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Critiques de Kathy Acker (11)
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Grandes espérances

Comme un Guernica personnel. Non, j’exagère, il ne s’agit pas d’une représentation sociale, mais juste d’une vie en morceaux. Comme un tableau de collage, le texte de Kathy Acker n’est pas facile à comprendre, mais n’en induit pas moins une émotion forte.



L’autrice utilise des pastiches d’œuvres classiques, dont le titre « Grandes Espérances » qui est aussi un titre de Charles Dickens. N’étant pas spécialiste de la littérature anglaise, je n’ai probablement pas reconnu toutes les citations qui apparaissent et se mélangent dans le texte, contrairement à la lectrice qui m’a recommandé cette lecture.



Un court roman, une langue crue, un style qui nous sort de notre zone de confort littéraire, un livre à découvrir, comme une visite au musée d’art contemporain.

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Sang et stupre au lycée

L’équipée sauvage de Janey Smith



La réédition de Sang et stupre au lycée permet à Laurence Viallet de nous offrir une version corrigée et augmentée d’un livre sans tabous, à la fois roman d’apprentissage, journal intime, recueil de poésie, collage et manifeste.



Comme le dit Virginie Despentes, «ça te saute à la gueule, ça te transforme». La réédition de ce texte au temps de #metooinceste pourrait presque être vu comme une provocation, s'il n'était un témoignage fort, cru et brutal des mœurs des années 1970 où la «libération» passait par le sexe et la drogue, par la fin des tabous et les expériences hors limites.

Cela commence par un dialogue entre un père et sa fille. Ils séjournent à Mérida, au Mexique, et couchent ensemble. Mais Janey Smith, qui vient s’entrer dans l’adolescence, craint que la rencontre de son père avec Sally, une jeune starlette, ne signifie la fin de leur relation particulière. Elle part alors pour New-York, tandis que son géniteur reste au Mexique. Fin du premier acte.

Le second, tout aussi glauque, se passe au lycée où Janey va intégrer une bande baptisée les scorpions. «On faisait exactement ce qu'on voulait et c'était agréable. On se soûlait. On se droguait. On baisait. On se faisait sexuellement le plus de mal possible. Le speed, le surmenage affectif et parfois la douleur émoussaient nos cerveaux. Déglinguaient notre appareil percepteur. Nous savions que ne nous ne pouvions rien changer au merdier dans lequel nous vivions, aussi nous efforcions-nous de nous changer nous-mêmes.» Et comme elle ne connaissait rien à la contraception, elle se retrouve enceinte et avorte pour 190 dollars. Dans son école «réservée aux gentilles filles de bonne famille» la chose devient courante. Alors les scorpions veulent se venger, «combattre la morosité de cette société de merde». Vols, dégradations, insultes, course-poursuite avec la police, accidents et autres dérapages vont alors se multiplier.

Avant l'acte trois, un petit intermède nous est proposé sous forme de conte. L'histoire du monstre et de sa chatte qu'un ours vient déranger. On y croisera aussi un cheval blanc et un éléphant. Des intermèdes qui vont se multiplier, notamment sous forme graphique, car les éditions Laurence Viallet ont choisi de rééditer ce livre en y incluant des fac-similés inédits reproduits en quadrichromie: deux cartes des rêves, dessinées et annotées à la main par Kathy Acker, et de nombreux dessins.

Janey vit désormais dans L'East Village où «les quelques centimètres épargnés par les ordures puent la pisse de chien et de rat. Tous les immeubles sont cramés, à moitié incendiés, ou en ruine.» La population est à l'aune de cet environnement, misérables ou voyous, comme ceux qui débarquent chez Janey et cassent tout avant de la frapper et de la kidnapper pour la conduire chez un mystérieux M. Linker, sorte de proxénète érudit. Ce dernier la séquestre et lui inculque sa philosophie de la vie. Mais elle n’a pas envie de passer toute sa vie en enfer. «Si je savais comment cette société a fini par être aussi pourrie, peut-être aurions-nous un moyen de détruire l'enfer.» écrit-elle. Et c'est précisément l'écriture qui la sauve. L'écriture et la soif d'apprendre. Un jour elle trouve une grammaire persane et se met à apprendre le persan. Des poèmes joliment calligraphiés suivront, suivis de poèmes de révolte, de notes de lecture, de correspondance avec des écrivains comme Erica Jong et Jean Genet, de fragments de son journal intime, de dessins comme cette carte de ses rêves.

