Laëtitia Reynders

Quoi qu’il porte, cet homme incarne l’élégance.  Il a de grands yeux noisette qui éclairent un visage sérieux qu’une barbe savamment taillée rend plus mature… et en font un redoutable séducteur !

Je suis comme un stupide poisson…  il a cette agilité de tirer un petit coup bref sur sa canne à pêche lorsqu’il sent que sa proie, en l’occurrence moi, se défile légèrement.  Et je le laisse faire.  Pire, j’en redemande !  Je suis pathétique.

J’exagère !  Je me couche beaucoup trop tard.  À ce rythme effréné, je ne vais pas tenir un mois.  Surtout que le nombre d’invitations aux soirées mondaines augmente de plus en plus.  Je suis passée d’une à trois voire quatre par semaine.  Je vais bientôt ne plus avoir de temps à consacrer à mes chroniques !  Trop c’est trop.

Boris Cyrulnik a dit : « Un enfant n’a jamais les parents dont il rêve.  Seuls les enfants sans parents ont des parents de rêve !

J’ai grandi dans l’illusion.  Mes parents ont toujours privilégié leur carrière professionnelle et pallier leur absence par des cadeaux.  Souvent seul avec ma sœur aînée, nous n’avons aucun cadre à respecter, aucune limite et peu d’autorité à prendre en compte.
Mon essentiel réside dans la satisfaction immédiate de mes besoins même si cela doit se faire au détriment d’autrui !

L’image de cette jeune femme n’a de cesse d’envahir mes pensées.  Et lorsqu’elle s’efface doucement, j’allume ma lampe de chevet et admire son portrait épinglé au-dessus de mon lit.  Ses grands yeux noirs, ses belles lèvres roses et charnues, ses longs cheveux bruns.  Je n’ai jamais vu femme aussi plaisante et je la veux.

J’aime jouer avec l’ironie lorsque je sens poindre l’embarras.  Je préfère qu’elle soit mal à l’aise avec ma remarque puérile plutôt que de devoir me justifier d’avoir quatorze ans de moins qu’elle !  Mais elle n’est pas dupe, et j’adore ça !

Je suis un être, extrêmement égoïste et la seule chose qui compte à mes yeux, c’est me faire plaisir.  Ce soir, discuter avec toi me fait me sentir bien, je ne vois donc pas pourquoi je m’en priverais !

Je veux qu’elle ressente le manque, je veux la rendre complètement accroc à mes mots.  Qu’elle me désire.  Qu’elle fasse de moi le centre de sa vie ! Je suis un manipulateur, j’aime user et abuser de ma force verbale pour faire mal.  Mais avec Livia, il y a quelque chose de différent.  Avec elle, je ressens des émotions que je ne n’avais jamais éprouvées jusqu’à maintenant et je suis incapable de les définir.  Elle me manque ! 

La patience incarnée, il m’attendrait l’éternité s’il le fallait.  Proche de soixante-dix ans, il est un peu une figure paternelle.  J’apprécie ses conseils bien souvent judicieux.
Je pose la tête sur la banquette et regarde défiler les lumières en pensant à ma vie.

Je sais que sa remarque n’avait rien d’un constat, mais bien d’une impertinence.  Parce que, à ses yeux, je ne suis rien d’autre qu’une petite conne qui amasse des millions en «  assassinant  » (pour reprendre son terme) des produits cosmétiques si durement créés. 

Je dois très certainement être comme une pivoine… j’aurais peut-être dû prendre le temps de vérifier le physique de l’organisateur de cette soirée, cela m’aurait évité un tel embarras.

Mieux vaut aucune publicité plutôt qu’une mauvaise critique surtout lorsque l’on sait que ma chaîne est suivie par plus de trois millions d’abonnés.

Je n’écoute pas un traître mot de la leçon d’espagnol et préfère admirer la photo de Livia que j’ai découpée d’un magazine féminin.  Je caresse son joli sourire du bout des doigts.  Jamais jusqu’à maintenant, je ne me suis intéressé à une fille… j’ai toujours été insensible émotionnellement et dépourvu d’empathie.  Indifférent au mal que je peux faire autour de moi, je n’éprouve ni remords ni culpabilité.  Pourtant, aujourd’hui je ressens une sorte d’agacement de l’avoir désenchantée.

Je n’ai pas envie de jouer aux devinettes !
 
Je ressens comme un brin d’agacement dans ses mots.  Je me doutais bien que l’on aborderait ce sujet tôt ou tard, mais j’aurais préféré ne pas être attendu par madame Cervantès et avoir l’occasion de déminer le terrain.  L’idée de mentir me traverse l’esprit mais je me retiens… Je me demande bien pourquoi d’ailleurs ?

Cette relation prend, bien malgré moi, toujours plus d’ampleur.  Nous ne nous limitons plus à dialoguer quelques heures en soirée.  Dès que je la vois se connecter, je l’accoste, mais j’ai chaque fois et par jeu, un pseudo différent. 

Ma distraction favorite est de séduire la race humaine dans l’unique but de m’amuser d’elle.  Mais ses réactions sont tellement prévisibles que cela finit par m’excéder.  Elle est dénuée d’intérêt !

Ma vie n’est rien d’autre qu’un tissu de mensonges.  Pour moi, il n’existe que ma vérité, celle que je distille autour de moi pour faire plaisir et montrer à quel point je suis docile.  Je joue le faible pour manipuler à ma guise.  Parce que je suis incapable de ressentir de la culpabilité.  Je suis un être profondément égoïste et utilise la compassion comme un accessoire pour m’amuser.

Je vais devoir sourire, discuter avec tout qui je vais croiser, afficher une mine joyeuse alors que je n’aspire qu’à rester seule avec ma solitude et peut-être même pleurer !  Mon air heureux n’est qu’une apparence, il n’est rien d’autre qu’un masque que j’enfile chaque jour.

Il m’apparaît instruit, mature et intéressant.  Il a une totale maîtrise de l’art de la conversation.  Je ne vois pas le temps défiler tant ce bavardage me captive.