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4.15/5 (sur 182 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1991
Biographie :

Laurine Thizy écrit depuis son plus jeune âge : elle est sélectionnée trois fois au Prix du jeune écrivain (2010, 2013 et 2014), ce qui lui vaut d'être publiée dans un recueil aux Éditions Buchet-Chastel.
Doctorante en sociologie (Université de Paris 8), elle enseigne à l’université de Lyon 2
Elle écrit son premier roman, Les maisons vides, qui paraît en janvier 2022.


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Un texte collectif dirigé par Charlotte Pudlowski avec Emma Becker, Marina Rollman, Joy Majdalani, Wendy Delorme, Laurine Thizy, Emmanuelle Richard Éditions de l'Iconoclaste | septembre 2023


Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Alors Gabrielle déshabille le petit frère et le glisse dans les bras de la mémé. Les voici, la vieille espagnole et le petit frère de dix-huit mois babillant, là tous les deux, blottis l'un contre l'autre dans l'eau claire, l'enfant dans son éclatante jeunesse avec sa peau rosée qui repose sur la poitrine distendue, au creux des bras veinés. Ils sont tournés l'un vers l'autre badins, sourire radieux du petit Jean, joues rondes, incisives flambantes, à peine poussées, sous le regard voilé de la Maria - sourire partiellement évidé comme celui du petit frère. Gabrielle observe l'enfant et la mémé, la vieille peau molle, les réseaux de veines qui saillent sous la peau, les poils filasse presque inexistants au bas du ventre ; et par contraste cette fraîcheur hallucinante du petit frère. Son sexe d'oisillon fait rire sa mère et tout le monde. Il bat des mains dans l'eau, enfant de lumière posé contre le sein antique d'une madone nue. (p.232)
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Derrière la vitre, contre le ciel de septembre, se dressent les montagnes de la fin de l’été, crocs noirs et nus. Dans le blanc uniforme de la chambre, la fenêtre semble un tableau immobile, comme peint à même le mur, ne serait la lumière de midi qui découpe l’air en faisceaux jaunes.
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Par une nuit aux étoiles claires, Gabrielle court à travers champs. Elle court, je crois, sans penser ni faiblir, court vers la ferme, la chambre, le lit, s'élance minuscule vers un labyrinthe de maïs, poussée par le besoin soudain de voir, d'être sûre. Gabrielle sait qu'il est trop tard - ses paumes meurtries le lui rappellent-, pourtant elle court, de toute la vigueur de ses treize ans.
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Maintenant entre les murs de l’hôpital, demi de mêlée sur le banc de touche, Peyo attend la sanction d’un arbitre aux règles inconnues. Rentrer ainsi les épaules, contracter la nuque, regarder l’adversaire en face : la seule méthode qu’il ait jamais apprise pour encaisser les coups.
Une petite stagiaire timidement s’avance, armée d’un bracelet de naissance et d’un marqueur indélébile.
– Et pour le prénom, vous y avez réfléchi ?
Peyo la regarde. Il ne s’est jamais posé la question, jamais vraiment. Jusqu’à tout à l’heure, l’idée d’avoir un enfant n’était que théorique – alors un enfant réel, qu’il aurait en plus le pouvoir exorbitant de nommer… Peyo reste silencieux et la petite stagiaire, mal à l’aise, s’enfuit.
Plus tard le médecin de garde, en enlevant sa blouse, annonce que rien n’est sûr encore mais l’espoir est bon, même si petite – petite comme ça on n’a jamais vu, mais on fait au mieux. Grâce aux progrès de la science, on a isolé une molécule qui permettra l’achèvement des poumons.
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Les araignées reviennent juste après le coup de téléphone de Jacquie, aux premiers froids de l'automne. Gabrielle les accueille sans surprise: elle savait au fond d'elle que sa puberté spectaculaire n'était qu'un répit.
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Il faut plusieurs mois à Raphaël pour s’apercevoir que Gabrielle maigrit ; les parents quant à eux ne s’en rendent pas compte. Suzanne a découvert, en fouillant le téléphone de son mari, des textos érotiques échangés l’année précédente avec la femme du trésorier. Ils datent d’une époque a priori révolue, d’avant le drame des assiettes qui volent. Depuis, Peyo a renouvelé ses promesses et Suzanne le croit. Mais il a conservé ces messages, et c’est insupportable. Il devait faire table rase. La mère en veut à Peyo, moins d’avoir archivé la conversation que de l’avoir trop mal cachée ; surtout, elle lui en veut pour son cœur qui désormais accélère au moindre retard, pour ses mains moites dès qu’il consulte son téléphone, pour les nœuds dans son ventre pendant l’amour, elle lui en veut pour cette angoisse suffocante qui la pousse à fouiller et en fouillant à trouver, et se blesser encore. Suzanne cherche sa douleur avec l’obstination d’une enfant qui appuie sur un bleu, ne s’avoue pas que les messages découverts sont un prétexte à sa rancune. Au fond, elle ne pardonne pas à Peyo d’avoir fait d’elle une femme jalouse. L’idée du divorce commence à faire son chemin, à peine modérée par l’âge du petit Jean.
 
