Citations de Karen Merran (105)
Je me suis moquée du temps et le temps s'est moqué de moi.
Hier, j'ai dû faire un million de pas en une journée ! On a visité Leur-Dame, une cathédrale qui appartient à des catholiques, et aujourd'hui, on reste des heures debout au musée du Louvres. Ma mère et Messodi s'émerveillent devant des tableaux qui ont été peints il y a des siècles. Qu'est-ce que c'est ennuyeux ! Les peintres sont tous morts en plus.
Je ne sais pas pourquoi, mais je suis énervé contre lui. Mon père est souvent en colère contre les musulmans en ce moment à cause de l'actualité et je me demande si ce n'est pas à cause d'eux que ma sœur est tombée malade. Je ne sais pas comment exactement, mais je commence à avoir des doutes.
Au bout d'un moment, j'en ai marre. Je me penche sur un coin d'herbe et je regarde les fourmis. Je creuse un petit trou pour voir si elles tombent dedans. Mais elles sont malignes, elles le contournent. Je me demande laquelle est juive, catholique ou musulmane. Impossible de savoir. Ça ne se voit pas à l’œil nu. Aucune ne porte une kippa, une croix ou un tchador. Peut-être même qu'elles ont une religion spéciale pour les fourmis.
- Tomber amoureux, ça fait quand même mal, même si on ne touche pas le sol. On ne sait même pas pourquoi on aime une personne et pas une autre. On ne sait même pas si elle nous aime aussi. Et on ne peut la forcer à nous aimer. Le pire, c'est qu'on doit arrêter de l'aimer si elle n'est pas juive. Et ça, c'est très dur !
Je ne pensais pas que j'avais autant de larmes dans mes yeux. (...) J'ai l'impression que c'est la fin de tout. Je suis comme une poterie cassée en mille morceaux.
- Tu sais combien j'ai de rides ?
J'ai essayé de compter vite pour lui donner une réponse.
- Tehkt aala zman ouzman houa di thak aalia * ! Moi non plus, je ne sais pas ! Mais ce que je peux te dire, c'est que chacune d'entre elles correspond à un moment de joie. Comme tu peux le voir, je me suis bien amusée.
Elle a souri et des nouvelles rides sont apparues.
* Je me suis moquée du temps et le temps s'est moqué de moi.
Brahim et moi, nous avons beaucoup de points en commun. La dernière fois, on a passé en revue tout ce qui était pareil chez lui et chez moi.
- (...) Jacob, tu es très intelligent. Je suis certain que tu feras de grandes choses quand tu seras grand.
- Est-ce que je pourrais être le Messie ?
Il s'est mis à rire.
- Que votre vie à tous soit douce comme le miel !
- Mais il avait mal quelque part ?
- Non, il était juste très vieux. Au bout d'un moment, le corps, c'est comme une voiture. Quand elle est trop usée, elle ne marche plus.
- Mais toi, quand elle était trop usée ta voiture, tu l'as vendue à un monsieur avec une moustache. Et tu en as racheté une neuve.
Ce qu'il y a de bien, c'est qu'on peut changer de rabbin, tout en gardant le même Dieu.
- Il suffit que le catholique devienne juif ou le contraire !
- Tu crois qu'on peut changer de Dieu comme ça, toi ? Ce serait trop facile ! Et puis, c'est important de respecter les quantités de départ. Si tout le monde devient juif, il n'y aura plus de catholiques ! Et si tout le monde devient catholique, il n'y aura plus de juifs !
Toujours et encore des obligations, des interdictions, des punitions ! Avec les communistes, on supprimera tous les mots en "tion" qui pourrissent la vie des jeunes !
Le soir, allongé sur mon lit, je regarde le plafond. [...] Si seulement toutes les réponses aux questions qu'on se pose pouvaient être écrites là-haut sur ce plafond, la vie serait plus simple. Comment guérir tous les problèmes de cœur du monde entier ? Comment retourner vivre au Maroc ? Comment ne rien oublier ? Comment supprimer la pauvreté ? Comment avoir des bonnes notes sans faire ses devoirs ? Seulement, voilà, le plafond est blanc.
- Tu verras quand tu seras plus grand. L'amour, c'est magique ! Il n'y a rien de plus fort !
- C'est plus fort que la police ?
Je comprends pourquoi mon père ne l'aime pas. Il parle comme s'il avait avalé un livre du Moyen-Âge et il sent mauvais de la bouche.
Paul invente des mots qui ressemblent à des gros mots. Comme ça, il ne se fait pas gronder. "C'est dégueutant !" ou "T'es chion !" ou encore "Espèce de ronard !". Claude, lui, imagine les meilleures excuses quand il n'a pas fait ses devoirs, et souvent ça marche car monsieur Jardin ne le punit pas. "En relisant ma rédaction ce matin, j'ai eu honte de vous rendre un devoir pareil. J'y ai passé beaucoup de temps mais je préférais m'y remettre encore ce soir."
- [...] Moi aussi, je suis communiste ! ai-je crié. Moi aussi, je veux me battre pour la liberté ! Moi aussi, je veux que l’État donne plus d'argent aux étudiants. On est les seuls à travailler sans être payés !
- [...] Ce n'est pas ça être communiste, Jacob. Être communiste, c'est vouloir une société sans riches et sans pauvres, où chacun a ce dont il a besoin pour vivre, une société où chaque personne est libre d'exprimer ses opinions. Tu comprends ?
Les cœurs s'usent quand on aime trop.