (dessins et encrage de Joe Querio) - À Long Island en 1933, Tony Masso a invoqué une créature diabolique qui lui promet le pouvoir de tenir Lobster Johnson à sa merci.



Il s'agit du plus court des récits ; il comprend 8 pages. L'intrigue est donc squelettique du fait de la pagination réduite, et Mignola et Arcudi n'arrivent pas à masquer la chute du récit, désamorçant tout suspens. Les dessins de Querio sont de bonne facture, sans être remarquable. 2 étoiles pour une histoire victime de sa brièveté.



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- A scent of lotus (dessins et encrage de Sebstián Fiumara) - En 1933, à New York, à Chinatown, plusieurs crimes sont commis, sans provoquer de réaction de la communauté asiatique. Lobster Johnson essaye de remonter à la source, avec l'aide de ses agents Harry Mc Tell, Lester, et de la journaliste Cindy Tynan. Mais le détective de police Jake Eckerd essaye de trouver une piste qui pourrait le mener à l'identité (et à l'arrestation) de Lobster Johnson.



Il s'agit du récit le plus long du recueil, parus à l'origine sous forme de 2 épisodes. L'intrigue est donc plus substantielle et plonge également dans un pan d'histoire dramatique, l'invasion de la Mandchourie en 1931. Mignola et Arcudi gèrent un nombre de personnages plus important, avec habilité, entremêlant l'enquête principale avec la pugnacité du détective Eckerd. Le mystère des meurtres conduit à la révélation d'un élément surnaturel original, et d'une affaire tortueuse.



Les planches de Sebastián Fiumara sont plus réussies que celles dans Dark and terrible (troisième tome des aventures d'Abe Sapien), avec une meilleure maîtrise des arrières plans, et une plus grande précision dans les décors. Les personnages dégagent une forte personnalité, différente pour chacun, avec une belle présence pour Cindy Tynan et Harry Mc Tell. Fiumara réussit à éviter les clichés et les stéréotypes propres aux "mystères de l'orient", pour des dessins transcrivant bien les particularités de l'époque, et des séquences d'action vives et un peu théâtrales, très convaincantes 5 étoiles.



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- The prayer of Neferu (dessins et encrage de Wilfredo Torres) - Lobster Johnson s'invite dans une soirée privée. La momie qui doit y être présentée par Neferu (en réalité une demi-mondaine du nom de Wilma Kazan) a été dérobée il y a peu, et son propriétaire légitime a été assassiné.



Pour ce dernier récit, Mignola et Arcudi reprennent une trame plus basique, en y insérant une ou deux pointes d'humour. Les dessins moins détaillés et plus exagérés de Wilfredo Torres tirent le récit vers la parodie, désamorçant la tension dramatique, et provoquant une distanciation préjudiciable à l'immersion d'autant que l'intrigue peu épaisse reste entièrement premier degré. 2 étoiles.
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Rumble, tome 1 : La couleur des ténèbres

Une récréation de qualité, violente et drôle, pour tous les amateurs d'aventures fantastiques.
Lien : http://www.bdgest.com/chroni..
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B.P.R.D. - L'Enfer sur Terre, tome 2 : La l..

Ce tome contient les 5 épisodes de la minisérie "Russie" parue en 2011, ainsi que les 3 épisodes de la minisérie "The devil's engine", et les 3 épisodes de la minisérie 'The long death", parus en 2012. Tous les scénarios sont de Mike Mignola et John Arcudi, et la mise en couleurs de Dave Stewart.



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- Russie (illustrations de Tyler Crook) - À Rampayedik (en Russie), Nicholas Verlacz (un commandant) revêtu d'une combinaison intégrale descend dans une mine où il est victime d'un accident surnaturel. L'armée russe demande de l'aide au BPRPD. Abe Sapien est toujours dans un état critique. Le docteur Kate Corrigan et Johann Kraus répondent à l'appel et se rendent sur place. Ils sont accueillis avec réticence par les fonctionnaires du service SSS (Special Sciences Services). Il leur faut attendre qu'Iosif Nichayko (le directeur des SSS) arrive pour pouvoir commencer à travailler en bonne intelligence. Nichayko emmène Kraus voir un individu possédé, pendant que Kate Corrigan bénéficie d'un briefing en bonne et due forme.