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Avec les années la María a moulé ses gammes à cette église. Sa voix tutoie les colombes sculptées dans la voûte de la sacristie, niche dans les arcs gothiques de la croisée, se déploie en ailes ouvertes sous les arcs-boutants. Mais, avec les années, la María a aussi pris de l’âge. Subrepticement, les muscles qui tendent ses cordes vocales se sont atrophiés.
Au beau milieu du chant d’entrée, la vieillesse la rattrape. Sa voix déraille à la reprise du troisième couplet, au changement de registre. C’est sa première fausse note. La Vierge sursaute avant de sourire avec indulgence, tandis que la mémé poursuit son hommage sans faiblir, de cette voix qui soudain n’est plus la sienne. Elle n’a pas envie de se taire, la María, elle continue de s’époumoner allègrement ; mais, à l’intérieur, je crois qu’elle sait que la mort vient de lui tapoter la gorge.
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Laisser au clown l’émerveillement. Laisser au clown la détresse. Laisser au clown l’impatience. C’est la première chose que j’ai apprise : le nez protège. On – Off. Avec son nez, le clown est clown. Sans son nez, le clown n’est plus clown. Laisser au clown l’impatience.
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Il a depuis toujours l'idée que, dans les familles de campagne, on s'occupe soi-même de ses vieux. Ici on naît et on meurt dans les mêmes lieux, les mêmes odeurs, ici on n'envoie pas ses parents agoniser dans des lits inconnus.
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Prologue
Par une nuit aux étoiles claires, Gabrielle court à travers champs. Elle court, je crois, sans penser ni faiblir, court vers la ferme, la chambre, le lit, s’élance minuscule dans un labyrinthe de maïs, poussée par le besoin soudain de voir, d’être sûre. Gabrielle sait qu’il est trop tard – ses paumes meurtries le lui rappellent –, pourtant elle court, de toute la vigueur de ses treize ans.
Gabrielle entre par la grange, plus silencieuse qu’une souris fuyant derrière les plinthes. Elle a la grâce et la souplesse de sa jeunesse, elle connaît la maison par cœur et depuis toujours, pierres aux écailles rugueuses, tuiles en rangs sur le toit incliné, odeur indélébile de poussière et de pétrole. La lucarne filtre une lumière qui dessine le contour des choses, la tondeuse, le paillasson, le chausse-pied ; mais même dans l’obscurité Gabrielle pourrait escalader les trois marches qui mènent à la cuisine, traverser le couloir, se faufiler dans la chambre du fond. Elle n’a pas besoin de voir, ses mains brûlantes suivent la tapisserie, longent le chambranle de la porte, referment derrière elle sans un bruit.
La voici dans la chambre. Personne n’a pris la peine de fermer les volets. Sur l’étagère, la statue de la Vierge avec son chapelet au coude luit dans la pénombre, rendue à ses prières, muette désormais. Dans la lumière argentée, la Très-Sainte n’est plus qu’une statue de plâtre immobile.
Gabrielle s’approche du lit.
C’est un lit médicalisé pour les grands malades ou les très vieilles personnes, un lit qu’on a fait installer à la maison pour soigner la vieillesse dans les murs qui l’ont vue advenir. Mais la vieillesse ne se soigne pas ; Gabrielle, avec ses paumes cautérisées par les broderies d’un coussin, vient à peine de l’apprendre. La vieillesse ne se soigne pas.
Elle se tient maintenant au chevet qu’elle a veillé des mois durant. Tout à l’heure elle est partie trop vite, alors elle observe. Le corps gît sur le lit, les mains ridées posées sur le ventre, l’une sur l’autre, en une dernière protection. Le visage est lisse comme une poupée de cire. Les yeux sont restés ouverts, fixes, ces yeux d’un vert délavé que le temps et la cataracte ont depuis longtemps voilés d’une glaire opaque. Les rares cheveux sont comme l’infirmière les a noués au matin, chignon maigre, ramassé sur la nuque. Sous les fesses, les mollets, les omoplates, des escarres déjà s’épanouissent.
J’ignore combien de temps Gabrielle reste au bord du lit, j’ignore à quoi elle pense quand elle fixe les bas de contention dans les vieux mocassins, le gilet de laine à boutons dorés, le pin’s en forme de colombe. La maison est silencieuse. Dehors, la lune fait le tour de la nuit et les maïs bruissent au vent d’octobre. J’imagine qu’elle se penche, dépose un baiser sur le front ; découvre alors sous ses lèvres la peau froide, caoutchouc dur, peau terrible de l’après.
Gabrielle effleure les doigts osseux avec la pulpe de son index, arrange un cheveu blanc, hésite. Enfin elle s’allonge sur le matelas crénelé, glisse sa main sous le bras mort pour se faire une place au creux du lit. Jeune et vivante, sous le regard éteint de la Vierge, son poing brûlé enfoui dans une paume glaciale, Gabrielle finit par s’endormir, blottie contre un cadavre.
*
Un : le costume. La chemise trop grande à fleurs bariolées, le pantalon de velours orange, les bretelles à damier avec leur pince en tête de chat. Les chaussures de bowling, pointure 47, cuir rouge et bleu, lacets fluo. Laver l’ensemble à chaque fois.
Deux : les accessoires. Un cochon en plastique, une bille transparente, une banane épluchable à l’infini, un tube à bulles de savon, trois massues, un harmonica. À désinfecter, spray à disposition sur la table.
Trois : le maquillage. Base blanche, crémeuse. Appliquer à l’éponge. Au besoin, estomper du bout des doigts. À la craie grasse, tracer l’arc de cercle au-dessus des yeux. Ne pas effrayer les enfants.
Quatre : les gants. Lavage des mains obligatoire, doigts en ciseaux pour enfoncer les jointures. Jetables si possible. Sinon, ne rien toucher.
Cinq : le nez rouge.
On.
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— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

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