Kathy Acker invente le collage littéraire qui va lui ouvrir le monde. Un monde qu'elle va parcourir après avoir trouvé un billet pour Tanger. Un monde qu'elle va embrasser, faisant du beau avec du mal, poussant toujours plus loin les limites.

Concluons cette chronique comme elle a commencé, avec Virginie Despentes: «je ne connais aucun autre auteur qui ait un tel souffle — une telle capacité à bouleverser nos certitudes sur ce qu'on peut attendre d'un roman.»


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Sang et stupre au lycée

En termes d’incipit, Sang et Stupre au lycée fait fort, très fort : le récit pèse immédiatement sur son lecteur, avec un aplomb tel que je n’en avais jamais encore connu, sans prendre aucun gant moral. En effet, nous découvrons dans les premières lignes que Janey, dix ans, orpheline de mère, vivant au Mexique avec son père, a une relation incestueuse avec celui-ci. Ce qui plombe franchement, et plus encore qu’Un jardin de sable – moins cependant quant au fait que ce dernier soit en partie autobiographique -, c’est que Janey raconte son aventure incestueuse avec une désinvolture terrible, faisant de celle-ci une histoire d’amour banale entre deux adultes qui ont totalement conscience de leurs actes – pour Janey, en raison de son âge, l’on ne que se poser, bien sûr, la question -. Alors son père, ayant trouvé une nouvelle compagne, envoie sa fille aux Etats-Unis, normalement pour son éducation, mais très vite Janey vrille, fait des rencontres toutes plus déglinguées et surréalistes les unes que les autres, et nous la quittons, alors qu’elle a 13 ans, dans un maelström de lieux, de temps, de personnages, sans avoir bien compris, finalement, le point final de son récit.



Moi qui pensais qu’un roman punk ne pouvait pas exister, Kathy Acker vient de me prouver le contraire : ainsi, tout y est discordant, rythmiquement, narrativement, poétiquement…, mais discordant de manière à former un ensemble qui prend, en fin de compte, sens, enfin sens dans le non-sens, dans le nihilisme le plus total, le plus hallucinatoire. C’est l’explosion perturbante et permanente, en mille morceaux, de tous les codes, culturels, moraux, politiques… en une brièveté qui mêle les genres – poésies, passages théâtraux, essais de traduction, dessins minimalistes souvent pornographiques, ou au contraire d’une grande complexité, qui raconte de micro-histoires inventées par Janey… -, les registres, les histoires… et qui percute, de fait, le lecteur de plein fouet bien malgré lui. C’est une lecture éprouvante, qui questionne, évidemment, et qui bouscule, énormément, toute la conception que l’on peut avoir, non seulement du monde, mais aussi de la littérature. J’ai apprécié.
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Sang et stupre au lycée

Ce livre nous fait parcourir le destin cauchemardesque de Janey, de l'inceste à la prostitution en passant par la drogue et le cancer. Voilà un début de critique peu emballant. Il convient d'être informé dans quoi on s'engage dans ce livre qui n'est que difficilement abordable tant dans le fond que dans la forme. Si certains livres peuvent nous tomber des mains, celui-ci les explose. Le malaise côtoie la stupeur tandis que l'originalité du récit et de sa composition perturbe notre confort de lecteur. Il est ainsi difficile de parler de narration mais davantage d'une marelle où chaque saut nous plonge dans une des spirales destructrices et/ou oniriques du personnage principal.

Ayant lu la version anglaise, je me plongerai rapidement dans une version française qui semble désormais plus fidèle à l'original. Certaines parties ont laissé une profonde marque en moi alors que d'autres m'ont laissé complètement indifférent. Un des tours de force de l'ouvrage consiste d'une part à faire dialoguer des expressions littéraires et picturales variées et d'autre part à illustrer comment la libération sexuelle peut aussi mener paradoxalement à un asservissement.