Dans ces tomes sous-titrés "L'enfer sur Terre", Mike Mignola et John Arcudi ont pour objectif de faire prendre conscience aux lecteurs du nouvel ordre mondial qui s'est installé suite aux destructions survenues dans Le roi de la peur. Ils ont donc choisi d'envoyer les agents du BPRD en mission dans différentes régions du globe, au cours de minisérie de longueur variable. Ici, Kate Corrigan et Johann Kraus répondent à une demande d'aide du fait du nouveau statut du BPRD. Mignola et Arcudi s'amusent à jouer avec la défiance naturelle des organisations secrètes (une évocation légère de la guerre froide, sans être passéiste) et avec l'obligation de collaboration. Ils matérialisent l'une des conséquences de ce nouvel ordre mondial. Ils insèrent également dans 2 scènes des informations relatives à l'impact des monstres sur le niveau de mondialisation du phénomène et les conséquences sur les échanges divers et variés d'un pays à l'autre, ou d'un continent à l'autre. De ce point de vue, ce tome rempli son objectif de transmettre au lecteur l'impact des monstres sur la civilisation mondiale. Le concept de village global contribue à bien enraciner le récit dans l'époque actuelle, ainsi qu'une utilisation très savoureuse de wikileak. Ils réservent également une demi-douzaine de pages à Andrew Devon qui a été envoyé en mission à la recherche de Fenix.



Comme à leur habitude, Arcudi et Mignola entrelacent le déroulement de la mission, avec des dialogues révélateurs des personnalités des uns et des autres. Cela fait plaisir de retrouver Kate en personnage principal, à égalité avec Johann. Il est ainsi possible de découvrir son état d'esprit et la façon dont elle gère les changements survenus depuis "King of fear". Ils font également avancer sa relation avec Bruno Karhu. Cette histoire est également l'occasion pour eux de mettre Johann Kraus en avant. Depuis plusieurs épisodes, ils ont joué sur l'ambigüité du personnage qui a ses propres motivations. Il y a un recouvrement important entre les siennes et les missions du BPRD, mais il y a aussi des différences qui l'ont amené à prendre des initiatives discutables. Cela rend l'histoire d'autant plus prenante que de ne pas être certain des actions de Kraus, et de ses motivations. D'ailleurs ils placent dans la bouche de Kraus un proverbe que je ne connaissais pas : il est plus facile de demander pardon, que de demander la permission. Arcudi et Mignola transforment un personnage à peine esquissé dans le tome 2 d'Abe Sapien (La Balade du diable), pour en faire un personnage de premier plan : Iosif Nichayko.



Non seulement Nichayko se révèle un individu complexe avec également des motivations qui lui sont propres, mais en plus Tyler Crook prouve qu'il est capable de créer des visuels sophistiqués pour les nouveaux personnages. En particulier, il dessine Nichayko d'une manière qui le rend à la fois repoussant et désarmant. Crook s'installe petit à petit sur cette série. Il est visible qu'il souhaite conserver une partie de l'identité visuelle instaurée par Guy Davis, en particulier avec un style qui simplifie parfois les formes (par exemple les traits des visages) pour mieux accentuer les ambiances. Sous son crayon, les dessins ont perdu de leur apparence griffée pour être plus plaisants à l'oeil. Ils ont également un peu perdu en détails. Toutefois Crook sait représenter le bon détail au bon endroit pour éviter les sensations de case vide ou de décor générique, et il n'éprouve pas de difficulté pour assurer la continuité dans les apparences des monstres (élément essentiel de cette série), tels que les Ogdru Hem. Il faudra donc au lecteur encore une ou deux histoires pour s'habituer au style de Crook. S'il continue à progresser, la transition ne sera pas trop douloureuse.



Alors que ce tome commence comme une enquête de plus pour le BPRD, Arcudi et Mignola racontent une histoire bien plus riche qui recèle de nombreuses surprises, et qui permet de compléter le panorama des changements à l'échelle mondiale. En plus, ils font passer le caractère de chaque personnage, ainsi que ses motivations personnelles. Ces éléments transforment un récit d'horreur (un combat de plus contre un nouveau monstre) en une intrigue élaborée, autour de personnages attachants.



