Lentement le nom de Morrice s'est imposé — lentement mais irrésistiblement, mais plus lentement encore s’est dissipée l’équivoque auquel son exil l'avait exposé. On s'était soucié moins souvent de louer la splendeur de sa vision que d’ergoter sur son droit d’être appelé peintre canadien. Déjà avant sa mort un mouvement nationaliste s'était dessiné ; une nouvelle école était apparue, qui voulait s’isoler des influences de l’Ancien Monde. Comme Morrice, le Groupe des Sept avait puisé aux sources européennes ; comme lui, comme tant d’autres, il avait reçu de ce contact la forte impulsion du mouvement de rénovation artistique qui, parti de France, se propageait jusqu'aux pays les plus lointains. Mais si les Sept eurent
l’estimable courage de s’insurger contre les désuètes conventions qui firent languir la peinture canadienne, en retard d’un demi-siècle, ils n'eurent de ressource que d'en demander la régénération à la nature extérieure. Ce fut dans un régionalisme inédit — dans la découverte pittoresque des rudes paysages du Nord — qu'ils pensèrent trouver la révélation d’une esthétique spécifiquement nationale.
Morrice disparu — en 1924 — sa patrie commence pourtant à prendre conscience d’avoir eu un fils illustre auquel ses confrères de Paris viennent de rendre un hommage suprême en organisant une exposition rétrospective de ses oeuvres, honneur réservé à bien peu de peintres étrangers. L'année suivante, la Galerie de Montréal, sa ville natale, accroche une exposition commémorative, sans y admettre toutefois les oeuvres de sa pleine maturité. On reste circonspect. Cependant les tableaux de sa première et de sa moyenne période prennent le chemin des collections et des musées. Mais si personne ne conteste plus ses qualités de peintre, il y a une absence notable d’enthousiasme pour consacrer sa renommée.
1907, Paris. Fraichement débarqué, je me promène au Salon de la Société Nationale, accompagné d’un ami américain, portraitiste arrivé, qui s’est chargé bien gentiment de me mettre dans la mauvaise voie. Oh ! sans aucun esprit dogmatique, car, bien qu’il soit hors concours aux Artistes Français, il n'est pas ennemi d’une certaine originalité, même un peu osée. C’est ainsi qu’il attire mon attention sur l'envoi d’un nommé James Wilson Morrice, qui est, paraît-il, mon compatriote.
La vie et l'oeuvre de John Lyman se confondent dans une sorte de fresque dont on aborde l'étude avec un sentiment de curiosité, aiguillonnée par les questions qui se posent dès qu'on veut isoler un aspect particulier de l'homme et de l'artiste qu'il fut. Représentant d'une époque encore trop peu connue de l'évolution du Québec aux plans esthétique et culturel, John Lyman a vécu dans un climat qui, à mesure qu'on le découvre, s'avère beaucoup plus dynamique qu'on ne le soupçonne généralement.
Méconnu, mais personnage important de la peinture québécoise John Lyman le fut surtout par sa culture, sa connaissance des milieux et des mouvements artistiques européens. En fait, il fut le personnage-clé d'un mouvement qui attira les peintres hors de l'influence de la peinture patriotique du groupe des Sept, peinture qui, selon Lyman, menaçait de devenir une "peinture-souvenir”.
Une œuvre d'art n'existe que par l’émotion qu’elle nous donne ; il suffira de déterminer et de caractériser la mature de cette émotion ; cela ira de la métaphysique à la sensualité, de l’idée pure au plaisir physique. Il y a tant de cordes à la lyre humaine ! C’est déjà un travail considérable que d'en faire le dénombrement.