Un livre à lire mais en bonne connaissance de cause
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Grandes espérances

Les voies de l'émotion et de la compréhension du monde sont parfois en lambeaux, comme celle de Kathy Acker.



Kathy Acker a expérimenté les limites dans sa vie et son écriture. Dans Grandes espérances, elle s'écrit et s'exprime en kaléidoscope par sa propre voix, par des personnages multiples et par les pastiches des grands écrivains, texte chaotique qui nous renvoie l'image éclatée du « je », tournant sans cesse autour des thèmes de sa mère, de l'héritage qui corrompt, de la manipulation, du désir, du sexe et de la folie.



« PETIT MARI : C'est toujours de ma faute. Tout est toujours de ma faute. Quand ton chien est mort quand tu avais quatre ans c'était de ma faute. Quand Three Mile Island fuyait Mère a jeté son nouveau micro-ondes de la General Electric parce qu'elle pensait que c'était un bouillon de culture pour OVNI martiens : c'était à cause de moi. Tes amis acteurs cocos me disent toujours que je ne suis pas assez politisé parce que je ne me plante pas au coin des rues comme un clodo pour distribuer ce torchon qu'ils appellent un journal dont même un clochard ne voudrait pas pour se torcher le cul, et puis ils disent que je suis responsable de l'état général des affaires. Je ne fais rien d'autre que de travailler, tous les jours. »



Ca touche, ça prend et ça dérange, car il y a la violence et le sexe cru, car il faut accepter l'opaque, accepter de perdre le contrôle, car il y a le manque hurlant de la mère suicidée. La lecture avide de ces histoires pleines de trous, trous dans la vie, trous entre les jambes ; lecture avide de quelque chose qu'on ne comprend pas complètement, comme pour accéder à une révélation, déjà entrevue ?

« Plus on se focalise, plus le récit se brise, plus les souvenirs s'évanouissent : le moins de signification. »



« Personne dans la famille de mon père n'a feint de manifester du chagrin pour ma mère. Les funérailles ont été une comédie atroce. J'étais la seule à sangloter de tout cœur alors qu'autour de moi des hordes de femmes parlaient de Joan Crawford et de sa fille et de parties de canasta. De temps à autre, je m'en souviens, ma tante Mabel me disait d'offrir des chocolats à ses amis. Je portais un tricot duveteux couleur lavande. Une femme entre deux âges a tiré dans tous les sens sur mon tricot et a hurlé qu'elle voulait l'appartement de ma mère. »



Lectrice emportée par le torrent du texte, du désir, de la peur et de la douleur.

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Don Quichotte : Ce qui était un rêve

Je ne me sens qualifiée ni pour noter, ni pour commenter … et à peine pour lire ce Don Quichotte de Kathy Acker, un livre paru en 1986, traduit et édité en 2010 par Laurence Viallet. Néanmoins, je le fais malgré tout car on ne peut pas ne pas parler de ce livre stupéfiant.



Une femme devenue folle suite à un avortement, se lance dans une quête aventureuse, elle veut aimer. Sur son lit d’hôpital, sa Rossinante, elle devient la chevalier – nuit (knight – night), à la fois homme et femme ; elle devient don Quichotte et part dans sa quête en compagnie de Saint-Siméon, un Sancho Pança qui est un chien, une quête pour aimer et trouver quelqu’un à aimer.



Au cours de ce texte, il-elle pourfend les stéréotypes masculins-féminins, mais aussi l’Amérique des enchanteurs malins, celle de Nixon-Kissinger-Reagan, une Amérique dans laquelle les hommes deviennent des chiens, avec pour arme le texte, la liberté d’une écriture sans contraintes, qui abat les barrières morales et les piétine à dessein.



C’est un texte difficile, très acrobatique, polymorphe, successivement récit picaresque, poème, discussion entre jeunes filles, lettre d’amour, dialogue sur les théories littéraires, texte pornographique, un texte parfois extrêmement drôle dans lequel Kathy Acker intègre un patchwork de textes classiques – Sade, Beckett, Shakespeare, Durrell, Conrad … - qu’elle découpe, malaxe et défigure, un texte sans narration, qui tout à coup emporte, arrête dans ses fulgurances.