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- L'engin du diable (illustrations de Tyler Crook) - Andrew Devon (un agent ordinaire du BPRD) a retrouvé et rejoint Fenix et son chien Bruiser, quelque part dans une zone naturelle des États-Unis. Ils s'apprêtent à prendre le train pour rejoindre la base du BPRD dans le Colorado. Fenix a un mauvais pressentiment concernant ce train. Le voyage va être mouvementé. Au siège social de l'entreprise Zinco, Herr Marster montre la jolie collection de souvenirs du précédent propriétaire, à son adjointe Evelyn. Puis il effectue un point d'avancement avec le responsable technique du projet visant à ramener l'ancien propriétaire.



Mignola et Arcudi reviennent au personnage de Fenix. L'agent Andrew Devon est chargé de ramener cette jeune personne vivant en marge de la société et se défiant de l'autorité établie, car elle pourrait apporter une aide significative dans la lutte contre les monstres. L'histoire suit principalement Devon et Fenix pour un voyage mouvementé pendant lequel les épreuves obligent chacun des 2 à mettre en avant leur personnalité profonde, et à apprendre à cohabiter et à coopérer. Les histoires de Mignola et Arcudi reposent sur un savant dosage entre action, éléments surnaturels et monstrueux, et interactions entre personnages. En fonction des récits le dosage est plus ou moins bien équilibré. Ici par la différence d'attitude entre Devon et Fenix, ils arrivent bien à retranscrire la différence d'âge (les bouderies de Fenix, le professionnalisme de Devon), et leur différence d'expérience face aux monstres.



Par contre, Mignola et Arcudi ont choisi de transformer leur périple en un huis clos où Fenix et Devon se retrouvent seuls tous les 2, face aux monstres. Assez vite, le cycle habituel s'installe : confrontation, fuite de justesse, confrontation, etc. Sans être fade, cette dynamique reste très classique. Ces séquences sont entrecoupées des avancées d'Herr Marster et ses sbires à Zinco pour ramener le Maître. Il s'agit pour les scénaristes de préparer une future histoire, en développant des intrigues laissées en plan depuis quelques tomes. Les expériences de Zinco sont assez savoureuses, et Herr marster présentant la collection de souvenirs nazis à Evelyn est irrésistible dans sa candeur.



Tyler Crook continue de développer son style petit à petit tout en restant dans la droite ligne visuelle définie par Guy Davis pendant toutes les années précédentes. Il utilise un encrage moins griffé que celui de Davis, plus agréable à l'oeil, tout en conservant cet aspect spontané et naturel, comme si le dessin avait été effectué rapidement, comme si la scène avait été croquée sur le vif. Il sait exprimer une vaste gamme de sentiments nuancés au travers des visages, et les séquences d'action se lisent toutes seules.



Si le fond de l'histoire manque un peu d'originalité et de piment, le mode narratif tant structurel que pictural rend cette histoire agréable à lire. 4 étoiles.



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- La longue mort (illustrations de James Harren) - La surveillance des phénomènes surnaturels effectuée par le BPRD a mis en évidence une série de disparitions en Colombie Britannique. Ape Sapien étant toujours sur la touche, Johann Kraus se porte volontaire pour prendre la tête d'une équipe d'enquête, comprenant Carla Giarocco. Il a plusieurs raisons pour vouloir mener lui-même ces investigations, raisons qui remontent au commandement de Benjamin Daimio, à la tête du BPRD.



