Citations de Karine Martins (36)
C'est le chaudron qui se fou du cul de la poêle
Combien de sage-femmes ou de guérisseuses accusées de sorcellerie, dont le seul crime était d'avoir mieux connu la médecine que les hommes de leur village, avaient péri dans les flammes ?
Rose réfléchit quelques instants, le regard perdu dans la campagne endormie qu'on voyait défilait à travers la vitre.
- Je n'arrive pas à me décider si cette Sainte-Vehme est une bonne chose ou pas, et donc si, vous, vous êtes quelqu'un de bien ou pas. Peut-on faire quelque chose de noble, comme protéger les gens, tout en travaillant au service d'hommes qui tuent des innocents pour se couvrir ?
Nous sommes nos pires ennemis et nos faiblesses nous égarent tous un jour ou l'autre. L'important est de retrouver le bon chemin.
- J'ignore à quel point je l'ai fait souffrir, ce qu'à pu être notre histoire, si c'est elle qui m'a laissé sciemment sous l'emprise de la verallona ou même pourquoi elle s'obstine à rester dans l'ombre. En revanche, ce que je sais avec une certitude absolue, c'est que tu es une tornade qui a déboulé dans un champs de ruines. En quelques mois, tu as ravagé mes dernières convictions, ma patience, mes sales habitudes, mes vêtements... Et même si tu n'as pas fini de me rendre chèvre, je ne veux pas d'une autre tornade auprès de moi.
Rose ravala ses larmes et esquissa un sourire.
- Tu t'améliores en déclarations mielleuses.
- Je trouve aussi ! se félicita-t-il.
Connaissez-vous une seule personne qui ne sache pas ce qu'est un vampire, un loup-garou, un cyclope ? Une région qui n'ait aucune légende à raconter au coin du feu au sujet d'esprits frappeurs, d'apparitions, de sorciers ou de créatures malfaisantes ?
En toute franchise, Grégoire, j'ai parfois envie de vous frapper avec votre auréole pour vous ouvrir les yeux sur la nature humaine !
Je ne suis pas en train de te dire qu'il faut lui faire confiance, mais qu'à cette minute, on a des intérêts communs.
Et puis, je fais la conversation à des macchabées, moi, je ne m'occupe pas des bestioles vivantes ! Ça, c'est votre boulot, et je ne vois pas comment vous pouvez le faire dans ces conditions !
- J'avais remarqué ! Que proposes-tu, alors ? Que j'envoie un télégramme au siège de la Confrérie pour leur signifier ma démission pour inaptitude en espérant qu'ils ne le prennent pas trop mal ?
- L'être humain n'a pas besoin de se cacher derrière des dons psychiques pour justifier sa cruauté.
- Ces gens ne se cachent pas derrière leurs dons ! La plupart n'ont pas conscience des accidents qu'ils provoquent.
- On parle de meurtres dans le cas présent : pas de petites maladresses !
Ce qui ne change pas ne perturbe pas l'esprit.
- Il est certaines vérités qu'il n'est pas souhaitable de connaître pour le repos de nos âmes. Laissez-les à ceux dont c'est le travail.
- Je crois au contraire que nos âmes ont toujours l'intuition du mensonge et des non-dits et que c'est ce qui les tourmente.
Une boule d’angoisse l’empêcha de poursuivre. Les bras de l’immortel lui étaient littéralement tombés le long du corps. Son visage, lui, était impénétrable. Rose s’attendait à tout moment à une réaction excessive dont il avait le secret. Il ne prononça qu’un « d’accord » du bout des lèvres.
- Grégoire, vous voulez bien nous laisser une minute ?
Quand la porte se referma sur le prêtre, un silence embarrassé s’installa. Aucun d’eux n’avait envie de commenter ces croyances amérindiennes.
- New York ? dit-il après un temps.
Rose sourcilla.
- Il paraît que c’est une ville qui mérite d’être visitée. J’avais d’abord pensé à La Nouvelle-Orléans, mais tes dons, au milieu des traditions vaudoues, ce n’est pas une bonne idée. Je suis très tenté par la Chine aussi. Les Chinois m’intriguent. Ou le Népal. La foi du curé pourrait trouver un second souffle avec le bouddhisme. C’est une option à creuser… Peut-être que l’on tombera sur d’autres comme nous là-bas… C’est très mystique comme pays. Même si je ne suis pas vraiment sûr que mon ego et mon orgueil supporteront une quelconque comparaison…
Rose sourit et se mordit la lèvre pour réprimer son émotion. Pendant son discours farfelu, il s’était figé bêtement sur le paillasson de l’entrée, comme si cette ridicule distance pouvait mettre ses sentiments hors de sa portée.
- C’est la déclaration la plus pitoyable que j’ai jamais entendue, répondit la jeune femme.
- Je n’ai jamais été doué pour ça. Mais cela dit, ce n’est pas comme si on t’en avait fait des centaines, persifla-t-il pour dissimuler son embarras.
- Fiche le camp, Voltz… Mais dépêche-toi de revenir.
Peut-on faire quelque chose de noble, comme protéger les gens, tout en travaillant au service d'hommes qui tuent des innocents pour se couvrir ?
C'est le chaudron qui se fout du cul de la poêle !
- Je me suis toujours méfié des gens dont je ne saisis pas l'humour, déclara Voltz. Et Dieu fait incontestablement partie de cette catégorie.