«Seize heures avant de te revoir. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16. Je peux compter jusqu'à seize, mais tu n’auras certainement pas envie de me voir. Si je te vois, j’aurais envie de toi. Si je ne te vois pas, je mourrai. Je deviens dingue. Je me fous d’écrire. Je veux juste du temps. Je peux éradiquer cette nuit en abrutissant mes yeux de travail, de calcul mental, de télé abêtissante : tu m’as sauté dans les bras, folie : je t’attendrai éternellement si tu veux bien venir à moi, car le temps n’existe plus jusqu'à ce que je te voie. L’amour créé le temps et la vie. Je dois être aveugle : tu es pauvre. Ta vie est un désastre. Plus tu désires quelque chose, plus tu t’en prives. Toi : mon cauchemar ; je m’en fous. Tu m’as conquise.»



«Les hommes c’est tout à la fois des chiens et des crânes. Les hommes tout comme les chiens ont besoin de s’alimenter et d’être au chaud. Les crânes n’ont besoin ni de l’un ni de l’autre.»
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Sang et stupre au lycée

J’ai lu Blood and Guts in high school sur un ordinateur, dans un fichier pdf un peu louche qui me laisse encore perplexe quant à comment le livre doit être en format imprimé, et oui, ça a été une grande claque.



Je crois n’avoir jamais rien lu d’aussi subversif et dérangeant que ce texte, et sa lecture avait la sensation de l’interdit ; j’ai compris tout le pouvoir de la littérature à son apogée, tout est une quintessence de danger et de violence, chaque mot transperce le lecteur, plus rien ne fait sens, tout est sensation.



Le format collage, juxtaposition entre journal intime, dessins, dialogues et narration en fait une œuvre absolument incroyable de richesse.



Bref, je suis sur le cul à chaque fois que je pense à ce texte. Tout est brut et cru et en même temps le personnage principal est si fragile et naif et potentiel de douceur dans un monde tellement rude.



Les descriptions de ses douleurs physiques, je n’en ai jamais lu de pareilles.



Sang et stupre m’a fait rehausser mes critères littéraires. Maintenant que j’ai lu Kathy Acker, je ne lis plus de la même manière, et c’est tant mieux, et c'est sans doute le propre des grandes oeuvres.

Je crois qu’il y a quelque chose d’insurpassable, comme si un nouveau jalon avait été posé, comme lorsqu’un sommet est atteint pour la première fois par un être humain, un nouvel exploit vers lequel on ne peut que tendre et qu’admirer.

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Sang et stupre au lycée

. Là encore, le sexe est une transgression, un retournement politique : l’inceste est choisi, instrumentalisé. C’est la fille qui “baise” le père et pas l’inverse.
Lien : https://www.lesinrocks.com/2..
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Sang et stupre au lycée

Histoire d’un livre. Nouvelle édition de « Sang et stupre au lycée », roman séminal de l’écrivaine américaine punk et féministe morte en 1997. Un texte sulfureux à sa parution, en 1984, toujours brûlant aujourd’hui.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Sang et stupre au lycée

Grâce à la réédition augmentée de son premier livre, Sang et stupre au lycée, on redécouvre la prose sulfureuse, punk, et subversive de Kathy Acker.
Lien : https://focus.levif.be/cult..
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Sang et stupre au lycée

Voilà un livre qui ne laissera pas indifférent. La narratrice est une lycéenne américaine qui est envoyée par son père à New-York. De ce père, on apprend qu'il y a une relation incestueuse. Arrivée à New-York, l'adolescente plonge dans la drogue, le sexe et la violence. C'est un livre extrême, par une écrivaine qui, après avoir été censurée de nombreuses années, est devenue une auteure contemporaine majeure de la littérature américaine. Ce roman peut également se lire, à mon sens, comme le récit des fantasmes, des peurs et des frustrations d'une jeune adolescente. On est cependant en droit de trouver ce livre violent et par moment agaçant.
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