Cette deuxième histoire a pour objectif d'apporter une fin à plusieurs intrigues secondaires laissées en suspens (certaines depuis Champ de bataille) dont, enfin, l'utilisation du couteau sacrificiel récupéré il y a de cela de nombreux épisodes par Johann Kraus. C'est également la limite de cette histoire. Si le lecteur est pleinement immergé dans la continuité des histoires du BPRD, il appréciera pleinement de voir aboutir ces intrigues secondaires sur une résolution satisfaisante. Si le lecteur a papillonné parmi tous les tomes du BPRD, ou s'il s'est initié à cette série à partir du premier tome de "Hell on earth", il est à craindre que les motivations de Johann Kraus, et ses explications le plongent dans une profonde perplexité. En fait, même pour le lecteur assidu, la révélation relative à ce couteau semble arriver tardivement. Pour le reste, Arcudi et Mignola proposent une histoire avec des monstres bien monstrueux dans des bois froids et désolés, pour atmosphère bien glauque et angoissante. Malheureusement la résolution est un peu téléphonée.



C'est l'occasion de découvrir un nouveau venu sur la série : James Harren. Il a une tâche assez intimidante : faire croire à la monstruosité sauvage de 2 créatures, tout en rappelant au lecteur qu'il y a une âme humaine enfouie dans chacun d'entre eux. J'ai été très impressionné par sa capacité à relever ce défi, et à le réussir haut la main. Il sait transcrire l'inhumanité dangereuse de ces 2 créatures, décrire des bois désolés et les rendre inquiétants, montrer la fragilité des êtres humains normaux dans cet environnement peu hospitalier, face à ces forces de la nature destructrices. L'ambiance est d'une densité totalement immersive, une grande réussite visuelle qui transforme avec une deuxième moitié convenue, en un spectacle saisissant. Il est bien aidé par Dave Stewart qui semble avoir plus soigné sa mise en couleurs dans cette partie que dans la première.



Les illustrations très réussies de James Harren transforment un récit un peu convenu et un peu référentiel, en une aventure visuelle terrifiante et viscérale. 4 étoiles.
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A god somewhere

Après avoir lu Supergod, j'enchaîne avec A god somewhere qui est basé pratiquement sur la même idée à savoir le super-héros qui devient un Dieu. J'ai nettement préféré ce récit bien qu'il parte sur un terrain plus glissant mais avec une approche qui m'a séduit.



Il est question d'un trio d'ami et d'une femme. Il est également question de la transformation des relations suite à quelque chose qui vient tout chambouler dans la vie de l'un de ces protagonistes. Avoir des super pouvoirs n'est pas toujours une très bonne chose.



Une oeuvre finalement assez tragique qui part de quelque chose de simple et qui gagne en profondeur au fil de la lecture.
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The Mask Returns

Ce tome fait suite à The Mask qu'il vaut mieux avoir lu avant pour comprendre les références à Stanley Ipkiss, ainsi que les motivations de Kathy. Il comprend les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 1992/1993, écrits par John Arcudi, dessinés et encrés par Doug Mahnke, mis en couleurs par Chris Chalenor. Cette histoire a été rééditée dans The Mask Omnibus Volume 1 qui contient les 3 premières miniséries, celles réalisées par Arcudi & Mahnke.



Suite à son intervention courageuse et héroïque dans une prise d'otages, le lieutenant de police Kellaway a été mis à pied et le parrain Don Cesare Mozzo souhaite se venger du fait qu'il ait éliminé plusieurs de ses hommes. Ce soir-là, 3 hommes de main de Don Mozzo s'introduisent dans le pavillon de Kellaway pour l'éliminer. L'un d'eux trouve que la méthode qu'ils ont choisie n'est pas la plus efficace et en plus il ne souvient plus d'où se trouve la chambre. Ils avancent plus ou moins discrètement dans le couloir à l'étage et ouvrent la porte de la chambre. Kellaway les attend derrière la porte, l'arme au poing. Il n'arrive pas à les abattre et s'enfuit vers la porte d'entrée, sans oser sortir parce qu'une voiture attend devant. Il part se réfugier au sous-sol et se munit d'une pioche pour déterrer le masque. Il n'est pas assez rapide et un tueur lui tire dessus, puis récupère le masque comme souvenir. Par moquerie, l'un des tueurs met le masque sur le visage de Nunzio, leur conducteur bègue.



