« Mais je pense que personne ne peut comprendre ce que je vis depuis mon réveil. Quelque part, je n’ai pas envie d’être comprise. La sensation est inexplicable. Oui, j’ai une chance inouïe. Seulement, j’hésite entre la remercier ou la maudire. Je suis là, vivante, et pourtant, j’ai l’impression de ne plus exister. Cette vie en moi semble totalement inerte. Assommée, passive, comme la flamme d’une bougie s’essoufflant dans sa propre cire fondue, à deux doigts de se faire noyer. Je suis là en me demandant ce que j’y fais. Un peu comme si j’étais un parasite dans ce futur prêt à me happer pour me broyer entre les serres du quotidien, de l’aujourd’hui, de ce temps défilant étrangement. Ni passé, ni présent, ni futur. Effrayant, quand on y pense, quand on sait à quel point l’homme a besoin de se définir dans le monde qu’il habite. »
« — Tu ne te rends pas compte, toi, c’est quand même rare de tomber sur un croque-mort.
— Pas autant que tomber sur La Belle au Bois Dormant en personne.
Instantanément, je me recule contre le dossier de mon siège, les épaules droites et raidies. Séance tenante, je rouspète :
— Elle est blonde, pas brune. Et elle a dormi bien plus de temps que moi, d’abord. Puis elle n’a pas pris un camion et un tram en pleine gueule, elle. Elle a juste piqué son doigt, alors, s’il te plaît, un peu de respect pour les vrais comateux. Enfin, je ne me suis pas réveillée parce qu’un type bizarre a eu envie de m’embrasser pendant que je roupillais ».
Je veux briser à tout jamais ces murs que tu mets entre les gens et toi, entre nous deux. Je veux te dévoiler à toi-même, te montrer ta force, te faire accepter tes faiblesses.
La chute n’est pas une fin en soi, ou un échec. L’échec, c’est de rester là où on est tombé.