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Emile Bernard, Souvenirs sur Paul Cézanne, 1907
Il y avait encore sur un chevalet mécanique qu’il venait de faire installer, une grande toile de femmes nues se baignant, qui était dans un état complet de bouleversement. Le dessin m’en parut assez difforme. Je demandai à Cézanne pourquoi il ne prenait pas de modèles pour faire ses nus. Il me répondit qu’à son âge on avait le devoir de s’abstenir de dénuder une femme pour la peindre, qu’il lui serait permis à la rigueur de s’adresser à une personne de cinquante ans, mais qu’il était à peu près sûr qu’à Aix il ne la trouverait pas.
Il alla vers des cartons et me montra des dessins qu’il faisait à l’atelier Suisse, dans sa jeunesse. « Je me suis toujours servi de ces dessins, me dit-il, cela n’est guère suffisant, mais il faut bien à mon âge. »
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Le premier objet qui frappa mes yeux, dès le seuil de la porte, fut une grande figure de Paysan percée de coups de couteau à palette. Cézanne s'emportait pour les raisons les plus futiles, et même sans raisons, et passait sa colère sur ses toiles.