La personnalité de The Mask prend le dessus sur celle de Nunzio qui met le pied au plancher avec une accélération qui colle tout le monde contre la banquette arrière. Du coup il y en a un qui lui intime de ralentir en le menaçant d'un flingue. Mask pile d'un coup sec et tout le monde traverse le pare-brise avec perte et fracas. Ailleurs Walter est attablé à la cantine de la prison. Son voisin lui adresse la parole sur un ton peu amène ; Walter l'envoie valdinguer d'un simple coup de poing bien placé. Le prisonnier contre lequel l'autre vient s'écraser se lève pour riposter. Un simple regard de Walter suffit à le faire se rasseoir, et il s'excuse en plus. L'un des tueurs a survécu à l'accident et arrive dans le restaurant qui sert de quartier général à Don Mozzo. Il demande à lui parler, mais son second lui indique qu'il est à Miami. Le tueur perd son sang-froid et se met à hurler. Il s'agit en fait de The Mask et il décide de s'installer dans le bureau de Don Mozzo et prendre la tête de ses affaires. Dès le lendemain, il se rend à la fête de mariage de la fille de Giuseppe Pescaro. Il y fait exploser une bombe, tuant toute la famille et tous les invités. Les autres familles de la pègre n'ont plus qu'à numéroter leurs abatis.



La fin du premier tome laissait supposer qu'une suite était probable car le masque n'était pas détruit et se trouvait dans un endroit où il pouvait être récupéré. John Arcudi ne perd pas de temps et commence par prendre les dispositions nécessaires pour que le précédent porteur du masque ne puisse pas le porter à nouveau. Une fois le lieutenant Kellaway écarté, il reste à savoir qui va en hériter. Cette fois-ci, le masque se retrouve sur la tête d'un criminel minable et bègue (oui, ce n'est pas une tare) qui comprend vite qu'il n'a pas intérêt à l'enlever car il devient ainsi tout puissant. Les 2 premiers épisodes proposent un jeu de massacre pétri d'humour noir car la personnalité de The Mask supplante celle de Nunzio pour accomplir ses objectifs. Pendant ce temps-là, Kathy essaye de trouver un moyen de mettre fin au massacre. Arcudi a donc choisi ne pas s'attarder sur un personnage en particulier, mais de renouveler les conditions de manifestation de The Mask, en renouvelant celui qui le revêt. Fort heureusement, Doug Mahnke est lui aussi de retour pour mettre en scène l'exubérance mortelle de The Mask.



Passé l'épisode zéro du premier tome, Doug Mahnke avait fait preuve d'une narration visuelle à la précision maniaque, et d'un sens visuel d'humour noir très violent et pervers. Le lecteur retrouve en pleine forme pour ce deuxième tome. Ça commence par un tueur assassinant froidement Kellaway alors que ce dernier est à terre et lui tourne le dos, avec une contreplongée très parlante. Ça continue avec les occupants de la voiture passant à travers le pare-brise dans une case que l'on croirait dessinée par Geoff Darrow. Le lecteur peut ensuite voir une rue jonchée de cadavres de porte-flingues alors que The Mask vient de la parcourir. Il peut ensuite voir 4 porte-flingues tressauter sous l'impact des balles, avec des petits points rouges à chaque endroit où la chair a été perforée. L'un des moments les plus impressionnants en termes de violence correspond à une scène d'automutilation où un personnage s'entaille la joue gauche avec un couteau tranchant, lentement comme s'il ne ressent rien. La force des dessins provient de leur approche factuelle, sans exagérer l'aspect gore, sans dramatiser l'acte par des angles de vue ou par une accélération des mouvements. Le lecteur n'éprouve aucun plaisir esthétique : il est déstabilisé par la plausibilité de l'acte, par sa mise en scène factuelle.



