Kevin Dutton

Si, comme elle l'avait prouvé, les psychopathes sont vraiment plus doués pour repérer la vulnérabilité chez les individus, on devait pouvoir trouver des applications pratiques à cet avantage et en faire bénéficier la société.

En outre, il n'est pas en mesure de déceler l'émotion chez autrui. Tout se passe comme si, malgré sa vive intelligence, il était daltonien face à cet aspect de l'existence. Ce qu'il est vain de vouloir lui démontrer, car rien dans le champ de sa conscience n'est susceptible de combler ce fossé, nulle comparaison ne lui parle. Il aura beau répéter vos mots et soutenir qu'il saisit, il n'a aucun moyen de se rendre compte qu'il ne comprend pas.

Mehmet Mahmut, de l'université Macquarie à Sydney a découvert quelque chose d'extraordinaire : il semblerait que les psychopathes, loin d'être constamment insensibles et indifférents, soient plus altruistes que nous.
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Mais c'est lors du troisième, celui du bras en écharpe, que l'hypothèse de Mahmut (les psychopathes rendraient moins service) a déraillé. Car c'est l'inverse qui s'est produit. Les psychopathes se sont davantages proposés pour ouvrir la bouteille et entrer leur propre nom dans l'ordinateur que les personnes normales. Lorsque la personne était la plus vulnérable sans pour autant demander explicitement qu'on l'aide, ils étaient à la hauteur. Quand la situation l'exigeait vraiment, que c'était important, ils étaient beaucoup plus promptes à le faire que les non-psychopathes (prétendument) plus chaleureux et empathiques.

Sans grande surprise, les résultats de Mahmut en ont fait sourciller plus d'un.

Nick n'a jamais rien vu de tel.

"C'est comme si il s'était préparé au défi et que, quand celui-ci se produit, son cerveau réagissait en injectant de l'azote liquide dans ses veines. Comme s'il mettait en place une couverture neurale protectrice écartant toute émotion brute inutile, comme s'il s'enfermait soudain dans un mode alerte rouge intense et hypnotique impliquant une concentration extrême et implacable."

Le chercheur secoue la tête avec perplexité.

"Si je n'avais pas enregistré ces variations en personne, je n'y aurais sans doute pas cru. Certes, c'est la première fois que je teste un soldat des forces spéciales, et je m'attendais sûrement à une légère atténuation de ses réactions. Mais ce type maîtrisait totalement la situation. Il était si présent qu'il était absent."

Tout le secret tient au contexte, c'est une évidence.

Il ne s'agit donc pas d'être ou non un psychopathe. Il s'agit plutôt d'en être un qui est organisé. De savoir endosser un rôle quand une situation l'exige, puis une fois que le moment est passé, de réintégrer sa personnalité normale.

C'est là que Jamie et les autres se sont plantés. Leur problème n'était pas de pousser les curseurs quand il le fallait, c'est qu'ils étaient au maximum tout le temps, défaut de fabrication aux conséquences indiscutablement malheureuses.

"Pour moi le problème est que les gens passent tellement de temps à se soucier de ce qui pourrait mal tourner qu'ils en oublient carrément le présent. Ils négligent complètement le fait que, là, maintenant, tout va très bien. Ça saute aux yeux dans votre exemple. Ce type vous a confié que ce n'est pas la violence qui vous brise, c'est la menace de la violence. Alors, pourquoi ne pas rester dans l'instant présent ?"

Dans ce livre, la thèse sous-jacente que les psychopathes détiennent une forme de sagesse est tout ce qu'il y a de plus sérieuse. Il ne s'agit peut-être pas de la sagesse au sens traditionnel du terme, celle qu'on peut acquérir avec l'âge, mais plutôt d'un mode de fonctionnement de leur être profond.