À d'autres moments, Doug Mahnke joue sur les exagérations pour créer un effet comique. Il faut voir la tronche de l'un des 3 tueurs en train de râler sur la méthode en s'adressant aux 2 autres, pour se rendre compte à quel point ce n'est pas le moment de se comporter ainsi. La première apparition de The Mask se fait avec un gros plan sur tête, ses yeux exorbités, sa dentition chevaline, son sourire halluciné, irrésistible dans son entrain maniaque. Ainsi lors de ses apparitions, certaines cases ne jouent que sur l'humour du décalage entre la situation et son apparence ou son occupation du moment : en armure sur un cheval carapaçonné avec une lance de joute, les yeux lui sortant de la tête comme le loup de Tex Avery, fonçant droit devant en tenue de footballeur avec une balle sous le bras gauche, en caleçon rose avec des motifs de lapin, etc. La narration visuelle gagne encore en force quand l'artiste marie la violence avec l'humour. Le lecteur ne peut pas se retenir de sourire devant le visage brûlé au troisième degré de The Mask, alors qu'il ressort de la propriété de Giuseppe Pescaro où il a été pris dans le souffle de sa propre bombe incendiaire. Il pouffe bêtement en découvrant les porte-flingues de monsieur Yung, criblés de fléchettes. Il rit quand Walter envoie son poing dans la figure d'un prisonnier qui essaye de s'attirer ses bonnes faveurs malgré le nez éclaté, et le sang coulant le long du visage. Les auteurs ont l'art et la manière de transformer le lecteur en un individu prenant un plaisir sadique à la souffrance d'autrui.



Il faut croire que la première minisérie a rencontré un vrai succès, pour que l'éditeur Dark Horse décide d'en commander une deuxième. Le lecteur comprend que John Arcudi ne souhaite pas transformer cette série en une série mensuelle, The Mask devenant un anti-héros comme un autre. Il continue donc de mettre en œuvre une violence cathartique, mais dont les excès ne prêtent pas à sourire car la souffrance humaine est bien réelle. Ce choix de ne pas transformer le masque en un objet de pouvoir de plus se manifeste également dans le fait que plusieurs personnages font le constat des morts atroces, à la fois en nombre et en horreur. En particulier Kathy conserve un point de vue normal par rapport à The Mask. C'est un choix courageux, car cela signifie que le lecteur ne peut pas se projeter dans The Mask. Il reste une sorte de manifestation meurtrière d'un personnage de dessin animé. Au début de l'épisode 3, Arcudi fait mine d'entamer une origine du masque en 4 pages, mais il change rapidement de braquet. Ce choix donne aussi l'impression que le scénariste n'est pas forcément bien sûr de la direction à donner à son histoire. Il lui faut un personnage qui soit capable de résister à The Mask pendant plus d'une page : en conséquence de quoi il ramène Walter, c’est-à-dire un deuxième personnage qui défie les lois naturelles. Le masque continue de passer sur la tête d'autres personnes : Nunzio, puis un autre protagoniste déjà connu de la série.



Un lecteur habitué aux superhéros a l'impression que The Mask n'est pas un personnage assez étoffé pour pouvoir supporter une histoire conséquente. Le fait que l'un des porteurs soit une femme renvoie également à un artifice narratif utilisé par Marvel & DC à l'époque pour rajeunir leurs propres superhéros, en en créant des versions féminines. D'un autre côté, en procédant ainsi, John Arcudi indique que le personnage principal est bien le masque, et pas ses porteurs. Après le quatrième épisode, le lecteur s'interroge l'intention de l'auteur. Il s'agit d'un combat entre The Mask et Walter, brutal au-delà de l'imagination, tirant pleinement parti de la force de Walter, et des capacités de dessin animé de The Mask. Le lecteur s'amuse bien à assister à cet affrontement, tout en se rendant compte que les personnages ont du mal à exister, à acquérir de l'épaisseur, comme si les auteurs voulaient en donner pour leur argent aux lecteurs, tout en préservant la possibilité d'une suite, sans vouloir conclure.



Cette deuxième histoire de The Mask reprend les meilleurs ingrédients de la première pour des manifestations toujours aussi démentes de The Mask, et un carnage énorme, mais aussi très concret. Doug Mahnke fait preuve d'une conviction et d'une verve visuelles extraordinaires, donnant du rythme et de la force à aux pitreries mortelles de The Mask. John Arcudi structure son intrigue de manière à ce que le lecteur comprenne que le personnage principal est le masque, tout en écrivant les scènes de massacre attendues, mais en donnant l'impression d'être un peu court en termes d'intrigue, et en utilisant certains artifices des comics de superhéros.
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